...

L'enjeu est de taille, d'après l'endocrinologue: si le nombre de personnes souffrant de DT2 ou d'obésité était évalué à 878 millions dans le monde en 2022, il devrait s'élever à près de deux milliards en 2030. Et il faut garder à l'esprit qu'il ne s'agit pas que d'une "simple" mauvaise hygiène de vie mais bien d'un ensemble multifactoriel, y compris de facteurs épigénétiques. Et il faut bien reconnaître que l'obésité n'est pas (encore) universellement reconnue comme une maladie chronique et progressive, qui nécessite une intervention médicale. "Nos connaissances sur la physiopathologie du diabète et de l'obésité se sont largement étoffées au cours des dernières années", souligne Andreea Ciudin, "et de nouvelles options thérapeutiques s'offrent à nous pour traiter de manière proactive ces deux affections, qui ne découlent pas réellement d'une mauvaise volonté de la part des patients." Autrement dit, le fatalisme, l'inertie thérapeutique (et la stigmatisation? ) n'ont plus lieu d'être en 2024. Pour Timo Müller, qui dirige l'Institut du diabète et de l'obésité à Munich, le dysfonctionnement adipocytaire peut être considéré comme cause principale de l'obésité et du DT2, et être ciblé en tant que tel. Les adipocytes peuvent se charger en lipides jusqu'à un certain point. Au-delà, ils libèrent les lipides, qui vont se déposer dans différents tissus et y provoquer une inflammation locale, la libération de cytokines et ensuite déboucher sur une insulinorésistance et un dysfonctionnement des cellules du pancréas. Or, le GLP-1 et le GIP sont des incrétines qui jouent un rôle dans la balance énergétique via leurs actions sur le SNC. Des études précliniques ont montré que les récepteurs du GIP se situent dans le centre de l'appétit. L'activation de ces récepteurs est associée à une réduction de la prise calorique. De plus, et à l'inverse de ce qui est observé pour le GLP-1, des récepteurs du GIP existent également dans le tissu adipeux. En fonction du taux d'insuline, ces récepteurs peuvent favoriser l'accumulation de lipides ou, au contraire, la lipolyse. En cas d'insulinorésistance (et en analogie avec ce qui s'observe lorsque l'insulinémie est basse chez une personne non diabétique), le GIP favorise la lipolyse et augmente l'oxydation des acides gras. Les récepteurs du GIP sont également très exprimés au niveau des îlots de Langerhans, où ils stimulent la sécrétion de glucagon en cas de glycémie basse. C'est dans ce contexte physiopathologique que se situe l'action du tirzepatide, le premier médicament approuvé en tant qu'agoniste sélectif à la fois des récepteurs GLP-1 et GIP humains. Il réduit l'appétit et donc la prise alimentaire, tout en augmentant la lipolyse, ainsi que la sensibilité à l'insuline. Ce produit a récemment fait l'objet d'un article paru dans la Revue médicale de Liège [2]. Le programme d'études de phase 3 SURPASS explorait différents scénarios thérapeutiques dans le DT2. Il comprenait six études avec un suivi compris entre 40 et 52 semaines, les quatre premiers comparant le tirzepatide dosé à 5, 10 et 15 mg avec un placebo, le sémaglutide, l'insuline dégludec et l'insuline glargine, les deux autres comparant l'association du tirzepatide et de l'insuline basale versus placebo et versus insuline lispro. Les différents résultats de SURPASS, dose-dépendants, sont trop nombreux pour être énumérés dans ces lignes, mais on peut retenir une supériorité globale du tirzepatide, avec notamment une baisse importante du taux de HbA1c, globalement comprise entre 1,8% et 2,6% selon le volet de l'étude. Il en allait de même pour le poids corporel, avec une baisse comprise entre 7 et 13 kg environ, soit environ 9 à 10% du poids de départ. L'étude 2 (SURPASS-2) montrait également une réduction significative des marqueurs du risque cardiovasculaire, y compris la PA systolique. Par ailleurs, SURPASS-6 a montré qu'à 52 semaines, l'ajout de tirzepatide à l'insulinothérapie basale a permis à un quart des participants d'alléger très substantiellement, voire d'arrêter leur insulinothérapie, tout en se retrouvant en (quasi-)normoglycémie sans risque d'hypoglycémie majeure, mais avec une perte de poids substantielle [3]. Sur le plan de la sécurité, selon les résultats de SURPASS-3 et 4, le tirzepatide a augmenté la proportion de patients traités par insuline ayant pu atteindre le taux de glycémie cible à 52 semaines, sans différences substantielles en termes d'effets indésirables [4]. Luc Van Gaal (UZ Anvers) a évoqué le programme SURMOUNT, lui aussi en six volets, et qui porte sur le tirzepatide dans l'obésité ou le surpoids avec comorbidités mais sans DT2 [1]. SURMOUNT-1 comparait le tirzepatide aux trois dosages contre placebo chez une population comprenant plus de 2.500 adultes. Après 72 semaines, la réduction moyenne du poids corporel (au départ: 104,8 kg en moyenne) s'élevait à 16% au dosage de 5 mg/j et à 22,5% au dosage de 15 mg/j, contre 2,4% avec le placebo. La perte de poids débutait après environ quatre semaines de traitement.