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Soucieux de déterminer les caractéristiques moléculaires et génétiques qui distinguent les patients atteints de formes critiques de Covid-19 incluant le syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA) de ceux qui n'ont que de légers symptômes, des chercheurs français et américains se sont intéressés aux données biologiques et génomiques d'une cohorte ciblée de patients jeunes, avec des critères d'inclusion restrictifs et stricts. Il s'agissait de personnes hospitalisées pendant la première vague de la pandémie, âgées de moins de 50 ans et ne présentant aucune comorbidité majeure. Au total pour cette étude de type cas-témoins, 72 patients ont été recrutés en deux groupes, l'un constitué de 47 patients "critiques", en réanimation, atteints de SDRA, et l'autre de patients "non critiques", hospitalisés en secteur dit conventionnel, atteints d'une forme moins grave de Covid-19. Un groupe de 22 individus "contrôles" en bonne santé a également été suivi.Les scientifiques ont collecté différents échantillons afin de mener une analyse "multi‑omique" très sophistiquée, c'est-à-dire de récupérer et d'analyser l'ensemble des données génomiques, protéomiques, transcriptomiques (investigation de la totalité des ARNm) et autres données virologiques, immunologiques et sérologiques de ces patients. L'analyse confirme que le SDRA est bel et bien associé à un syndrome inflammatoire majeur et à un emballement du système immunitaire, la fameuse "tempête cytokinique" qui échappe à tout contrôle.Afin d'aller plus loin dans l'interprétation de la masse considérable des données récoltées, les scientifiques ont ensuite fait appel à plusieurs algorithmes d'intelligence artificielle qui leur a permis d'identifier un réseau de 600 gènes potentiellement impliqués dans l'évolution vers les formes critiques de Covid-19. Cinq d'entre eux sont particulièrement surexprimés chez les patients victimes d'un SDRA, dont l'un dit ADAM9, une métalloprotéase, a toutes les caractéristiques d'un "gene driver". Il est particulièrement intéressant dans la mesure où de précédentes études ont montré qu'il interagit avec des protéines du SARS-CoV-2, ce qui amplifie son potentiel de nuisance cellulaire.Cette signature a été validée dans une deuxième cohorte indépendante de 81 patients "critiques" et 73 patients guéris du Covid, et a été confirmée au niveau transcriptionnel et protéique ainsi que par l'activité protéolytique.En outre, des expériences complémentaires in vitro montrent que le blocage du gène ADAM9 dans des lignées cellulaires de l'épithélium respiratoire permet à la fois de réduire la charge virale intracellulaire ainsi que la réplication du virus, confirmant donc son importance dans la maladie critique mais aussi son potentiel en tant que cible thérapeutique. Un résultat à confirmer par d'autres études...(référence : Science Translational Medicine, 26 octobre 2021, doi : 10.1126/scitranslmed.abj7521)