Une étude montre que chez les souris castrées et chez les personnes suivant un traitement de privation androgénique, certaines bactéries intestinales communes produisent des androgènes qui sont facilement absorbés dans la circulation sanguine. Ces androgènes favoriseraient la croissance du cancer de la prostate et sa résistance à l'hormonothérapie.
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Essentiels à la reproduction et à la fonction sexuelle des hommes, les androgènes tels que la testostérone et la dihydrotestostérone peuvent également influencer la croissance des cellules tumorales de la prostate, et la thérapie de privation d'androgènes, par voie chirurgicale (ablation) ou pharmacologique (suppression hormonale), est la pierre angulaire des traitements actuels du cancer de la prostate.Au fil du temps, certains cancers de la prostate deviennent cependant résistants à ces traitements et recommencent à se développer. En cause, de faibles niveaux d'androgènes chez les patients pouvant favoriser la prolifération de certaines bactéries intestinales qui se mettent à agir comme de véritables "usines à hormones", lesquelles stimuleraient la croissance tumorale.Afin d'étudier le rôle des bactéries intestinales dans la croissance et la progression du cancer de la prostate, des chercheurs britanniques et suisses ont réalisé des tests sur des souris atteintes d'un cancer de la prostate et ont constaté que l'élimination de toutes les bactéries intestinales chez les rongeurs ralentit la croissance de la tumeur et retardait l'apparition d'une résistance à l'hormonothérapie.Par ailleurs, la transplantation fécale issue de patients présentant un cancer prostatique hormono-résistant chez des souris présentant des taux d'androgènes faibles, sans résistance au traitement hormonal, favorise la croissance tumorale. Les scientifiques ont, en outre, découvert que chez la souris, les bactéries intestinales sont capables de produire des androgènes à partir de molécules précurseurs.Les chercheurs ont ensuite analysé les bactéries intestinales de 19 patients présentant un cancer de la prostate répondant à l'hormonothérapie, et de 55 hommes atteints du même cancer à un stade avancé résistant à l'hormonothérapie. Ils ont repéré la bactérie Ruminococcus. Celle-ci pourrait jouer un rôle majeur dans le développement de la résistance à l'hormonothérapie. A l'inverse, la bactérie Prevotella stercorea a été associé à un pronostic favorable.Enfin, les scientifiques ont incubé des mini-tumeurs, appelées organoïdes, dérivées de patients atteints de cancer de la prostate, avec différentes bactéries intestinales et ont tenté de les traiter en laboratoire. Cela leur a permis de trouver des "empreintes" bactériennes favorables ou défavorables pour l'évolution du cancer de prostate et ainsi de pouvoir identifier les hommes qui pourraient bénéficier de thérapeutiques agissant sur le microbiote : antibiothérapie, greffe fécale ou autre stratégie de manipulation du microbiome.Une fois qu'ils seront validés en clinique, ces résultats pourraient offrir de nouvelles opportunités pour le traitement du cancer de la prostate."À long terme, notre objectif serait de produire un yaourt enrichi en bactéries favorables afin de prévenir la résistance aux traitements," explique le Pr Johann de Bono,(Source : Science, 8 octobre 2021, doi : 10.1126/science.abf8403)