L'accréditation qualitative des hôpitaux se fait aujourd'hui, pour 80% des hôpitaux belges francophones, via le système canadien ACI. Les processus qualité peinent toutefois encore à entraîner l'adhésion et l'engagement des médecins qui n'ont que peu ou pas de formation à la qualité dans leur cursus médical. Ils ont donc l'impression d'être soumis à des normes étrangères, technocratiques, éloignées de leur pratique quotidienne et attentatoires à leur liberté thérapeutique. Lors d'une matinée d'étude, les Chambres syndicales de Bruxelles ont tenté de rapprocher les points de vue.
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L'approche qualité dans les soins de santé se base sur le modèle de Porter (valuebased care). Les autorités parlent de soins " centrés sur le patient ". Mais de quelle qualité s'agit-il au juste ? Comment différencier les hôpitaux ? A l'aide de quels indicateurs ?De nombreux concepts circulent sur le marché dont certains ont fait leur preuve, résume le Dr Gilbert Bejjani, probable prochain président de l'Absym de Bruxelles. Les Prom (Patient-Reported Outcome Measures), les Prem (Patient-Reported Experience Measures) ou l'excellent mais très coûteux Ichom (Internationnal Consortium of Health Outcomes Measurement) dont Jacques de Toeuf, président de l'Absym de Bruxelles dit le plus grand bien, ou encore la PaRIS (Patient-Reported Indicators Survey), mise en place par l'OCDE.Mais une grande majorité des hôpitaux belges francophones ont choisi l'accréditation " or "et " platine " décernée par l'ACI (Accréditation Canada International), nettement moins celle de la JCI (Joint Commission International), choix du CHU de Liège." Tous soulignent la faible implication des médecins alors qu'ils sont au centre du processus de soins. Comment le médecin peut-il être engagé activement et de façon constructive dans ces initiatives ? A l'avenir, des mesures de paiement et de financement seront aussi associées à cette qualité. Aux Etats-Unis, une étude récente montre que 42% des soignants estiment que le paiement 'value-based' sera leur principale source de financement. "Gilbert Bejjani souligne aussi que l'approche qualité est encore trop souvent vue comme technocratique et industrielle voire déshumanisante. Se référant au récent rapport du KCE qui évalue pas moins de 121 indices de qualité (lire notre précédente édition), il souligne la nécessité de définir des objectifs mesurables et comparables entre pays. " Dans le Prem, par exemple, figure le taux de chirurgie du genou comparé entre les pays. S'il est très élevé, c'est très mauvais. Mais sur quoi se base-t-on ? L'excès de consommation ? La population en a-t-elle besoin ? Un indice qui n'est pas défini correctement ne sert à rien ", dit-il, rendant également hommage à l'Ichom, conceptualisé par l'Université Harvard, le Boston Consulting Group et l'Institut Karolinska.Mais le problème principal, outre la méfiance, est le manque de temps des médecins et leur manque d'implication. Les médecins se sentent peu concernés par des problèmes comme le taux de rechute du patient ou les erreurs d'identité. Dans tous les hôpitaux, il arrive encore qu'on se trompe de patient, ce qui paraît incroyable." Les médecins montrent une grande résistance au changement. Pour parler aux médecins, il faut une documentation utile de la part du médecin chef, des exemples concrets, moins rébarbatifs. Le médecin pense souvent à tort que l'expérience du patient n'a pas d'importance. Or le vécu du patient va entacher son itinéraire clinique, il faut le savoir. " Un signe d'engagement du médecin ? " Lorsqu'il recommande son hôpital à sa famille ! Si le médecin s'engage dans un processus de leadership c'est aussi bon signe... Si les objectifs médicaux sont alignés avec ceux de l'institution, le taux de satisfaction est plus élevé. Il faut donc mettre le personnel, les infirmiers, les médecins et les gestionnaires en phase pour réussir. Le patient est au centre mais le système doit être conduit par le médecin. "Denis Herbeaux, directeur de la PAQS (Plateforme pour l'amélioration continue de la qualité des soins et de la sécurité des patients), confirme que les médecins ne sont pas suffisamment impliqués dans l'approche qualité. Il l'attribue notamment au manque de formation ad hoc dans le cursus médical.Il a explicité, pour les médecins présents, le concept jumeau d'ACI (accréditation canadienne) et de HSO (Health Standards Organization Canada). " L'idée d'HSO est de développer des standards internationaux applicables dans le monde entier, globalisés et donc neutralisés en termes de spécificité locale. HSO a capitalisé les 50 ans d'existence d'ACI et l'a fait sortir du Canada pour en faire un standard mondial. Il ne s'agit pas de standardiser l'acte médical mais le système autour des professionnels de santé. On ne jauge pas la manière dont le chirurgien opère mais comment le système est organisé et prend en charge le patient autour de cet acte médical. HSO est lui-même accrédité par le Conseil canadien des normes. A la demande de l'hôpital, ACI procure des standards d'amélioration systémique par cycle continu ou de deux ans. HSO est chargé du développement des normes selon un processus très rigoureux. "HSO fait d'abord un travail de préparation puis met en branle des comités techniques qui, sur cette base, construisent des référentiels. Ceux-ci sont soumis à un public review et la version draft est mise en ligne. On invite tout qui veut à commenter. Sur base des commentaires, les experts recommencent et adaptent leur travail ou non, s'ils s'aperçoivent que le ressenti du terrain est différent. C'est ainsi qu'ils ont opéré pour une série de référentiels qui seront publiés en Belgique en 2019. " Qui va utiliser ces standards ? les médecins, les patients, les familles qui font partie des comités techniques. Ils intègrent la recherche académique dans les standards. "90 régions dans le monde utilisent les HSO : hôpitaux, services d'urgence, soins aux personnes âgées. Le but est de couvrir l'ensemble du secteur des soins de santé. Toutefois, toutes ces régions commenteront les standards au départ de leur expérience vécue pour se les approprier.Il reste à ces technocrates à faire mentir l'adage " la qualité est trop sérieuse pour être laissée aux mains des médecins " et aux médecins à quitter la posture victimaire du type " je ne veux pas appliquer des normes canadiennes qui attentent à ma liberté thérapeutique ".En attendant, la certification ACI mettra l'hôpital à l'abri des inspections de l'administration régionale. Un encouragement majeur pour y adhérer.