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On peut comprendre que l'accès à la spirométrie peut être compliqué dans les pays à revenu intermédiaire ou faible, mais il ne faut pas oublier que cette technique simple, et dont l'apprentissage est relativement aisé, n'est pas toujours suffisamment utilisée, même dans des pays comme la Belgique (relire, à ce sujet, l'interview du Pr Renaud Louis).Les critères cliniques tels que la dyspnée, la toux ou le wheezing n'ont rien de spécifique, et la détection précoce de la BPCO ou de l'asthme sans disposer d'une spirométrie doit donc faire appel à d'autres méthodes. A ce titre, Shawn Aaron (Université d'Ottawa, Canada) et son équipe ont réalisé l'étude randomisée UCAP (Undiagnosed COPD and Asthma Population), dont les résultats ont été évoqués lors du congrès 2024 de l'ATS [2]. L'objectif de cette étude consistait, chez des patients symptomatiques mais sans diagnostic posé de BPCO ou d'asthme, à établir ce diagnostic par une approche initialement non instrumentale. Cette étape était suivie par l'implémentation d'une stratégie thérapeutique dirigée par un pneumologue, et permettant de déterminer si le diagnostic et le traitement précoces de la BPCO ou de l'asthme non diagnostiqués auparavant apportaient un bénéfice pour la santé, ainsi qu'en termes d'utilisation des ressources. Le recrutement de la population à inclure dans l'étude a pris une forme peu usitée, mais qui était justifiée par sa conception : une société de sondage a généré des listes de numéros de téléphone fixe ou portables, enregistrés dans un rayon de 90 minutes de trajet depuis les sites participants à l'étude. Les numéros ont été composés au hasard, et un message enregistré au préalable demandait si une personne du ménage ayant au moins 18 ans avait présenté une symptomatologie respiratoire, dont de l'essoufflement, du wheezing, une production accrue de mucus ou d'expectorations, ou une toux prolongée au cours des six derniers mois. Les ménages qui ont répondu par l'affirmative ont été contactés par le coordinateur local de l'étude, et le membre du ménage consentant et symptomatique a répondu à des questionnaires de dépistage pour vérifier son éligibilité, en commençant par l'Asthma Screening Questionnaire (ASQ) au téléphone. Les participants âgés de 60 ans ou plus, ainsi que ceux de moins de 60 ans avec un score inférieur à 6 à l'ASQ, ont également complété le "COPD Diagnostic Questionnaire" (CDQ). Les critères d'exclusion étaient un diagnostic antérieur de pneumopathie documentée, la prise d'inhalateurs (sauf pour les bêta-agonistes à courte durée d'action pris en fonction du besoin ressenti), les contre-indications à la spirométrie telles que des antécédents d'infarctus du myocarde, d'AVC, d'anévrisme aortique ou cérébral, de chirurgie oculaire ou de décollement rétinien au cours des trois mois précédents, ou une grossesse au troisième trimestre. Les participants avec un score d'au moins 6 à l'ASQ ou d'au moins 20 au CDQ ont été invités à subir une spirométrie avant et après bronchodilatation. Ceux qui affichaient une augmentation d'au moins 12 % et 200 ml du VEMS après administration de 400 μg de salbutamol ont été classés comme ayant une spirométrie compatible avec la présence d'un asthme. Quant aux participants dont le rapport VEMS/CVF était en dessous du cinquième percentile (défini comme la limite inférieure de la normale), ils étaient considérés comme présentant peut-être une BPCO. Par ailleurs, ceux dont la spirométrie montrait une augmentation d'au moins 12 % et 200 ml du VEMS après bronchodilatation, mais qui avaient toujours un rapport VEMS/CVF en dessous de la limite inférieure de la normale (autrement dit, ceux qui répondaient aux critères pour les deux conditions), étaient considérés comme porteurs probables d'une BPCO. Parmi les 38.353 personnes interrogées, 595 ont été identifiées comme atteintes de BPCO ou d'asthme non diagnostiqué, et elles étaient 508 à être ensuite randomisées en un groupe 'intervention' et en un groupe 'soins habituels'. Elles ont toutes été suivies par leur médecin de soins primaires, celles du groupe intervention bénéficiant également d'une prise en charge par un pneumologue et un éducateur en asthme ou BPCO, chargés de suivre les recommandations 2017 ou suivantes en la matière. Par ailleurs, tous les fumeurs ont été orientés vers un programme de sevrage tabagique. Les participants du groupe intervention ont assisté à une consultation programmée le jour de la randomisation. Une deuxième avec les deux professionnels était prévue au 4e mois du suivi. Le critère d'évaluation principal était le taux annualisé d'utilisation du système de soins de santé liée à des problèmes respiratoires au cours du suivi (un an). Tous les participants ont subi une nouvelle spirométrie 6 mois et 12 mois après la randomisation. Les critères secondaires comprenaient les changements en termes de qualité de vie spécifique à la maladie, évaluée par le St. George Respiratory Questionnaire (SGRQ), la charge liée à la symptomatologie respiratoire et ses effets sur les activités quotidiennes et l'état de santé, - avec une évaluation par le COPD Assessment Test (CAT) -, le VEMS pré-bronchodilatation, le pourcentage du VEMS prédit, et la qualité de vie globale évaluée par le score SF-36. Au cours du suivi, 92 % des participants du groupe intervention et 60 % des participants du groupe soins habituels ont débuté un nouveau traitement pour l'asthme ou la BPCO. Le taux annualisé d'événements du critère d'évaluation principal était plus faible dans le groupe intervention que dans le groupe soins habituels (0,53 versus 1,12 par personne-année). À 12 mois, le score SGRQ était amélioré de 10,2 points dans le groupe intervention et de 6,8 points dans le groupe soins habituels, et le score CAT était respectivement amélioré de 3,8 et 2,6 points. Un autre chiffre important : le VEMS avait augmenté de 119 ml dans le groupe intervention, contre 22 ml dans l'autre groupe. Le taux annualisé d'utilisation des soins de santé liée aux maladies respiratoires était plus faible dans le groupe intervention. Il en allait de même pour le taux d'hospitalisation (0,021 versus 0,030) et ceux de consultations d'un service d'urgences (0,069 versus 0,075), d'un médecin de soins primaires pour cause respiratoire (0,36 versus 0,91), et d'un médecin spécialiste (0,085 versus 0,096). Les événements indésirables étaient plus nombreux dans le groupe intervention : 24 cas, chez 21 participants, contre 16 chez 14 participants. Ces événements indésirables étaient souvent des syncopes ou des vertiges provoqués par la spirométrie, ou des crampes musculaires. Questionner, encore et toujours En conclusion, si des différences de résultats ont été observées entre les deux groupes, il ressort avant tout qu'ils étaient très positifs. En d'autres termes, une stratégie proactive de dépistage de l'asthme et de la BPCO - même sans une spirométrie au départ - mérite d'être implémentée de manière globale. Que ce soit par téléphone ou, tout simplement, par l'anamnèse lors de la consultation plus ou moins fortuite d'un patient au cabinet.