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Il fut un temps pas si lointain où le traitement antirétroviral se composait d'une multitude de comprimés et gélules à prendre scrupuleusement et à horaires fixes, ce compris en pleine nuit. Puis la recherche pharmaceutique a, d'évolution en évolution, simplifier le traitement à l'extrême puisqu'aujourd'hui, la vaste majorité des patients sont sous le régime du comprimé unique à trois composantes. Mais l'arrivée de certaines molécules antirétrovirales sous forme générique moins onéreuse associée à une période de vaches maigres budgétaires fait qu'actuellement, certains organismes nationaux de santé et assureurs proposent ou tentent d'imposer le concept de "désimplification" du traitement antirétroviral, lequel consiste en la prise de deux comprimés (au minimum), un pour le backbone sous forme de génériques et un pour la troisième molécule qui demeure le produit de marque produit par la firme pharmaceutique. Des chercheurs aux Pays-Bas ont voulu évaluer l'acceptabilité et les économies potentielles associées à la désimplification lorsqu'elle était proposée sur base volontaire aux personnes séropositives prises en charge dans cinq grands centres de référence VIH en 2019 [1]. Les patients des cliniques participantes prenant abacavir/lamivudine/dolutégravir, TDF/emtricitabine/rilpivirine ou TDF/emtricitabine/éfavirenz se sont vu offrir la possibilité soit de passer à deux comprimés : un pour le backbone générique d'INTI et un pour le troisième agent issu, lui, de la marque, soit de simplement continuer à prendre le régime à comprimé unique. L'étude a recruté 283 personnes, principalement des hommes (89 %) dont l'âge moyen était de 52 ans. La majorité des participants suivaient un traitement antirétroviral depuis neuf ans. Un peu plus de la moitié (55 %) des personnes recrutées dans le cadre de l'étude ont accepté de passer à un régime à deux comprimés. Ceux qui ont choisi de changer de traitement étaient généralement plus âgés, avaient vécu plus longtemps avec un diagnostic de VIH et étaient plus susceptibles de prendre des médicaments pour le traitement de certaines comorbidités. Sur toute la durée du suivi, on ne note aucune différence majeure entre les deux groupes en ce qui concerne l'observance rapportée et la durée du suivi du traitement. Par contre, il est intéressant de noter que la volonté de changer variait considérablement d'un centre à l'autre. Ainsi, deux centres se démarquaient significativement par rapport au taux de changement global observé sur l'ensemble de l'étude (55 %). Seulement 41 % ont accepté de changer dans une clinique, tandis que 74 % ont accepté de changer dans l'autre centre. Après enquête, il s'est avéré que la manière dont les prestataires de soins de santé ont communiqué sur la stratégie de désimplification avait joué un rôle prépondérant sur la volonté ou non de changer. Si tous les participants à l'étude avaient poursuivi leur traitement existant, le coût total de ce dernier aurait été de 2,6 millions d'euros. Le changement sur base volontaire a permis de réduire le coût global du traitement dans la population étudiée d'un peu moins de 18 %. Les investigateurs estiment que si l'option de changement était adoptée au même niveau (55 %) dans l'ensemble des Pays-Bas, la désimplification permettrait d'économiser environ 9 millions d'euros par an.Le même groupe d'investigateurs a également examiné les conséquences de l'exigence d'un assureur maladie néerlandais selon laquelle toute personne prenant l'association en un seul comprimé TDF/ emtricitabine / rilpivirine devrait passer à un comprimé générique contenant du TDF/ emtricitabine, plus un comprimé de rilpivirine de marque en 2021 [2]. La désimplification obligatoire devait permettre d'économiser en moyenne 368 euros par mois et par patient. La politique a été mise en oeuvre malgré les objections des médecins, des pharmaciens et des groupes de patients. Les pharmaciens étaient tenus de délivrer l'ordonnance sous forme de deux comprimés, sauf si les patients avaient des raisons médicales de continuer à prendre l'association en un seul comprimé.La décision a concerné 128 personnes assurées par l'assureur maladie spécifique. Un peu moins de la moitié (46 %) a suivi un traitement désimplifié, mais seuls 17 des 59 qui avaient initialement accepté le changement suivaient encore ce régime désimplifié, 18 mois plus tard. Quelque 27 patients sont passés à un autre régime dans les trois mois suivant le traitement de désimplification, dans presque tous les cas à un régime de marque à comprimé unique. Avant l'introduction de la politique de désimplification, le coût mensuel du traitement pour les personnes de l'étude était de 73.000 euros. Après l'introduction de la désimplicafication obligatoire, le coût mensuel du traitement est passé à 76.000 euros. "La participation volontaire des personnes vivant avec le VIH et de leurs prescripteurs est essentielle à la mise en oeuvre réussie de changements thérapeutiques rentables", concluent les investigateurs. Ils affirment aussi que les rôle des prescripteurs est essentiel, et qu'ils sont les seuls en mesure de rassurer leurs patients sur l'efficacité tant des molécules génériques que des schémas thérapeutiques à deux comprimés.Réf:[1] Oosterhof P et al. HIV Medicine, mise en ligne 24/04/2024.[2] Oosterhof P et al. AIDS 38(8):p 1257-1262, July 01, 2024. | DOI: 10.1097/QAD.0000000000003905