Chez des patients virologiquement stables, switcher vers une thérapie duale associant dolutégravir et lamivudine (DTG/3TC) est tout aussi efficace sur le plan virologique que switcher vers une trithérapie classique BIC/FTC/TAF, selon l'étude espagnole de phase IV PASO-DOBLE. Les premiers résultats, après 48 semaines de suivi, ont été présentés lors de l'édition 2024 du congrès de l'IAS qui s'est déroulée à Munich.
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PASO-DOBLE : est-il temps de reconsidérer le deuxième INTI en cas de switch?Bien que la thérapie duale associant dolutégravir et lamivudine, ainsi que la trithérapie BIC/FTC/TAF, constituent les schémas thérapeutiques antirétroviraux conseillés par la majorité des recommandations internationales, on ne dispose pas vraiment de données solides comparant ces deux régimes en cas de switch chez des patients vivant avec le VIH dont la charge virale est indétectable. Le passage vers DTG/3TC est-il non inférieur au passage vers BIC/FTC/TAF ? Passer vers BIC/FTC/TAF entraîne-t-il une prise de poids plus importante que le passage vers DTG/3TC ? Telles étaient les deux grandes questions auxquelles les investigateurs espagnols voulaient répondre en mettant sur pied l'étude de phase IV PASO-DOBLE. PASO-DOBLE est une étude clinique randomisée menée en ouvert dans 30 centres répartis à travers toute l'Espagne. Pour être enrôlés dans cette étude, les patients vivant avec le VIH devaient présenter une charge virale indétectable sous leur traitement antirétroviral actuel, lequel devait contenir un ou plusieurs comprimés journaliers ou un booster ou encore un antirétroviral à toxicités cumulées (efavirenz, TDF, par exemple). De plus, ces patients ne devaient pas avoir présenté d'échecs virologiques ou de résistances, ni avoir reçu du dolutégravir ou du bictégravir par le passé. Enfin, ils ne devaient pas être porteur du virus de l'hépatite B. Au total, 553 patients répondant à ces critères d'inclusion ont été randomisés pour switcher de leur traitement actuel vers soit la thérapie duale associant dolutégravir et lamivudine (n=277), soit une trithérapie associant bictégravir-emtricitabine-TAF (n=276). L'âge moyen était de 50 ans, environ 25% n'étaient pas de race caucasienne, la durée moyenne sous le traitement antirétroviral actuel était de 63 à 66 mois et de 11 à 12 ans sous tout traitement antirétroviral. Environ 50% des participants étaient en surpoids ou obèses (IMC > 25) lors de l'inclusion. Le critère principal d'évaluation de l'étude était la proportion de patients présentant une charge virale supérieure ou égale à 50 copies. Notons que la limite prédéfinie pour valider la non-infériorité était une différence de 4% entre les groupes étudiés. À 48 semaines de suivi, 2,2% des patients ayant switché vers DTG/3TC (n=6/277) répondaient à ce critère primaire d'évaluation, vs 0,7% des patients ayant switché vers la trithérapie basée sur le bictégravir (n=2/276). La différence intergroupe étant de 1,5%, le critère de non-infériorité est atteint pour le switch vers la thérapie duale associant dolutégravir et lamivudine. Aucun des participants du groupe DTG/3TC et un seul du groupe trithérapie ont présenté un échec virologique à la semaine 48, lequel était défini par la présence d'une charge virale de 50 copies ou plus, suivi par un second constat consécutif d'une charge virale de 200 copies ou plus. Aucune émergence de résistance n'a été constatée dans les deux groupes, ni aucune différence concernant le nombre de CD4. Les participants ayant switché vers la trithérapie basée sur bictégravir présentent un gain pondéral de 1,8 kg depuis l'inclusion, tandis que ceux passés sous DTG/3TC enregistrent un gain de poids de seulement 0,89 kg depuis l'inclusion, soit une différence de près de 1 kg sur 48 semaines favorable au switch vers la thérapie duale. La proportion de patients avec un gain pondéral supérieur à 5% à 48 semaines était significativement supérieure dans le groupe trithérapie, 29,9% versus 20% pour le groupe thérapie duale (p=0.006). Si on prend à présent en compte l'évolution de l'IMC, on ne constate aucune modification de la proportion de patients obèses au sein du groupe DTG/3TC entre l'inclusion et la semaine 48. Par contre, au sein du groupe passé sous trithérapie, on constate une augmentation de la proportion de patients obèses passant de 18% à l'inclusion à 21% à la semaine 48. Le taux de survenue d'effets secondaires est comparable dans les deux groupes, bien que l'on constate une légère tendance à la hausse des effets secondaires de grade 3-4 au sein du groupe trithérapie (3,6% vs 1,1%, p=0.049). Mais, selon les investigateurs, ces effets secondaires ne seraient pas en lien direct avec le traitement. Enfin, on dénombre trois interruptions de traitement pour effets secondaires, un dans le groupe DTG/3TC (inconfort général, arthralgies et myalgies) et deux dans le groupe trithérapie (troubles du sommeil).Réf: Ryan P. et al. Abstract OAB3606LB, IAS 2024, Munich.