Examinant le lien potentiel entre l'administration de la PrEP associant TDF et emtricitabine et une perte osseuse (ostéopénie ou ostéoporose) via une analyse rétrospective des données patients du centre médical Kaiser Permanente de Los Angeles, les investigateurs sont parvenus à une conclusion bien paradoxale: au plus l'observance thérapeutique est rigoureuse, au plus le risque de perte osseuse grandit.
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Il est bien connu que le TDF est associé à une perte osseuse chez les personnes vivant avec le VIH qui l'utilise dans le cadre d'une trithérapie au long cours. Cependant, il existe bien moins de données concernant l'impact osseux du TDF chez les personnes séronégatives qui le prennent dans un cadre préventif (PrEP). Comme seules données, on dispose de quelques études montrant que les personnes sous PrEP subissent une légère déperdition osseuse laquelle disparaît généralement après arrêt du traitement.PrEP et santé osseuse Pour instruire le dossier PrEP et perte osseuse, le Dr Joseph Chang et ses collaborateurs ont choisi de mener une analyse rétrospective des données patients issues de la database de Kaiser Permanente en Californie du Sud.Ils ont ainsi inclus 7.698 patients adultes séronégatifs recevant la combinaison TDF/emtricitabine dans le cadre de la PrEP. Il s'agissait majoritairement d'hommes dont un gros tiers étaient âgés entre 18 et 29 ans et un autre tiers entre 30 et 39 ans. Environ 40% avaient une bonne observance comme en atteste une "proportion de jours couverts" entre 90% et 100% tandis que 60% avaient une observance moins optimale inférieure à 90%.Tous ces patients recrutés n'avaient aucun antécédents d'ostéoporose ou d'ostéopénie comme l'indique un T-score de -1 ou inférieur. Cependant, tous avaient subi, à un moment donné, une scintigraphie osseuse DEXA (sinon ils n'auraient pas été pris en compte dans le cadre de cette étude). Bien que la réalisation d'une scintigraphie ne fasse en aucun cas partie de la surveillance de routine de la PrEP, les investigateurs n'ont pas examiné les raisons pour lesquelles ces patients, majoritairement des hommes jeunes, avaient subi pareil examen ce qui laisse la porte ouverte à la possibilité que ce groupe de personnes ait pu être d'avantage à risque de problèmes osseux que la population globale soumise à la PrEP.Sur une période de suivi de 502 jours, 217 patients (3%) ont développé une ostéopénie ou une ostéoporose. Jusqu'ici rien de bien neuf ou inquiétant puisque ce taux est similaire aux taux observés chez des patients séropositifs sous trithérapie contenant du TDF.Une analyse initiale a révélé que les personnes atteintes d'hépatite B, de maladies cardiovasculaires, de maladies rénales chroniques, d'insuffisance rénale ou d'hypertension artérielle étaient plus susceptibles de présenter une perte osseuse mais, en analyse multivariée, ces différents facteurs se sont révélés non significatifs sur le plan statistique.Lien inattendu entre bonne observance et perte osseuse Continuant leur analyse, les investigateurs se sont vus confrontés à un résultat inattendu puisqu'il est apparu que les personnes qui suivaient le plus scrupuleusement leur traitement (90% à 100% de couverture) étaient aussi celles qui étaient le plus susceptibles de présenter un diagnostic d'ostéoporose ou d'ostéopénie. En fait, 90% des participants présentant des signes d'ostéoporose ou d'ostéopénie appartenaient à la catégorie ayant une "proportion de jours couverts" entre 90% et 100% contre seulement 9% dans la catégorie ayant une "proportion de jours couverts" inférieure à 90%. L'obésité et le jeune âge sont apparus comme des facteurs protecteurs face au risque de perte osseuse.Pistes pour prévenir la perte osseuse Dans leurs conclusions, les investigateurs proposent quelques pistes pour prévenir le risque potentiel de perte osseuse associé à la PrEP associant TDF/emtricitabine.Première option, choisir plutôt la PrEP associant TAF et emtricitabine qui, à efficacité comparable, ménage d'avantage l'os et le rein.Seconde option, évaluer le risque osseux des patients, les informer du risque osseux potentiel et procéder, le cas échéant, à un dépistage scintigraphique de routine, annuel ou tous les 2 ans.Troisième possibilité, la PrEP à la demande à condition que de nouvelles études soient menées afin d'évaluer si pareille option atténue le risque d'effets indésirables osseux.Réf: Chang J. et al. Abstract 840, CROI 2022.