Égrainant les albums de blues incontournables avec régularité, John Mayall continue son petit bonhomme de chemin, même s'il a décidé de quitter la 'route" l'an dernier à 88 ans passés.
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Ce papy du blues continue sans faillir à porter haut l'étendard de cette musique. Un genre pour lequel ce multi-instrumentiste aura fait beaucoup au point de se voir décerner le titre de parrain du British Blues. Un parrain qui ne compte plus les filleuls, car Mayall a accueilli dans les rangs de ses Bluesbreakers, alors qu'ils n'étaient que débutants, des figures devenues aussi incontournables que John McVie, Mick Fleetwood, (partis fonder ensuite Fleetwood Mac), Jack Bruce et Eric Clapton (qui formeront Cream), Larry Taylor (qui sera bassiste de Zappa et Canned Heat) ou encore Mick Taylor qui rejoindra les Rolling Stones. Les Stones que John avait d'ailleurs été le tout premier à engager... A 88 ans, l'an dernier, cet anglais pur souche installé à Los Angeles depuis 50 ans, a décidé d'arrêter de tourner mais pas de faire tourner le disque ... La preuve avec The Sun is Shining Down.Le journal du Médecin: Arrêter les tournées c'est juste une question d'âge? John Mayall: Oui, de lassitude physique: nous faisions jusqu'à 120 concerts par an durant les tournées à la grande époque, pas si lointaine, ce qui se révélait très intense. Je préfère désormais me consacrer à ma famille.... très nombreuse en termes d'enfants et de petits-enfants et à la composition pour laquelle ma motivation ne tarit pas: je préfère d'ailleurs attendre la dernière minute avant d'écrire vraiment une chanson ; ce qui me permet d'y réfléchir, de la modifier, avant de la coucher sur papier. Les bluesbrakers sont nés en 1963 lorsque vous avez débarqué à Londres. Est-ce que Alexis Korner est responsable de votre amour pour le blues? En clair, si vous êtes considéré comme le parrain du British Blues en était-il le père? Oui, tout à fait. Alexis Corner et Cyril Davis furent les fondateurs du blues anglais. Alexis Korner fut le premier à introduire le blues dans les clubs et fit oeuvre pionnière. Considérez-vous les Bluesbreakers comme une école pour les jeunes musiciens? Je n'ai jamais considéré les Bluesbrakers comme un écolage ou quoi que ce soit de ce genre. C'est une affirmation qui apparaît de façon récurrente dans la presse à cause des musiciens qui ont travaillé en ma compagnie dans le passé. Je suis un chanteur, un compositeur de blues, et le leader d'un groupe. En tant que tel, c'est mon boulot de choisir des musiciens avec qui il me semble excitant de travailler, à qui je peux apporter quelque chose et inversément, avec qui j'ai des passions communes à partager. Actuellement, mon guitariste attitré est d'ailleurs une guitariste: Carolyn Wonderland. Et sur ce 60e album comme sur Wake up Call où à l'époque vous aviez notamment invité Mick Taylor et Buddy Guy, vous conviez d'autres pointures... Oui, sur celui-ci, j'accueille Melvin Taylor, un bluesman du Mississippi sur Hungry and Ready, le "héros" du blues de Caroline du Sud Marcus King et, last but not least, Mike Campbell, guitariste actuel dans Fleetwood Mac mais surtout ancien compagnon de route du très regretté Tom Petty dans les Heartbreakers. Le voici dans les Blues... Breakers cette fois. Plus qu'une contribution, chaque invité, comme Buddy Miller, icône de l'Americana, apporte quelque chose d'unique qui donne à la musique un supplément d'âme et confère une vraie alchimie à cet album. D'après vous, le blues évolue-t-il encore? La majeure partie du blues actuel, c'est toujours "the same old shit". Il est dans les mains de gens qui rêvent de copier ce que d'autres ont fait auparavant! Par exemple, toute une série de guitaristes basent leur répertoire sur une série de notes piquées chez Albert King ou Albert Collins: rien d'original là-dedans. Mais le blues évolue constamment, sinon il ne serait pas aussi valable qu'il ne l'est aujourd'hui, et ne représenterait pas une part aussi importante de la scène globale actuelle. On compte toujours des figures créatives et impliquées. Évoluer, mais comment? Grâce aux individualités justement. Quelqu'un surgit et ne sonne comme personne avant lui. Des guitaristes comme Joe Bonamassa rendent le blues populaire et le font progresser. Que pensez-vous de "plus jeunes" comme Sonny Landreth ou Buddy Whittington? Sonny Landreth est justement quelqu'un d'original qui fait sonner sa guitare comme personne. Buddy Whittington est une découverte dont je suis très fier: il possède un panel de jeu impressionnant. Il se révèle différent dans chaque nouveau concert et ne joue jamais deux fois la même chose... Sonny Landreth est lui aussi une de vos découvertes? Pas du tout. il n'a jamais fait partie des Bluesbreakers. Il est juste venu donner un coup de gratte sur l'album A Sense of Place. C'était une idée de Bobby Field, le producteur, parce qu'une des chansons que nous interprétions à l'époque était Congo Square, une des ses compositions... Sonny est venu jouer sur ce morceau. Une fois sur place pendant les sessions, nous avons découvert d'autres manières de l'utiliser sur d'autres morceaux. C'est un excellent musicien de slide guitare, avec un son vraiment inhabituel. Certains guitaristes de hard rock, comme Gary Moore à l'époque, se mettent parfois au blues, entamant une carrière de bluesman. Cela vous semble opportuniste? C'est une question de goût personnel. Gary Moore était un guitariste de hard qui aimait le blues, mais n'était pas forcément un joueur de blues... D'un autre côté, sa popularité a été d'une grande utilité afin d'attirer l'attention du public vers cette musique. D'ailleurs, Led Zeppelin archétype du groupe de hard rock, s'inspirait du blues qu'il électrifiait davantage? Exactement. N'oubliez jamais que Whole Lotta Love, leur premier et plus grand succès, est directement piqué d'un blues de Willie Dixon You Need Love qui n'en fut pas crédité. A "hard" life indeed...