...

L'article1 est paru dans le British Medical Journal du 26 juillet 2017 et n'a pas fait trop de vagues en cette période estivale. Pourtant, c'est un pavé dans la mare que jette le Dr Martin J. Llewely, infectiologue britannique, avec ce titre évocateur et provocant "The Antibiotic Course has had its day", la durée de l'antibiothérapie a fait son temps ! C'est donc une attaque frontale contre la durée d'un traitement pour lequel la recommandation classique a toujours été de ne pas arrêter précocement et de "vider la boîte". Pour le Dr Llewely, "ce dogme a vécu et nous devons le remettre en question, parce que la consommation prolongée d'antibiotiques favorise l'antibiorésistance qu'on peine déjà à gérer". Mais il va plus loin en estimant que chaque patient pourrait s'autogérer et décider d'arrêter son traitement dès la résolution des symptômes, ce qui dans la plupart des cas prend de l'ordre de 48 à 72 heures. En filigrane, l'idée du Dr Llewely est qu'il faut laisser l'organisme reprendre la situation en mains et "terminer le travail". Qu'en pense l'OMS ? Exactement l'inverse. Dans la campagne 2016 intitulée "Antibiotic Awareness Week", le message est de poursuivre le traitement antibiotique sur l'ensemble de la période prescrite même si l'on constate une amélioration des symptômes, considérant qu'un arrêt prématuré favorise le développement de souches résistantes.L'idée selon laquelle arrêter précocement un traitement accroît les résistances ne repose pas sur des évidences, martèle le Dr Llewely, alors qu'on sait très bien que prendre des antibiotiques trop longtemps va induire des résistances. En fait notre comportement serait plus dicté par la peur de sous traiter que par une crainte de mal faire ...Pour mieux comprendre, il faut remonter à Fleming et la pénicilline en 1945. Dans la "lecture" qu'il donne lors de la réception de son Prix Nobel, il présente le cas d'un patient traité pour une angine à Streptocoques qui transmet l'infection à sa femme et il le rend responsable de sa mort: "If you use penicillin, use enough !". Or nous savons aujourd'hui que S. pyogenes ne développe pas de résistance à la pénicilline et que ce n'est pas le seul germe à se comporter de la sorte. En fait, on constate que les durées de traitement ont progressivement diminué au fur et à mesure que des études démontraient un pronostic favorable avec un traitement court... Dans la pneumonie acquise en communauté, un traitement de 5 jours décidé sur base de la résolution des symptômes est non inférieur à une durée de 7-10 jours sur base des recommandations mais la résistance de S. pneumoniae augmente après 5 jours. Dans la pyélonéphrite, une durée de traitement de 7 jours par ciprofloxacine est non inférieure à 14 jours pour une guérison et 5 jours vs 10 pour une éradication. Mais avec les bêta-lactamines, les plus utilisées dans cette indication, la durée recommandée est de 10 à 14 jours, simplement parce qu'on ne dispose pas de données sur l'efficacité de traitements plus courts. Dans le sepsis intra-abdominal, une durée de 4 jours est non inférieure à 8 jours avec un taux non significatif de résistances en cas de traitement court En fait une durée standard de traitement ne prend pas en compte les facteurs de réponse du patient, argumente le Dr Llewely. La situation est différente en hôpital lorsqu'on dispose de marqueurs de réponse au traitement comme la calcitonine qui a permis de diviser par 2, la durée moyenne du traitement dans cette étude sur la pneumonie acquise en communauté...En pratique quotidienne, une durée de traitement individualisée au cas par cas n'est pas réaliste même si cette conclusion va à l'encontre du fondement même de l'utilisation d'un médicament qui est d'en prendre le moins possible. Ceci dit, les conclusions de cette étude pourraient plaire à certains car en filigrane se profile une possible réduction des coûts liés à l'antibiothérapie et à ses complications iatrogènes. Le mot de la fin revient au Dr Llewely qui appelle à la mise sur pied d'études cliniques complémentaires de manière à redéfinir sur des bases plus solides les durées d'antibiothérapies pour les infections bactériennes les plus couramment rencontrées en pratique quotidienne. C'est louable mais on peut juste se demander qui va les financer !Références1. Llewely MJ, et al. BMJ 2017; 358 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.j3418 (Published 26 July 2017)