1. Revue pratique de la technologie MRD et interprétation des résultats - Bruno Paiva (Université de Navarre, Pampelune)
Au cours d'une validation des critères de réponse et des recommandations pour la MRD dans le MM, établis par l'International Myeloma Working Group, leur signification clinique chez les patients qui restent malgré tout MRD+ a été vivement mise en doute. La méthodologie standard, avec électrophorèse des protéines sériques, immunofixation et ratio des chaînes légères libres (FLC), voire avec examen de la moelle épinière par morphologie et immunohistochimie, s'avère inférieure, comme p. ex. lors du contrôle de ces critères de réponse pendant un traitement d'entretien d'un an après une autogreffe de cellules souches. Moins de la moitié des patients avec VGPR ou PR après consolidation ont obtenu, au cours de cette phase d'entretien, une réponse plus profonde jusqu'à la CR stringente (sCR) ou CR, en comparaison de ceux qui étaient déjà en sCR/CR après consolidation. La surveillance de la réponse cytologique semble de moins grande valeur, en particulier chez les patients ayant une haute qualité de rémission après les tri- ou quadrithérapies plus récentes. Le critère avec suivi de biopsies médullaires avec contrôle systématique de la clonalité des plasmocytes (PC) bute également sur les limites de détection, avec p. ex. encore 97 % de PC normaux après consolidation et seulement 3 % de PC anormaux : ici, la méthodologie habituelle du ratio FLC ne parvient pas à détecter la MRD avec précision. De manière générale, cette validation a dégagé une impossibilité de confirmer la supériorité des critères de l'IMWG pour la sCR sur les critères standard pour la CR. En revanche, l'étude de validation a confirmé et a même étendu les observations après les traitements actuels en cas de MM, comme celle indiquant, avec l'obtention d'une CR ou sCR, mais sans élimination de la MRD, l'absence d'une meilleure PFS ou OS par rapport aux patients avec VRPR ou PR ! De meilleures méthodes de mesure s'imposent !
L'établissement de l'absence de MRD par NGS ou NGF (MRDneg) sera le meilleur critère d'évaluation, p. ex. pour les patients atteints de MM candidats à une SCT. Le calendrier, la fréquence et la sensibilité à appliquer à la détection de la MRD sont toutefois à l'étude. L'étude MRD2STOP, utilisant un NGS de sensibilité élevée (1/10-6) sur des cellules médullaires enrichies en CD138+ (ClonoSEQ), a pu identifier les patients qui pouvaient arrêter leur traitement d'entretien et qui restaient MRD-négatifs après 1 ou 2 ans. Le NGF (selon "EuroFlow" - avec une sensibilité de 1/10-6) étant utilisé pour surveiller la MRD sur la moelle osseuse, il a été possible de définir les patients MM MRDneg ayant une sCR maintenue après leur traitement de première ligne. Néanmoins, les patients qui n'avaient qu'une MRD minimale à très faible verront malgré tout idéalement leur thérapie prolongée ! La méthodologie "Bloodflow", avec évaluation de la MRD (jusqu'à 1/10-8 !) par NGF dans le sang périphérique (PB) s'est avérée présenter une valeur prédictive positive élevée et a produit une forte amélioration de la valeur prédictive négative. La méthodologie "Bloodflow" permet une mesure périodique, très sensible et cliniquement pertinente de la MRD dans le sang périphérique, tant pendant les phases d'entretien qu'après une interruption de thérapie planifiée.
Autre méthode de mesure : la spectrométrie de masse sur échantillons sériques a été développée pour remplacer l'électrophorèse et l'immunofixation pour le suivi de la protéine M. Cette technique est beaucoup plus sensible pour la détection de la protéine M, tant au moment du diagnostic que pendant et après les phases de traitement : elle fournit une prédiction plus précise de l'évolution.
Mais comment mesurer le MM extramédullaire, qui n'a rien d'inhabituel lors du diagnostic ? Par PET/CT ! La valeur pronostique du statut MRD au PET/CT, 1 mois après une thérapie CAR-T dans le MM, s'est révélée prédictive d'une PFS plus longue. Le statut MRDneg à l'examen combiné BM/PET est plus sensible et détecte à plus faible valeur que la MRD dans la BM quantifiée par NGF (1/10-5).
L'heure semble donc venue d'adapter les recommandations de l'IMWG, moyennant l'inclusion des tests MRD dans la BM (et le PB) (par NGS/NGF), la standardisation du PET/CT et l'incorporation de nouvelles méthodes telles que la spectrométrie de masse pour le suivi de la réponse sérologique !
Pour le patient, la durabilité de la réponse, du maintien du statut MRDneg est plus importante que la méthode de mesure choisie !
2. Détection de la MRD dans les études cliniques et pertinence pour la pratique actuelle et future - Stefania Oliva (Turin)
Comment utiliser la MRD dans la pratique courante : la quantification de la MRD comme caractérisation complète du patient pour une médecine de précision ? Qu'avons-nous appris au cours des récentes études cliniques dans le MM ?
- La MRD contribue à identifier la thérapie initiale la plus efficace chez les patients ND MM :
- Dans le traitement de première ligne, on observe une bonne concordance générale entre les méthodes de quantification de la MRD (> 80 %) : selon une évaluation appariée sans différence entre les diverses stratégies de traitement : démontrée avec les deux, NGS et NGF, à une sensibilité allant jusqu'à 1/10-5.
- La SCT est supérieure au VRd, y compris chez les patients MRDneg jusqu'à 1/10-6 (étude impliquant un suivi médian de 90m).
- La quadrithérapie d'induction et la consolidation sont supérieures : p. ex. DRVd vs Rvd : MRDneg CR 60 % vs 24 %.
- La MRD en tant qu'objectif primaire dans le ND MM à haut risque :
- L'étude CONCEPT soutient la polythérapie optimisée, surtout chez les patients ayant des caractéristiques de maladie à haut risque.
- Dans l'étude OPTIMUM, 84 % des patients, MRDneg après l'ASCT, avaient toujours ce statut à la fin de la phase de consolidation 2 (quantification par NGF jusqu'à 1/10-5).
- La MRD pour pouvoir moduler le traitement : résultats issus des récentes études cliniques (phase précoce).
- Approche dirigée par la MRD dans l'étude MASTER, dont l'objectif primaire était de déterminer la réponse MRDneg (NGS < 1/10-6) puis, dans la phase sans traitement, d'observer le suivi avec la MRD. Le maintien du statut MRDneg est crucial chez les patients à haut risque (classification selon le score HRCA) sous l'association expérimentale Dara-KRd. 84 patients ont obtenu une mesure MRDneg, dont 62 % avec un score HRCA de 0, 78 % avec un score HRCA de 1 et 63 % avec un score HRCA de 2. Le suivi médian par MRD était de +14m. Le risque de redétection ou de progression de la MRD, 12 mois après la fin du traitement, se présentait comme suit : pour un score HRCA de 0 : 4 % ; pour un score HRCA de 1 : 0 % ; pour un score HRCA de 2 : 27 %. Aucun des patients devenus MRDneg n'est toutefois décédé.
- Les études impliquant une évaluation dynamique de la MRD par NGF et une intervention précoce pendant ou après le traitement d'entretien chez les patients perdant leur statut MRDneg nous permettent de conclure, entre autres, qu'une monothérapie d'entretien est suffisante pour certains patients ayant des caractéristiques de maladie à haut risque pour maintenir le statut MRDneg (exemples issus des études MIDAS, PERSEUS, DRAMMATIC, REMNANT, etc.).
L'étude FORTE (supériorité de KR sur R seul) s'est penchée davantage sur les facteurs de risque de perte du statut MRDneg et/ou de progression pendant ces traitements d'entretien. En dépit de l'atteinte du statut MRDneg, une population spécifique est exposée à un risque accru de perte du statut MRDneg au fil du temps : celle avec de grands nombres de CTC, avec amp (1q) et avec plusieurs facteurs HRCA.
Le maintien du statut MRDneg constitue aussi le nouveau critère d'évaluation clinique dans l'étude CASSIOPEA (patients non éligibles à la SCT) et dans l'étude MAYA ALCYONE (patients éligibles à la SCT).
L'étude de phase 3 IKEMA (n = 302), avec l'association isatuximab-Kd vs Kd chez des patients en récidive de MM, a montré une amélioration cliniquement significative de la profondeur de la réponse, y compris avec un suivi plus long. Isa-Kd a donné une CR de 44 % et, en cas de MRDneg, une CR de 26 %. Le MRDneg était plus élevé parmi les patients dont le pronostic était mauvais. Le statut MRDneg (dans les deux bras) a donné lieu à une PFS plus élevée et le groupe Isa-Kd a eu 2 fois plus de chances d'atteindre tant un statut MRDneg qu'un statut MRDneg + CR. Les patients ont été 34 % à atteindre le statut MRDneg (NGS 1/10-5) sous Isa-Kd, contre 15 % sous Kd, soit le double. La PFS était systématiquement meilleure chez les patients MRDneg, mais l'association Isa-Kd a quand même encore amélioré la PFS chez les patients qui restaient MRDpos.
Conclusions sur ce que nous avons appris :
2/3 des patients ND MM qui sont candidats à une SCT et 1/3 de ceux qui ne le sont pas atteignent un statut MRDneg (1/10-5) avec les traitements de première ligne actuels.
Le statut MRD est corrélé avec la PFS et l'OS, ce qui est pertinent pour les patients et leurs équipes soignantes, et devient le critère d'évaluation primaire dans un nombre croissant d'études.
La détection de la MRD n'est pas une question de méthodologie (NGS vs NGF), mais de profondeur (10-6 > 10-5), de localisation (imagerie de la BM) et de durée (documenter le maintien du statut MRD ?).
Le statut MRDneg est le nouvel objectif pour les patients MM à haut risque.
Il reste cependant nécessaire d'apporter une réponse à un certain nombre de questions pour pouvoir moduler le traitement en fonction du statut MRD : quel est le moment optimal pour quantifier la MRD ? Quelle est la définition d'un "maintien" du statut MRDneg (1 à 5 ans ?) ? La quantification de la MRD sur le sang, au lieu de la moelle osseuse, fournit-elle autant d'informations ?
La réponse à ces questions, et à d'autres, nécessite de mener les études actuelles et d'autres études complémentaires, prévoyant systématiquement une bonne planification des quantifications de la MRD, comme dans le ND MM (risque SR vsHR adapté : quelle association optimale, quelle durée optimale, agents plus récents, ASCT 1 ou 2, consolidation oui ou non, intensification, quels agents et associations pour l'entretien, durée, adaptation systématique du statut MRD ?).