Des chercheurs de l'Universiteit Antwerpen (UA), en collaboration avec le centre d'excellence NETwerk, sont les premiers au monde à avoir pu identifier et analyser l'ADN tumoral circulant, lors d'une étude longitudinale incluant 43 patients atteints d'une TNE métastatique.
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Les résultats de cette étude ont été publiés récemment dans la revue Clinical Cancer Research (1) et témoignent de la valeur de cette biopsie liquide pour le diagnostic, le pronostic et le suivi des patients atteints d'une TNE. Un pas de géant.IntroductionLes tumeurs neuroendocrines constituent un groupe hétérogène de tumeurs, principalement localisées dans les poumons et le tractus gastro-intestinal. Elles sont considérées comme des cancers rares, dont l'incidence annuelle atteint moins de 5 nouveaux patients sur 100 000. "Au cours de la dernière décennie, les TNE ont bénéficié d'une plus grande attention. Ces cancers sont donc détectés plus rapidement. Pourtant, jusqu'à six ans peuvent s'écouler avant qu'une TNE soit diagnostiquée chez un patient. Dans environ 50 % des cas, le diagnostic est de ce fait posé à un stade avancé", explique le Dr Timon Vandamme (UZA/UA/NETwerk).Jusqu'à présent, la prise en charge clinique des TNE est rendue difficile par le manque de biomarqueurs fiables. Tant le diagnostic que le suivi des patients atteints d'une TNE reposent encore sur l'imagerie. En outre, les marqueurs tumoraux les plus utilisés pour les TNE, à savoir la chromogranine A et l'énolase neurospécifique, sont peu spécifiques et, dès lors, peu fiables. Par ailleurs, le traitement d'une TNE métastatique par évérolimus (un inhibiteur de mTOR), par des analogues de la somatostatine ou par la combinaison de ces deux thérapies s'avère peu efficace en raison de l'apparition d'une résistance. Un biomarqueur prédictif serait donc utile dans le suivi de la réponse thérapeutique.Plan de l'étudeSous la direction du Pr Marc Peeters (UA, CEO UZA), des chercheurs de l'UA et des spécialistes des TNE du centre d'excellence NETwerk (une collaboration entre huit hôpitaux de la région d'Anvers et de Waasland et l'UA) ont mené une étude pionnière. Dans sa thèse de doctorat, en 2021, le coordinateur de NETwerk, le Dr Timon Vandamme, avait déjà exposé de nouvelles perspectives pour le traitement des TNE pancréatiques (TNEp). "Étant donné qu'avec NETwerk, nous traitons et suivons une très grande partie des patients belges atteints d'une TNE, nous étions en mesure de mettre en place une étude de cohorte prospective afin de voir quelles anomalies génétiques nous pouvions trouver dans le sang, et plus particulièrement dans l'ADNtc. La doctorante et premier auteur Gitta Boons a d'ailleurs rédigé sa thèse sur ce sujet."Au sein de NETwerk, 18 patients inclus atteints d'une TNE gastro-entéro-pancréatique (TNE-GEP) ou d'une TNE pulmonaire ont reçu dès le début un traitement par évérolimus. Un suivi radiologique a eu lieu tous les deux à trois mois et des échantillons de plasma ont été prélevés chaque mois. "Le but était de voir si nous pouvions identifier des anomalies génétiques possédant une valeur prédictive pour l'évérolimus."En outre, des échantillons de plasma ont été prélevés à l'UZA chez des patients atteints d'une TNE métastatique (indépendamment du traitement), dans l'optique d'un prélèvement sanguin semestriel chez ces patients. Le suivi médian lors de cette étude était de 27 mois.Au total, 194 échantillons de plasma ont été prélevés chez 43 patients atteints d'une TNE métastatique (TNE-GEP : n = 40 ; TNE pulmonaire : n = 3) et soumis à un séquençage du génome entier (NIPT). 100 échantillons prélevés chez des individus en bonne santé ont été analysés à titre de contrôle.Enfin, les échantillons de plasma de patients atteints d'une TNEp (n = 21) ont été comparés avec les données disponibles relatives au tissu de TNEp, au tissu d'adénocarcinome pancréatique et à l'ADN libre circulant (ADNcf).Des résultats innovantsDe l'ADN tumoral circulant (ADNtc) a été détecté dans 30 % des échantillons de plasma et chez 44 % de la population de l'étude (ADNtc+). Aucun patient atteint d'une TNE pulmonaire, ainsi qu'aucun échantillon de contrôle, ne présentait d'ADNtc. Les échantillons ADNtc+ contenaient de plus fortes concentrations d'ADNcf. Sur la base des altérations du nombre de copies (ANC) associées à la tumeur identifiées, des schémas spécifiques ont pu être déterminés en ce qui concerne les TNEp."Nous avons pu montrer trois choses importantes. Sur la base de schémas d'ANC, nous avons pu faire une distinction entre les TNEp et les adénocarcinomes, essentielle pour la classification diagnostique. En effet, des biopsies tissulaires du pancréas sont souvent difficilement réalisables.En outre, nous avons pu mettre en évidence une valeur pronostique de cette biopsie liquide. Chez les patients qui présentaient de l'ADNtc , la survie globale était en effet significativement plus mauvaise : l'ADNtc s'avère donc une mesure de l'agressivité ou du grade de la tumeur.Enfin, nous avons observé que, chez les patients traités par évérolimus et chez qui nous avons pu prélever de nombreux échantillons consécutifs de plasma, la quantité d'ADNtc était associée de manière négative à la survie sans progression.Nous avons ainsi un nouveau biomarqueur qui peut jouer un rôle non seulement dans le diagnostic et le pronostic, mais aussi dans le suivi des patients atteints d'une TNE."De plus amples études"L'étape suivante consiste bien entendu à mener de plus amples études, qui incluent plus de patients, mais qui portent aussi sur d'autres formes de traitement. Nous prévoyons en outre d'utiliser aussi, à l'avenir, des techniques plus sensibles pour la détection des ANC, notamment des techniques basées sur la méthylation (séquençage de nouvelle génération), telles que les sondes d'inversion moléculaire à molécule unique (smMIP).Enfin, nous avons récemment posé les premiers pas vers le développement d'une nouvelle sorte de biocapteur qui peut être utilisé aussi pour d'autres types de cancer. Mais tout ceci n'est pas pour demain."