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Ce futur implique de surmonter deux difficultés. La première est de trouver des antigènes de surface exprimées par les cellules cancéreuses qui peuvent être reconnus et contribuer à la destruction des cellules cancéreuses sans qu'il y ait de danger pour les cellules non cancéreuses.Ce n'est pas le cas pour les CAR-T cells ciblant CD 19 qui s'attaquent à toutes les cellules B, mais ce n'est pas très gênant puisqu'il est possible de vivre en état de déplétion en cellules B.La situation est fondamentalement différente pour des tumeurs solides comme le poumon ou le rein dont il importe de préserver les cellules saines et leur fonction. Le premier défi est donc de trouver des antigènes spécifiques aux tumeurs et sur ce plan on peut être assez optimiste.La deuxième difficulté est de mettre au point des cellules T modifiées qui sont plus efficaces, agissent plus rapidement et de façon plus efficace, ce qui passe par une aptitude accrue à s'expandre dans l'organisme, à coloniser la tumeur, s'y introduire et y persister durablement pour exercer leur effet. Ici encore, des raisons d'être optimiste qui viennent en particulier d'un approfondissement de nos connaissances sur les mécanismes de résistance et de rechutes chez les sujets traités par CAR-T cells.Plusieurs mécanismes de résistance aux CAR-T cells sont possibles, l'un d'entre eux est en rapport avec une inefficacité intrinsèque des lymphocytes T qui est rencontrée en particulier dans la leucémie lymphoïde chronique, affection dans laquelle les patients sont souvent porteurs de lymphocytes T de moindre qualité ce qui affecte l'efficacité du traitement par CAR-T cells et peut conduire à un échec primaire du traitement.Un autre mécanisme est la résistance acquise qui correspond à l'épuisement progressif, mais parfois rapide, des CAR-T cells.Un des sujets qui a été abordé lors de la session "Overcoming Resistance to T Cell Therapies" était de voir comment il était possible d'agir sur les voies de signalisation des CAR-T cells de façon à, dans le même temps, assurer leur persistance et préserver leur fonction effectrice, deux caractéristiques qui ne vont en général pas de pair. En effet, de façon naturelle, les lymphocytes T soit deviennent des effecteurs terminaux très efficaces contre les tumeurs, mais leur durée de vie est très limitée, soit deviennent des cellules mémoires qui persistent, mais n'ont pas une très bonne fonction effectrice.Il a été découvert récemment qu'il était possible de moduler la signalisation des CAR-T cells de façon à "réconcilier" ces deux comportements.Ce travail est basé sur la modification de la molécule zéta qui sert à l'activation des lymphocytes. En éliminant 2 des 3 items qui composent cette molécule et en ne conservant que celui qui est le plus proximal, il devient possible de créer des CAR-T cells qui vont apprendre aux lymphocytes à devenir de très bons effecteurs mais avec une persistance bien supérieure à celle des CAR-T cells que nous utilisons aujourd'hui.Une autre approche pour améliorer la persistance et obtenir un effet prolongé repose sur la désactivation de la voie de signalisation Fas-Fas ligand, qui joue un rôle clé dans l'apoptose. Pour ce faire, un récepteur leurre fonctionnellement inefficace a été créé. Ce récepteur a été qualifié de récepteur dominant négatif en ce sens qu'il empêche les CAR-T cells qui en sont équipées de recevoir les informations transmises par FAS ligand, les empêchant ainsi d'entrer en apoptose. Dans plusieurs modèles animaux de tumeurs solides ou de leucémies, il a été montré que les CAR-T cells modifiées de cette façon persistaient plus longtemps et avaient une activité antitumorale plus forte et plus prolongée.Une des craintes au moins théorique en rapport avec cette intervention est que la création de cellules T insensibles aux signaux d'apoptose pourraient faire courir le risque de développement de leucémies, raison pour laquelle la technologie est en cours d'affinement de façon à équiper le récepteur dominant négatif d'un "interrupteur de suicide" qui pourrait si nécessaire permettre de réenclencher la voie de l'apoptose et ainsi d'éliminer les CAR-T cells qui seraient devenus incontrolables.Une autre trouvaille qui peut être mise à profit pour la création de CAR-T cells plus performantes est la mise en évidence d'un comportement assez particulier de certaines CAR-T cells lorsqu'elles se lient à une tumeur.Idéalement, les CAR-T cells tuent les cellules tumorales sur lesquelles elles se sont fixées, ce qui est l'effet recherché, mais il arrive parfois qu'elles s'en détachent sans les avoir tuées, ce qui est loin d'être sans conséquence.En effet, lors de la période de liaison aux cellules tumorales, les CAR-T cells absorbent, incorporent dans leur milieu la totalité de la molécule cible (dans ce cas des travaux de recherche présentés il s'agissait de CD 19), mais également d'autres molécules qui lui sont associées. Cette incorporation qui s'appelle la trogocytose est une fonction majeure pour les CAR-T cells qui a plusieurs conséquences si la liaison n'aboutit pas à la mort de la cellule tumorale.Ainsi, une cellule tumorale qui a été "trogocytée" mais non détruite exprime ultérieurement moins d'antigènes à sa surface, ce qui fait qu'elle peut échapper à d'autres CAR-T cells qui ne trouvent plus assez d'antigènes permettant de la reconnaître et de la détruire.Une autre conséquence de la trogocytose est les CAR-T cells ayant incorporé la molécule cible, dans ce cas CD 19, se mettent à l'exprimer à leur surface et deviennent elles-mêmes des cibles pour les CAR-T cells originales, un processus qui a été qualifié de fratricide.Une troisième conséquence est que les CAR-T cells ayant internalisé la molécule cible et celles qui lui sont associées vont s'épuiser de façon accélérée, ce qui est probablement en rapport avec la persistance de la signalisation du matériel ingéré.Ces données sont issues d'observations fondamentales, mais il en dérive déjà de nouvelles idées pour créer des CAR-T cells et des combinaisons de CAR-T cells qui peuvent contourner les inconvénients de cette trogocytose, il a par exemple été montré que la mise au point de CAR-T cells capables de reconnaître plusieurs molécules cibles non pas de façon séquentielle mais de façon simultanée, permettait d'éviter la plupart de ces effets délétères de la trogocytose. De façon plus générale, ce savoir fondamental devrait contribuer à l'amélioration du design de la prochaine génération de CAR-T cells.