ENCO-BINI-CETUX : thérapie innovante du cancer colorectal métastatique avec mutation BRAF V600E

Les mutations BRAF V600E sont identifiées chez 10% à 15% des patients atteints d'un cancer colorectal métastatique et confèrent d'emblée un mauvais pronostic vital. Les études portant sur la chimiothérapie à base d'irinotécan ont des résultats médiocres et les inhibiteurs de BRAF seuls ne sont pas efficaces compte tenu de l'activation rétroactive de l'EGFR dans ce type de tumeur ce qui conduit à une prolifération cellulaire continue. Face à ces divers constats, les investigateurs de l'étude BEACON CRC ont émis l'hypothèse qu'il serait possible de contourner ces inconvénients en ciblant différentes voies de croissance et de propagation tumorale via une combinaison de trois thérapies ciblées.Avant de se lancer dans l'aventure d'une vaste étude clinique de phase III, les investigateurs ont mené une petite étude préliminaire comportant trente patients présentant un cancer colorectal métastatique n'ayant pas répondu à une ou deux lignes de traitement préalable ceci afin d'évaluer la sécurité d'utilisation de leur nouveau cocktail associant encorafénib (ENCO)-binimétinib (BINI)-cétuximab (CETUX). Les résultats ayant montré une toxicité tout à fait acceptable ainsi que des résultats cliniques hautement encourageants, la triple combinaison a alors reçu le " go " pour entrer dans une étude clinique de phase III randomisée.Etude de phase III, multicentrique, menée en ouvert, BEACON CRC a inclus 665 patients présentant un cancer colorectal métastatique avec mutation BRAF V600E en échec de une ou deux lignes de traitement. Ces derniers ont été répartis en trois groupes distincts et équipotents, 224 patients ont été assignés à une triple combinaison associant ENCO-BINI-CETUX, 220 patients ont reçu une combinaison de ENCO-CETUX et, enfin, les 221 patients restants ont constitué le groupe contrôle recevant, au choix de l'investigateur, irinotécan ou FOLFIRI plus cétuximab.Le critère d'évaluation primaire était la survie globale comme dans le cadre de l'étude préliminaire. Sur base des résultats encourageants observés lors de celle-ci, les investigateurs ont ajouté un nouveau critère principal sous forme de l'évaluation du taux de réponse globale. Ce critère prend en compte la proportion de patients présentant une réponse totale ou partielle et constitue une mesure directe intéressante de l'activité anti-tumorale des substances testées. La réponse globale a, pour sa part, été évaluée sur les 330 premiers patients randomisés. Les critères d'évaluation secondaires de l'étude comprenaient la survie globale au sein du groupe traité par ENCO-CETUX par rapport au groupe témoin ainsi que la survie sans progression, la durée de la réponse et la sécurité d'emploi.Enthousiasme à Barcelone car les résultats présentés sont à la hauteur des espérances des investigateurs. En effet, le critère primaire d'évaluation est pleinement atteint. La survie globale est de 9 mois pour la triple combinaison vs 5,4 pour les schémas de contrôle, un résultat hautement significatif puisque la valeur de p est inférieure à 0.0001.De plus, le taux de réponse globale est lui aussi hautement significatif et de 26% pour la triple combinaison vs 2% pour les schémas de contrôle (p< 0.0001). Pour la double combinaison (sans présence de binimétinib), la survie globale moyenne est de 8,4 mois vs 5,4 mois pour les schémas de contrôle ce qui est aussi statistiquement significatif (p=0.0003). La toxicité des nouvelles combinaisons se révèle raisonnable et conforme aux attentes concernant ce type de traitement lourd. Les événements de grade 3 ou supérieur ont été observés chez 58%, 50% et 61% des patients des groupes triple combinaison, double combinaison ou contrôle respectivement.En démontrant l'amélioration significative de la survie globale et du taux de réponse globale sous triple combinaison ENCO-BINI-CETUX, les résultats de l'étude BEACON CRC apporte la première preuve d'un bénéfice en terme de survie pour un schéma thérapeutique ciblé sans chimiothérapie chez des patients atteints d'un cancer colorectal métastatique porteur de la mutation BRAF V600E définissant par la même occasion un nouveau standard de soins. Dernière information pertinente, les résultats enregistrés suggèrent que l'efficacité de pareille combinaison pourrait être encore plus grande dans les premières lignes de traitement mais, là, c'est une autre aventure pour de prochains congrès mais la voie du progrès est enfin ouverte pour ces patients à très haut risque vital.