Le Pr Marc André, chef de service d'Hématologie, CHU UCL Namur (Godinne), vice-président de la BHS, a présidé la post-ASH-meeting. Il a mis en avant plusieurs thèmes importants pour l'avenir.
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"Dans la prophylaxie de la réaction du greffon contre l'hôte (GvHD) après une transplantation allogénique de cellules souches hématopoïétiques (TCSH) pour une tumeur hématologique, le cyclophosphamide constitue indubitablement le nouveau traitement de référence (cyclophosphamide post-transplantation, PTCy) ", confie le Pr André après l'exposé du Pr Xavier Poiré (Cliniques universitaires St-Luc, UCL, Bruxelles). La prophylaxie de la GvHD a été mise au point pour la transplantation de cellules souches (TCS) haplo-identique, avec des résultats impressionnants sur les GvHD aiguë et chronique, explique le Pr Poiré. " Après la TCS haplo-identique, les lymphocytes T alloréactifs du receveur sont activés par le système HLA du donneur, de sorte qu'ils deviennent sensibles à la cytotoxicité induite par le cyclophosphamide. Moins sensibles au cyclophosphamide, les lymphocytes T non alloréactifs facilitent le succès de la transplantation allogénique. " Une étude rétrospective1 a montré que l'administration de PTCy (vs une déplétion de lymphocytes T in vivo) est associée à une amélioration significative de la survie sans GvHD et sans rechute. Une sous-analyse a montré une tendance à une amélioration de la survie sans GvHD et sans rechute avec la transplantation de moelle osseuse, par rapport à la transplantation de cellules souches du sang périphérique (PBSC). Toutefois, le prélèvement de moelle osseuse prend du temps et se révèle pénible pour les donneurs, a fortiori maintenant que la TCS haplo-identique est plus fréquente. C'est pourquoi l'ajout de l'association globuline antithymocyte (ATG) + PTCy a été évalué lors de l'utilisation de PBSC. Une deuxième étude rétrospective2 a comparé le PTCy avec l'ATG, mais dans la TCSH avec des frères/soeurs HLA-identiques comme donneurs. Aucune différence statistiquement significative n'a été observée en termes de survie sans leucémie, de survie globale, de rechute ou de mortalité non liée aux rechutes, mais le traitement par ATG a été associé à moins de cas de GvHD chronique. Le Pr Poiré explique cette dernière observation par l'utilisation, dans la plupart des cas, du PBSC. On voit donc que l'ATG a certainement encore un rôle à jouer, en particulier en association avec le PBSC. Mais les résultats d'une étude prospective du groupe HOVON3 ont été déterminants pour l'utilisation du PTCy qui a comparé l'immunosuppression conventionnelle (cyclosporine A et mycophénolate mofétil), selon un rapport 1 : 2, et le PTCy (associé à la cyclosporine A). Le nombre de donneurs non apparentés était élevé dans les deux groupes, avec des schémas de conditionnement réduits, reposant principalement sur le PBSC. Après un suivi médian de 38,6 mois, une différence significative a été observée dans la GvHD aiguë de grade II-IV (resp. 48 % vs 32 % ; p=0,014) et dans la GvHD chronique étendue (50 % vs 19 %), sans différence en termes d'incidence des rechutes. Le Pr Poiré a cependant regretté l'absence de traitement par ATG dans le groupe standard, surtout en ce qui concerne le PSCB. " À l'approche du congrès de l'ASH, la FDA a l'habitude d'accorder son autorisation pour la mise sur le marché d'un certain nombre de molécules ", poursuit le Pr André. " L'approbation de ces molécules chez nous prendra encore plusieurs années, du fait de la procédure administrative de l'EMA et au système de fixation des prix dans notre pays. " Les produits concernés dans le cas qui nous occupe sont le crizanlizumab et le voxélotor pour l'anémie falciforme, et le luspatercept pour la bêta-thalassémie. Les abstracts ont été résumés par le Dr Tom Eyckmans (hôpitaux ZNA & GZA, Anvers). Une analyse post-hoc de l'étude SUSTAIN4 a montré que lors d'un traitement par crizanlizumab 5 mg/kg (un inhibiteur de la P-sélectine, administré en perfusion IV de 30 minutes toutes les 4 semaines après une dose de charge tous les 14 jours), versus placebo, le nombre de patients ne requérant pas d'hospitalisation était plus élevé et le délai avant la première hospitalisation était plus long. Ceci s'ajoute à des résultats publiés antérieurement5 montrant une réduction allant jusqu'à 50 % des cas de crises vaso-occlusives (CVO, ou crises douloureuses) avec cette molécule. " Le crizanlizumab aura donc un rôle à jouer chez les patients présentant de nombreuses crises vaso-occlusives ", affirme le Dr Eyckmans. Dans l'étude HOPE, le voxélotor (un inhibiteur de la HbS polymérisation) induit une augmentation de l'hémoglobine en réduisant l'hémolyse. 6 Plus la dose de voxélotor est élevée (1500 mg vs 900 mg/jour), plus la diminution des marqueurs d'hémolyse est marquée.7 En outre, un second poster a démontré la sécurité de l'augmentation du taux d'hémoglobine : même avec un taux de Hb ?12 g/dl, le risque de CVO n'était pas augmenté, il était même plus faible qu'avec des taux de Hb inférieurs, et ce, même lorsque le traitement avait été interrompu. 8 À noter aussi qu'une partie des nouvelles recommandations pour le traitement de l'anémie falciforme est déjà disponible (www.hematology.org/SCDguidelines). Enfin, le luspatercept a été approuvé par la FDA dans le traitement de la bêta-thalassémie sur base des résultats de l'étude BELIEVE. Dans la bêta-thalassémie, une érythropoïèse inefficace induit une anémie, qui doit être corrigée à l'aide de transfusions sanguines, ce qui entraîne des troubles du fer. Le luspatercept peut-il pallier ce problème ? Selon l'étude BELIEVE, après deux ans de suivi, on assiste à une réduction de plus de 33 % du nombre de transfusions sanguines avec le luspatercept vs placebo, un effet indépendant des taux de fer de référence. Tandis que la ferritine sérique diminue déjà au cours de la première année, la teneur en fer au niveau du foie et du myocarde diminue après 96 semaines de suivi. 9 De même, les effets secondaires (diarrhée, douleurs articulaires et lombalgies) s'atténuent au fil du temps. " La durée médiane de la réponse était de 76 semaines, ce qui est long pour une maladie pour laquelle il n'existe aucun autre traitement. Chez certains patients, la réponse persistait après deux ans ", a conclu le Dr Eyckmans.