À l'occasion de la Pierre Stryckmans Lecture, le Pr Gilles Salles (Lyon, France) a été invité à donner un exposé consacré au lymphome folliculaire : dispose-t-on de toutes les pièces du puzzle ?
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"La principale cause de mortalité du lymphome folliculaire (LF) demeure le LF " : telle était la conclusion de l'exposé du Pr Salles, qui a passé en revue les connaissances disponibles. Le développement de la maladie et les implications cliniques des facteurs de risque conduisant au développement du LF ne sont pas encore entièrement élucidées. À ce jour, il reste impossible de prédire la transformation histologique. Concernant le pronostic, le LF est une " cible mouvante " ; de nouvelles approches thérapeutiques restent donc nécessaires. Le traitement optimal continue à faire l'objet de recherches, même si les options thérapeutiques sont nombreuses. Pour le LF limité, l'IFRT ( involved field radiotherapy) reste le traitement standard ; toutefois, il a été démontré que l'ajout d'un traitement systémique à base d'un anti-CD20 tel que le rituximab (R) permet d'allonger au minimum la survie sans progression (PFS). Chez les patients asymptomatiques, l'approche attentiste reste la meilleure stratégie ; en alternative, le R peut être utilisé en monothérapie, mais en veillant à limiter son utilisation dans le temps. Chez les autres patients (environ 2/3 de la population totale de patients), l'association d'une chimiothérapie et d'un anti-CD20 reste la thérapie standard. Pour améliorer la PFS (sans affecter pour autant la survie globale), on peut soit associer le R à la bendamustine (au lieu du CHOP), soit administrer un traitement d'entretien par R, ou encore replacer le R par l'obinutuzumab. " La survie à 10 ans avoisine les 80 %, ce qui représente un très bon résultat. Les effets toxiques additionnels constituent donc un véritable problème en raison de la survie de longue durée observée." Pour les patients atteints d'un LF en rechute ou présentant une résistance au R, une série d'options intéressantes ont été étudiées (outre la chimiothérapie et les auto/allogreffes de cellules souches). On recense de nouveaux anticorps anti-CD20 (ofatumomab, obinutuzumab, ublituximab...), mais cinq anticorps bispécifiques, produits par différentes firmes, montrent eux aussi des résultats prometteurs. Le Pr Salles cite à titre d'exemple le mosunétuzumab (qui se lie à la fois au CD3 et au CD20), qui achemine le lymphocyte T à proximité de la cellule tumorale. Une autre option consiste à renforcer l'efficacité du R en l'associant au lénalidomide, par exemple chez les patients en rechute sous R mais non résistants à cette molécule. Dans l'étude Augment, une amélioration significative de la PFS a été observée par rapport à l'association R+placebo (HR 0,46 ; 0,34-0,62 ; p<0,001). 1 Les thérapies ciblées ont également leur place. Ainsi, le tazémétostat, un inhibiteur de l'EZH2. L'EZH2 est un régulateur épigénétique qui fait partie d'un complexe régulant le trafic des lymphocytes B dans le centre germinal ; dans 20 à 25 % des cas de LF, ce régulateur a subi une mutation d'activation, qui bloque les lymphocytes dans le centre germinal. Parmi les patients non porteurs d'une mutation, 34 % réagissent à l'inhibiteur, tandis que chez les patients porteurs de la mutation EZH2, le taux de réponse totale est de 77 %. 2 " Plusieurs patients ont présenté une réponse persistant jusqu'à 1 an, aussi le tazémétostat peut-il être le premier traitement de type moléculaire pour le LF ", a affirmé le Pr Salles. Enfin, l'immunothérapie est également étudiée par différents groupes aux États-Unis. Le traitement à base de cellules CAR-T ciblant l'antigène CD-19, de l'université de Pennsylvanie (CRL09), a déjà fait l'objet d'un suivi de 4 ans. " Le nombre de rémissions complètes a été très élevé chez les patients fortement traités au préalable, avec une tendance vers des rémissions de plus longue durée, malgré la survenue de rechutes au bout de 14 mois. Le motif de ces rechutes (perte des cellules CAR-T ou inactivation de ces cellules) doit encore fait l'objet de recherches. " Résultats : mPFS de 32 mois, 60 % de PFS après 49 mois et 64 % toujours en vie après 49 mois. La durée de réponse médiane n'avait pas encore été atteinte. 3