La réunion Update meeting sur le mélanome s'est tenue le 4 octobre 2021. Le Pr Bart Neyns (UZ Brussel) et le Dr Annemie Rutten (GZA) ont modéré les sessions. Les Drs Gil Awada, Justine Lauwyck et Yannick van Herck ont présenté leurs recherches pendant le Junior Talk.
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Les Prs Vibeke Kruse (AZ Nikolaas) et Jean-François Baurain (Institut Roi Albert II) ont abordé la thérapie adjuvante ; le Dr Joseph Kerger (UC Louvain), le traitement du mélanome métastatique porteur d'une mutation BRAF ; et le Pr Oliver Bechter (UZ Leuven), les nouveaux traitements pour le mélanome métastatique. Nous vous proposons un compte rendu des sessions éducatives. Standard of careLe traitement adjuvant après résection d'un mélanome de stade III améliore significativement le pronostic. Des études de phase III ont déterminé le PEMBRO (KEYNOTE-54 New Engl J Med 2018), le NIVO (CheckMate 238 New Engl J Med 2017) et l'association iBRAF/iMEK D + T lors de mutation BRAF V600 (COMBI-ID New Engl J Med 2017) comme thérapie adjuvante après résection d'un mélanome de stade III. Le Dr Kruse a évoqué les résultats à long terme de ces études. Les résultats actualisés de KEYNOTE-54 après 3,5 ans ont conforté la supériorité du PEMBRO. L'ORR a atteint 59,8% dans le groupe pembrolizumab vs 41,4% dans le groupe placebo (1). Lors d'une mise à jour après 4 ans, l'étude Checkmate 238 a montré des résultats comparables. L'ORR était de 52% pour le NIVO vs 41% pour l'IPI (2). L'analyse à 5 ans de COMBI-ID a confirmé l'avantage en faveur de la thérapie adjuvante par D + T. L'ORR était de 52% pour le NIVO vs 36% pour le placebo (HR: 0,51) (3). " L'association D + T et les Ac PD-1 sont les traitements de référence après la résection complète d'un mélanome de stade III porteur d'une mutation BRAF V600", a constaté le Dr Kruse. Le panel était unanime quant à l'efficacité comparable entre l'association iBRAF/iMEK et les Ac PD-1 en tant que thérapie adjuvante. Le traitement ciblé a un effet protecteur au début du traitement, avec des récidives après son interruption, tandis que celles-ci apparaissent plus tôt sous immunothérapie. Mais, à long terme, les résultats sont comparables. Le profil d'effets secondaires est différent et détermine le choix du traitement chez les patients qui ont un mélanome porteur d'une mutation BRAF V600. L'immunothérapie peut provoquer des effets secondaires chroniques, qui peuvent même persister après l'interruption du traitement, tandis que les effets secondaires du traitement ciblé sont de survenue aiguë, potentiellement graves, mais réversibles. Dans l'étude COMBI-ID, la fièvre était le plus fréquent des effets secondaires impactant le traitement. Le Dr Kruse a présenté l'étude de phase III COMBI-APlus, qui a testé un algorithme applicable en clinique pour la prise en charge de la fièvre pendant un traitement sous D + T. Les investigateurs ont interrompu les deux médicaments dès l'apparition de fièvre (température ≥38 °C) et les ont repris immédiatement et à la même dose dès que les patients étaient asymptomatiques pendant ≥24 heures. Ils ont observé significativement moins de fièvre par rapport au témoin historique dans l'étude COMBI-AD (4). Mélanome de stade II à haut risque: l'immunothérapie adjuvante fonctionneL'étude de phase III Keynote-617, présentée lors du congrès 2021 de l'ESMO, comparait le PEMBRO à un placebo chez des patients après résection complète d'un mélanome de stade IIB/C. L'étude a inclus 976 patients (64% de stade IIB, 34,8% de stade IIC) et a atteint son objectif. L'ORR après un an s'élevait à 90,5% dans le groupe PEMBRO vs 83,1% dans le groupe placebo (HR: 0,6550 ; p = 0,00658). Des effets indésirables de grade ≥ III se sont produits chez 16,1% des patients traités par le PEMBRO (5). " Le mélanome de stade II est une indication pour un traitement adjuvant par le PEMBRO dès qu'il y a une autorisation", a conclu le Dr Baurain. Un traitement adjuvant pour les mélanomes de stade IIB, IIC et IIIA? ControverseLes Dr Kruse et Baurain ont tous deux relevé que le bénéfice de survie dans le mélanome de stade IIIA était faible par rapport au placebo. Dans les mélanomes de stade IIIA (selon la 8e édition de la classification AJCC) de l'étude COMBI-ID, la survie à 5 ans s'élevait à 70% dans le groupe D + T vs 71% dans le groupe placebo (HR: 0,63) ; dans les mélanomes de stade IIIA (selon la 7e édition de la classification AJCC) de l'étude KEYNOTE-54, la survie à 3,5 ans était de 80,8% dans le groupe immunothérapie vs 70,8% dans le groupe placebo (HR: 0,83). Une métastase ganglionnaire de moins de 1 mm était un critère d'exclusion. Le faible bénéfice et le risque d'effets secondaires liés à ce traitement, inutile chez de nombreux patients de ce sous-groupe, rendent la décision difficile. Les membres du panel étaient d'avis différents mais ont décidé à l'unanimité qu'il existe un besoin de marqueurs prédictifs et pronostiques. Le traitement néoadjuvant est prometteur, mais n'est pas encore le standard of careDans des études de phase Ib/II, des chercheurs néerlandais ont établi l'activité de l'association IPI + NIVO en traitement néoadjuvant et ont observé une réponse pathologique complète dans un pourcentage élevé de patients atteints d'un mélanome de stade IIIB/C. L'étude PRADO a déterminé la prise en charge clinique sur base de la réponse pathologique dans le ganglion indice ( index lymph node) après un traitement néoadjuvant par IPI + NIVO. Ils ont à nouveau constaté un haut pourcentage de réponse pathologique, moyennant une toxicité acceptable. Ils ont omis la résection ganglionnaire totale chez un grand nombre de patients. Un suivi de plus longue durée est nécessaire (6). "Nous pouvons vraisemblablement obtenir de meilleurs résultats avec un traitement néoadjuvant, mais il ne s'agit pas encore du standard of care", a souligné le Pr Baurain. Les membres du panel envisagent cependant un traitement néoadjuvant en cas de stade III avancé à la limite de la résécabilité, mais de préférence dans le cadre d'un essai clinique. Traitement adjuvant par immunothérapie d'association uniquement dans le mélanome de stade IVL'étude de phase II IMMUNED a montré que la polythérapie est efficace chez les patients atteints d'un mélanome de stade IV sans maladie objectivable après une opération ou une radiothérapie. Les investigateurs ont comparé le traitement par NIVO + IPI et NIVO par rapport à un placebo chez 167 patients et ont retenu un allongement statistiquement significatif de l'ORR sous NIVO + IPI (HR: 0,23 ; p < 0,0001) et sous NIVO (HR: 0,56 ; p = 0,011) vs placebo (7). Ces résultats ne concordent pas avec ceux de l'étude de phase III CheckMate 915, qui n'a démontré aucun bénéfice du traitement adjuvant par NIVO + IPI vs NIVO chez des patients avec mélanome de stade IIIB-D/IV réséqué (8). "Nous pouvons améliorer la guérison après l'opération en instaurant une immunothérapie d'association après la chirurgie, mais uniquement dans le mélanome de stade IV", a conclu le Pr Baurain. Traitement de référence dans le mélanome métastatique avec mutation BRAF V600L'association iBRAF/iMEK et l'immunothérapie sont les traitements de référence. Des études de phase III ont constaté l'efficacité de ces traitements pour le PEMBRO (KEYNOTE-006 New Eng J Med 2015), le NIVO et l'association NIVO + IPI (CheckMate 067 N Eng J Med 2015), l'association vémurafénib + cobimétinib ( N Eng J Med 2014), l'association dabrafénib + tramétinib (COMBI-d N Eng J Med 2014, COMBI-v N Eng J Med 2014) et l'association encorafénib + binimétinib (COLOMBUS The Lancet Oncol 2018). Le Dr Kerger a résumé les mises à jour de KEYNOTE-006, CheckMate 067 et des résultats combinés de COMBI-v, COMBI-d et COLOMBUS (fig. 1). Les iBRAF/iMEK induisent une réponse rapide, tandis que les Ac PD-1 et l'association Ac PD-1 + Ac CTLA4 donnent une réponse plus lente, mais durable. Cela se traduit par une PFS médiane et une OS à 5 ans de 11-15 mois et 34% pour les iBRAF et les iMEK, de 6-7 mois et 44% pour les Ac PD-1 et de 11,5 mois et 52% pour l'association Ac PD-1 + Ac CTLA4. Le traitement ciblé et l'immunothérapie ont tous deux un profil gérable d'effets indésirables, mais l'association Ac PD-1 + Ac CTLA4 est toxique. Dans de récentes études, l'association NIVO 3 mg/kg + IPI 1 mg/kg avait un profil de sécurité moins favorable que l'association NIVO 1 mg/kg + IPI 3 mg/kg et les 2 premières doses déterminaient l'efficacité et la toxicité. Nous tenons compte de ces facteurs dans le choix du traitement des patients porteurs d'une mutation BRAF V600. L'étendue et l'agressivité de la tumeur et certains facteurs liés au patient sont également déterminants. À l'exception des NRAS/BRAF/cKit, on ne dispose pas encore de biomarqueurs prédictifs ou pronostiques, a souligné le Dr Kerger. Les métastases cérébrales constituent une situation difficile sur le plan clinique. Le Dr Kerger a présenté l'étude de phase II COMBI-MB, dans laquelle 58% des patients qui avaient des métastases cérébrales asymptomatiques d'un mélanome porteur d'une mutation BRAF V600 ont présenté une réponse intracrânienne au traitement par D + T. La réponse était de 44% chez les patients qui avaient déjà reçu un traitement local. La durée de la réponse a été relativement courte et la PFS médiane s'est élevée à 5,6 mois (IC: 5,3-7,4) (9). CheckMate 204, une étude de phase II, a rapporté une réponse à l'association NIVO + IPI de l'ordre de 55% en présence de métastases cérébrales asymptomatiques, et de 16,7% dans le groupe symptomatique (10). Dans le groupe asymptomatique, la réponse a été durable, la PFS après 9 mois atteignant 59,5% (11). Le Pr Kerger a émis les directives suivantes pour le traitement de première intention du mélanome métastatique porteur d'une mutation BRAF V600. Rélatlimab et NIVO: une nouvelle norme en première intention?L'étude RELATIVITY-047 a montré l'efficacité de l'anticorps anti-LAG-3 rélatlimab (RELAT) en association avec le NIVO dans le traitement de première intention du mélanome métastatique. Le gène d'activation des lymphocytes 3 (LAG-3) régule une voie de signalisation de point de contrôle ( checkpoint) qui inhibe l'activité des lymphocytes T. L'étude de phase II/III RELATIVITY-047 a randomisé 714 patients entre l'association RELAT + NIVO vs le NIVO en monothérapie. La PFS a atteint 10,1 mois dans le bras expérimental vs 4,6 mois dans le groupe témoin (HR ; 0,75 ; p = 0,0055). L'association a été bien tolérée. L'incidence d'effets indésirables de grade III/IV liés au traitement était plus élevée dans le groupe RELAT + NIVO (18,9%) que dans le groupe NIVO (9,7%), mais elle était plus faible qu'avec l'association IPI + NIVO (55%) dans l'étude Checkmate-067 (12). "L'association RELAT + NIVO peut devenir un nouveau traitement de référence en première intention", a évoqué le Dr Kerger. iBRAF/iMEK et Ac PD-L, quelle séquence optimale? La question persisteDans une analyse rétrospective, Warner A.B. n'a pas trouvé de différence entre les deux séquences de traitement (13) Le Dr Kerger a détaillé SECOMBIT, une étude prospective de phase II ayant évalué trois approches séquentielles: encorafénib + binimétinib jusqu'à progression, puis IPI + NIVO ; ordre inverse ; encorafénib + binimétinib pendant 8 semaines, puis IPI + NIVO jusqu'à progression, puis à nouveau encorafénib + binimétinib. Les résultats ont montré une tendance de gain d'OS en faveur des deux dernières séquences (14). Le fait de débuter avec une association iBRAF/iMEK aurait un effet immunomodulateur et est également testé dans l'un des bras de l'étude de phase II EBIN de l'EORTC (NCT03235245). D'autres essais sont par ailleurs en cours. "Il n'existe pas encore de données prospectives robustes quant à la séquence optimale des traitements iBRAF/iMEK et Ac anti-PD-1", a conclu le Dr Kerger. Trithérapie: plus = mieux?Le Dr Kerger a ici évoqué l'association d'un traitement ciblé et d'une immunothérapie dans le mélanome métastatique. Dans l'étude de phase II de plus petite envergure, l'association D + T + PEMBRO a présenté un bénéfice numérique, mais non significatif, de PFS, mais davantage d'effets secondaires (15). Les résultats de deux récentes études de phase III sont contradictoires. L'étude de phase III COMBI-I n'a pas pu atteindre une PFS médiane significativement meilleure avec la trithérapie spartalizumab + D + T qu'avec la bithérapie D + T, à savoir respectivement 16,2 et 12 mois (HR: 0,820 ; p = 0,042). Des effets secondaires de grade III se sont produits chez 55% des patients sous trithérapie vs 33% des patients sous bithérapie (16). En revanche, l'étude randomisée de phase III IMspire 150 a atteint son objectif final. Dans le bras trithérapie vémurafénib + cobimétinib + atézolizumab, la PFS a été de 15,1 mois (11,4-18,4) vs 10,6 mois (9,3-12,7) dans le bras bithérapie vémurafénib + cobimétinib (HR: 0,78 ; p = 0,0249). La toxicité de grade III/IV était comparable, à savoir 79 et 73%, respectivement (17). "La thérapie ciblée anti-BRAF, associée à un traitement anti-PD(L)-1, est efficace, mais sa supériorité sur un traitement séquentiel n'est pas établie. La toxicité limite l'application de trithérapies", a ponctué le Dr Kerger. Les recherches sur les nouveaux traitements sont très complexes en raison de la profusion de composants qui font partie du système immunitaire, a expliqué le Pr Bechter, illustrant ses propos au moyen de trois pistes de réflexion. Vaccins thérapeutiques personnalisés spécifiques de la tumeurLes néoantigènes sont l'objectif d'une réponse efficace des lymphocytes T ciblée sur la tumeur. Des vaccins anti-cancer ont été conçus pour renforcer la réponse des lymphocytes T spécifiques de la tumeur par une immunisation active. Il y a par ailleurs une propagation d'épitopes vers des néoantigènes qui ne sont pas repris dans le vaccin. Des études de phase IB ont confirmé le concept (18). Reprogrammation du micro-environnement de la tumeurLe micro-environnement de la tumeur est un réseau enchevêtré et complexe de cellules, de molécules et de facteurs paracrines étroitement liés aux cellules mélanomateuses. Ces interactions constituent un facteur important qui influence la croissance tumorale et la réponse aux interventions thérapeutiques. Il a évoqué trois molécules dont le mécanisme d'action est dirigé sur l'écosystème du mélanome en influant sur le micro-environnement de la tumeur et qui ont donné un signal positif dans le cadre d'études de phase II. Le bexmarilimab, un nouvel anticorps humanisé dirigé contre le récepteur Clever-1 ( common lymphatic endothelial and vascular endothelial receptor-1) (19) ; le lenvatinib, un inhibiteur multikinase qui agit entre autres par inhibition de l'angiogenèse (20); et l'alrizomadline, un antagoniste de MDM2-p53 qui restaure l'apoptose médiée par p53 et exerce un effet immunomodulateur (21). Prévention d'une résistance primaire et secondaireLes mécanismes envisagés à cet effet sont l'utilisation de points de contrôle alternatifs, l'augmentation de l'efficacité des inhibiteurs de points de contrôle et l'activation de la fonction lymphocytaire T. Les cytokines ont une fonction importante. L'IL-2 est une cytokine pléiotrope qui contrôle les programmes transcriptionnels, mais qui régule aussi les lymphocytes T et peut compenser un déficit du système de présentation des antigènes. Le Pr Bechter a abordé l'étude de phase II PIVOT-02, qui a évalué l'agoniste de la voie de signalisation de l'interleukine-2 bempegaldesleukine (BEMPEG), combiné au nivolumab, dans le traitement de première intention du mélanome métastatique et qui a produit des résultats encourageants (22). L'étude de phase III est en cours. Les molécules bifonctionnelles anti-PD/IL-2 sont, selon le Dr Bechter, vraisemblablement un moyen plus physiologique et efficace de combiner ces deux médicaments. Au cours de la discussion, les membres du panel ont également débattu du traitement intralésionnel par T-VEC (talimogene laherparepvec, une forme modifiée du virus herpès simplex) et de la thérapie TILs (perfusion de lymphocytes infiltrant la tumeur, extraits de la tumeur après expansion ex vivo).