Lors de la réunion du BGDO consacrée aux " Updates on lower GI tumours ", le Pr Francesco Sclafani (Institut Jules Bordet, ULB) a commenté les résultats de deux études de phase III qui marquent un véritable tournant pour le traitement du cancer rectal.
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Jusqu'à présent, on disposait de trois options standard pour le traitement néoadjuvant du cancer rectal: soit une longue cure de radio-chimiothérapie (RCT) suivie d'une chirurgie (TME) 6 à 8 semaines plus tard, soit un court traitement par radiothérapie (SCRT) suivi d'une chirurgie immédiate (< 1 semaine), ou différée (4-8 semaines). Selon diverses études cliniques, 19-30% des patients développent quand même des métastases à distance après ces traitements. Jusqu'à présent, les études cliniques portant sur la chimiothérapie (CT) adjuvante après un traitement standard n'ont pas pu démontrer de bénéfices. Un concept étudié depuis un certain temps est celui du traitement néoadjuvant dit " total " (TNT), lors duquel une CT systémique est administrée dans le cadre néoadjuvant. Deux études de phase III, RAPIDO et PRODIGE 23 (voir figures)1,2 viennent de livrer des résultats positifs. Dans l'étude RAPIDO, les patients ont reçu un traitement standard ou expérimental, consistant en SCRT suivie de CAPOX/FOLFOX pendant 19 semaines et TME 2-4 semaines plus tard. Dans l'étude PRODIGE 23, ils ont reçu un traitement standard ou expérimental, consistant en 12 semaines de mFOLFORINOX, suivi d'une longue cure de RCT avec TME 7 semaines plus tard, puis de l'administration de mFOLFOX/capécitabine. Les deux études ont montré de meilleurs résultats en termes de survie dans les groupes TNT (RAPIDO: DRTF - disease-related treatment failure - à 3 ans: 23,7% vs 30,4% ; PRODIGE 23: DFS à 3 ans 75,7% vs 68,5%). On a également observé de meilleurs résultats pour divers critères d'évaluation secondaire, y compris une réduction des métastases à distance. Le Dr Sclafani affirme que l'approche " TNT " propose une nouvelle norme de soins pour le cancer rectal avancé. Pour déterminer concrètement les patients qui tireront le plus de bénéfices d'un TNT, le Dr Sclafani fait référence aux critères d'inclusion des études. Sur cette base, on sélectionne les patients souffrant de tumeurs de stade III, ou de tumeurs de stade II avec au moins un des facteurs de risque élevé de l'étude RAPIDO (T4, N2, EMVI+, MRF+, N+ latéraux), et qui ont un indice de performance (ECOG/OMS) de 0-1. L'étude PRODIGE 23 n'a inclus que des patients âgés de ?75 ans. Pour le choix relatif au schéma TNT, le Dr Sclafani a pointé quelques éléments potentiellement utiles, comme l'ordre d'administration de la RT ou de la CT, qui constitue la principale différence entre les deux schémas. Dans l'étude RAPIDO, la CT de consolidation suivait la SCRT ; dans l'étude PRODIGE 23, une CT d'induction était suivie d'une RCT. On ne peut comparer directement les deux options, mais une étude clinique antérieure (OPRA) a révélé que le traitement de consolidation augmentait les chances de prise en charge sans chirurgie, avec préservation de l'organe3. La stratégie utilisée dans l'étude PRODIGE 23 semble intéressante en cas de tumeurs volumineuses/symptomatiques, ou peut constituer une solution pragmatique si un accès immédiat à la radiothérapie est impossible. Le Dr Sclafani conclut que le TNT est la nouvelle norme pour le cancer rectal de stade II à haut risque et de stade III. La RCT et la SCRT restent des options acceptables pour les sujets âgés, ceux en mauvaise condition physique, ceux présentant des tumeurs de stade II à faible risque, ou ceux qui ne souhaitent pas être exposés à l'oxaliplatine.