La FAMGB (Fédération des associations de MG bruxellois) a rassemblé une série de témoignages dramatiques et poignants de personnes souffrant de troubles psychiatriques à Bruxelles. Plaçant la plupart du temps MG, entourage et quelques fois voisins dans l'embarras. La Commission santé mentale de la fédération commente ces témoignages. Le Livre noir termine par 12 recommandations pour les autorités.
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"Ramon, qui vient du Vénézuela, est la terreur des soignants. Vivant dans sa bulle paranoïaque, il ne fait pas confiance aux médecins pour prendre soin de sa santé. Il leur intente plutôt de multiples procès ". " La vie de Fatoumata a basculé lorsqu'elle s'est découverte homosexuelle. Dans son milieu, c'est simplement inconcevable. À intervalles serrés, elle s'enivre, consciencieusement, jusqu'au coma, dans le but avoué d'atterrir aux urgences. " " Jarouslav, 'zone' souvent devant le CPAS de Bruxelles. Ce SDF polonais se fait avoir par ses compagnons de galère qui lui piquent pièces et habits. De lui-même, il est incapable de respecter le moindre rendez-vous médical. " " Un ex-toxicomane autodestructeur a tenté récemment une auto-circoncision. Une mise en observation est obtenue non sans peine puis levée sans l'ombre d'un contact avec le médecin traitant. " " Un homme de 80 ans vit seul après le décès de son épouse. Il n'a pas d'enfant. Il est aidé, de loin, par une cousine. Il présente des signes de confusion mentale, de désorientation de plus en plus fréquente. Mais il décline toute aide, entre autres pour son ménage. Il refuse par la suite aussi la visite de son MG. Lequel reçoit de nombreux appels du voisinage, inquiet. Une tentative d'hospitalisation en psycho-gériatrie est refusée par le patient. Aucune proposition alternative efficace ni aucune contrainte n'est possible. L'entourage, les voisins et les soignants sont dans l'incapacité de prévenir un accident. "Le Livre noir de la santé mentale à Bruxelles regorge ainsi de témoignages dramatiques et poignants plaçant le MG dans une situation parfois ubuesque dans le plus total dénuement. Chaque groupe de témoignages rassemblés en chapitre est commenté par la Commission santé mentale de la FAMGB.Une cinquantaine de MG se sont prêtés au jeu consistant à sérier les problèmes et ce, depuis l'été 2017. Le jdM en avait parlé à l'époque. " Près de la moitié de ces MG rencontrent au quotidien un trouble de santé mentale avec problèmes somatiques. 38,5 % parlent d'une récurrence hebdomadaire. 85 % se frottent donc régulièrement à la problématique. " Le burnout et les assuétudes concernent 95 % des plaintes croisées mensuelles, hebdomadaires et quotidiennes. Les situations de crise seraient mensuelles.Face à ce fléau qui constitue les premiers motifs de consultation de médecine générale à Bruxelles, la FAMGB fait 12 recommandations aux pouvoirs publics :1) Mettre le MG confronté à un patient insoluble ou en grande difficulté en relation avec un helpdesk 24h/24. La permanence de ce call-center pourrait être assurée par le Réseau multidisciplinaire local bruxellois.2) Faciliter aux MG l'accès aux structures hospitalières psychiatriques via un numéro vert unique et gratuit. Chaque hôpital créerait également un référent unique en son sein pour répondre à des problèmes psychiatriques. Ce référent faciliterait également la sortie du patient de l'hôpital.3) Systématiser le feed-back du médecin spécialiste vers le MG qui a envoyé le patient vers le spécialiste. Cela peut être un appel, un courrier, un courriel. Peu importe, mais cela doit être systématique, selon la FAMGB.4) Mettre en place un comité pluraliste composé de magistrats, politiques, médecins, assistants sociaux, etc., qui " évalue la prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques ". Ce comité aurait pour tâches, notamment, d'inventorier les épisodes psychiatriques, d'établir un scénario de l'incident critique, de conseiller les autorités compétentes et de commander des études de terrain au sujet de la médecine générale face à la santé mentale.5) Organiser des rencontres régulières entre les acteurs et structures impliquées dans la santé mentale. Idem pour la mise en place de groupes d'intervention clinique.6) Intégrer au sein des cabinets de MG des soignants spécialisés comme des psychologues de première ligne. Leurs activités seraient également remboursées par la sécurité sociale.7) Reconnaître le MG comme acteur incontournable de la santé mentale. Cela implique le respect mutuel entre MG, structures de santé mentale, spécialistes en la matière, etc. Les consultations longues et complexes (en santé mentale, elles peuvent durer une heure) doivent être revalorisées financièrement.8) Rendre plus accessibles les soins spécialisés en santé mentale. Si l'accès à la médecine générale a été ces dernières décennies facilité financièrement jusqu'à ne coûter presque plus rien, il n'en est pas de même pour l'accès à la 2e ligne. Les obstacles sont financiers, géographiques, délais d'attente. Idem pour les structures d'accueil à " basse exigence ".9) " Tendre à une coordination plus poussée des structures d'aide sociale et psychologiques. "10) Placer autour du patient souffrant de santé mentale tous les intervenants de la société civile, à commencer par la Justice (avec un numéro vert du type de celui qui existe pour les services d'aide à la jeunesse).11) Garantir des budgets détachés de toute considération communautaire et axés sur les vrais besoins.12) Financer les politiques de bien-être (environnement, éducation, logement) sans lesquelles il n'y a aucune politique de soins possible.