Le 18 mai 2021, le Réseau Phare a été agréé par la Région wallonne. Une étape importante pour ce projet ambitieux en chantier depuis cinq ans. Où en est-on? Réponses de Jean-Christophe Gautier, président du Conseil d'administration ; Didier Delval, président du Collège des directeurs généraux et Wissam Bou Sleiman, président du Collège des médecins-chefs.
Le journal du Médecin: Le Réseau Phare vient d'obtenir un agrément de la Région wallonne (lire jdM n°2674), qu'est-ce que cela change concrètement pour vos hôpitaux?
Didier Delval, président du collège des directeurs généraux: L'agrément donne une légitimité en interne et en externe au réseau. Le contrat de mariage est devenu officiel. Il renforce les liens entre les hôpitaux et les travailleurs.
Jean-Christophe Gautier, président du Conseil d'administration: Cet agrément a insufflé de l'optimisme chez certains. Ils se sont dits: on travaille depuis 2017 sur ce projet, une première concrétisation a eu lieu en avril 2019 avec l'annonce d'un réseau à trois - entre le CHR Haute-Senne, le Chwapi et Epicura -, ensuite le CH Mouscron nous a rejoints et deux ans après le réseau est agréé officiellement. Cela booste les équipes.
Didier Delval: Nous pouvons rebondir sur cet agrément pour poursuivre les projets déjà lancés. Nous avons beaucoup travaillé pour préparer notre demande d'agrément. Nous avons dû remettre des statuts, des règlements d'ordre intérieur... Ce travail est officiellement reconnu.
L'agrément ouvre-t-il des financements spécifiques de la Région wallonne?
Didier Delval: Pas pour l'instant, sauf pour les projets Host ( Hospital Outbreak Support Team) qui sont subsidiés par le Fédéral et la Région wallonne. Dans notre cas, nous pouvons fédérer des équipes autour de l'infectiologie et l'hygiène hospitalière.
Depuis la constitution du réseau, quels sont les projets que vous avez déjà lancés et ceux qui sont en préparation?
Didier Delval: Le réseau organise des formations, principalement sur les "soft skills", communes aux quatre institutions pour le personnel. En octobre, une journée réunira au CH de Mouscron les aides-soignantes sur la thématique de la chute et des contentions. Les participants se retrouvent sur un site avec des orateurs, majoritairement internes au réseau.
Grace à une opportunité, les quatre institutions ont décidé il y a trois ans d'utiliser le même logiciel de payement des salaires. Ce qui permet aux équipe des ressources humaines de s'entendre sur les techniques, les mises à jour et de partager leur expertise.
Au niveau informatique, nous allons bientôt publier l'avis de marché pour un Dossier patient informatisé (DPI) commun au réseau, dans le cadre d'un dialogue compétitif. L'objectif est d'implémenter le logiciel en septembre 2022. On s'attend à discuter avec une dizaine d'entreprises. Nous avons aussi réalisé un audit de la sécurité informatique de nos différentes institutions. Nous voulons avoir une "baseline" commune parce que nos institutions vont échanger de plus en plus des données entre elles.
Pour les achats, nous avons établi une convention. Depuis le début 2021, tous nos hôpitaux sont membres de l'Acah, la centrale de négociation pour les achats hospitaliers. Les acheteurs des hôpitaux échangent entre eux sur les opportunités et les cahiers des charges. Il y a une belle synergie.
Tous vos hôpitaux construisent ou rénovent actuellement. Le fait d'être dans un réseau locorégional offre-t-il des avantages pour mener à bien ces chantiers souvent complexes?
Didier Delval: Lorsque nous avons dû remettre nos dossiers de construction à la Région wallonne il y a deux ans, un critère dépendait de la participation à un réseau. Certains plans ont été revus dans l'esprit d'une éventuelle mutualisation ou du regroupement d'une activité non-médicale. Avant de réaliser des investissements importants, nous partageons nos réflexions. Nous avons tous construit des logipôles, en décidant que le logipôle d'un hôpital pouvait, le cas échéant, être le back-up d'un autre.
Comment organisez-vous la prise de décision au sein du réseau? Organisez-vous des réunions par métier?
Didier Delval: Le comité de direction du réseau rencontre chaque mois les différents groupes de travail (informatique, achat, ressources humaines, nursing, communication). Ils apportent des idées et puis ils y travaillent ensemble. Régulièrement, nous faisons un bilan de l'état d'avancement de tous les projets.
Jean-Christophe Gautier: Nous collaborons déjà de cette façon pour les dossiers non-médicaux depuis pratiquement le début des discussions entre les trois institutions. En effet, quelques mois après nos premiers contacts, nous avions institué un comité stratégique (embryon du futur CA de Phare) et un comité de pilotage (réunissant les présidents des CA et les directeurs généraux des hôpitaux). Déjà à cette époque, divers groupes métiers avaient été créés et rapportaient au comité de pilotage.
Quelle est la stratégie médicale de votre réseau? Certains sites hospitaliers vont-ils se spécialiser?
Wissam Bou Sleiman, président du Collège des médecins-chefs: Notre objectif est de garder dans chaque institution une offre de proximité. De nombreuses réunions ont déjà été organisées pour rapprocher les responsables de service des différents hôpitaux. Le nombre de services à voir est élevé. Nous les regroupons par spécialité ou par pôle d'activités. Nous ne voulions pas que la démarche soit directive, mais souhaitions faire émerger les initiatives du terrain. Le corps médical craignait d'ailleurs qu'on lui impose des projets déjà formatés par les directions.
Rappelons que dans notre réseau les hôpitaux ne sont pas spécialement proches géographiquement les uns des autres.
Nos projets médicaux visent à améliorer la qualité de l'offre. Des gardes communes sont déjà mises sur pied dans certaines spécialités. Certains Glem se rassemblent. Des projets d'éducation des patients ont été lancés sur base de l'expertise de plusieurs services et hôpitaux. Nous élaborons actuellement des projets importants.
Le réseau vous permet-il d'obtenir des appareils médicaux lourds dont vous ne disposez pas encore?
Jean-Christophe Gautier: Le CHR Haute-Senne devrait bientôt avoir une RMN. Nous étions l'un des derniers hôpitaux qui n'en avait pas en Wallonie. Il y a quelques années, nous avons acheté en commun des Spect-CT.
Wissam Bou Sleiman: Un grand projet d'appareillage lourd porté par plusieurs hôpitaux au sein de l'association Ariane est concrétisé. Les expertises se partagent déjà également sur l'appareillage médical plus léger, par exemple, certains endoscopes, les capsules vidéo...
Didier Delval: À l'initiative des médecins, les services d'anatomopathologie cherchent également ensemble des solutions pour être plus efficients.
Wissam Bou Sleiman: Comme le disait récemment Frank Vandenbroucke dans votre journal ( jdM n°2678), au sujet de la réforme hospitalière, il faut faire ressortir les expertises médicales pour améliorer la qualité de la prise en charge. Les médecins l'ont compris et veulent le faire au sein du réseau.
Jean-Christophe Gautier: Nous avons également réfléchi à cette question fondamentale: faisons-nous tout à quatre? Finalement, nous avons élaboré une liste de critères simples et pertinents qui permettent rapidement de décider si un dossier sera réalisé pour l'entièreté du réseau ou juste entre quelques partenaires. Si un projet correspond à tous les critères, il est d'office porté par les quatre hôpitaux.
Didier Delval: Cette méthodologie permet à un hôpital de jouer collectif dans l'équipe Phare ou de jouer en solo, sans être déloyal vis-à-vis de ses partenaires. Ce mécanisme offre une certaine sérénité dans un secteur hospitalier qui est parfois schizophrénique.
Wissam Bou Sleiman: Tous ces projets ont un impact sur l'attractivité de nos hôpitaux vis-à-vis des médecins. De plus en plus les jeunes médecins veulent intégrer un véritable projet. Ils ne souhaitent plus juste venir exercer une activité en solo à l'hôpital. Le réseau peut proposer des projets plus importants parce que nous avons le potentiel humain et les moyens techniques, par exemple, en oncologie. Si nous prenons les forces de tous les hôpitaux, nous disposons d'un plateau intéressant pour toutes les pathologies oncologiques. Nous avons dans le réseau cinq RMN, de la radiothérapie, l'anapath, la recherche clinique... Cette offre permet d'intégrer des jeunes médecins dans un cadre motivant.
Les médecins vont-ils bouger au sein du réseau?
Didier Delval: Les patients et les médecins peuvent être appelés à se déplacer. Cependant, la crise sanitaire a démontré qu'il est possible de partager facilement des images médicales et des protocoles. La télémédecine a pris une ampleur importante. Grâce à Ariane, les médecins ne bougent pas mais les clichés et les protocoles circulent rapidement entre les trois hôpitaux. Il est possible de travailler en équipe sans bouger physiquement.
Wissam Bou Sleiman: Certains médecins sur-spécialisés travaillent dans plusieurs hôpitaux. Si le projet est clair et pertinent, les médecins seraient prêts à se déplacer dans un réseau si cela apporte une plus-value à leur discipline et aux soins apportés aux patients. Ceux-ci seraient également disposés à bouger s'ils se rendent compte que la prise en charge qu'on leur offre est spécifique et de qualité.
Didier Delval: Les chirurgies complexes continueront à être effectuées dans des centres de référence. La chaîne de soins restera multisitique et interhospitalière. Le réseau couvre tout de même 600.000 habitants. Il faut leur offrir la possibilité de se faire soigner à proximité sans devoir se déplacer loin de chez eux. L'accessibilité aux soins - qui est une valeur de notre réseau - ne doit pas être que financière, elle doit aussi être géographique.
Jean-Christophe Gautier: Notre réseau est fort déployé. Il compte dix sites hospitaliers et douze polycliniques déployés sur 37 communes. C'est réellement un réseau de proximité.
Fonctionner en réseau a-t-il été utile durant la crise sanitaire?
Wissam Bou Sleiman: Au niveau de la direction médicale, nous échangions chaque jour les informations, de façon virtuelle, au sein du réseau. Nous avons pu partager les expertises dans l'utilisation de l'Ecmo aux soins intensifs. Des équipes sont venues installer des Ecmo sur d'autres sites. Nous avons rapidement mis en place des procédures efficaces pour le transfert des patients Covid entre nos hôpitaux. Les stocks des pharmacies ont été suivis de façon très rapprochée. Nous avons partagé du matériel, entre autres des respirateurs et du matériel de protection. Les médecins ont échangé entre eux pour savoir comment gérer les unités ou réagir face à une situation particulière. Cette dynamique se poursuit. Les médecins-chefs des hôpitaux continuent à discuter régulièrement entre eux sur le Covid, la logistique de vaccination et les bonnes pratiques.
Est-il facile de gérer un réseau? Comment se passe la gouvernance?
Jean-Christophe Gautier: Nous avons commencé notre réseau à trois en 2017: le CHR Haute-Senne, le Chwapi et Epicura. Nous avons un socle de valeurs bien établi: le pluralisme, le fonctionnement consensuel, des hôpitaux fusionnés et des pouvoirs organisateurs assez similaires. Nous avons rapidement pu discuter ensemble dans un climat de non-méfiance. Nous avons fixé les organes de gestion et les lignes rouges au niveau du poids de chacun dans le réseau. Un mécanisme de minorité de blocage a été mis en place pour les décisions vitales, par exemple la fermeture d'une activité. Les autres dossiers se gèrent à la majorité simple. En 2019, le CH de Mouscron a rejoint le réseau et légitimement, avec son regard neuf, a attiré notre attention sur certains points d'amélioration. Nous avons donc dû, durant une période d'une quinzaine de mois, réaligner les attentes des partenaires et les niveaux de maturité des uns et des autres par rapport au projet de réseau. Ces réalignements se sont notamment effectués au travers de la rédaction des différents règlements d'ordre intérieur, de l'élaboration des critères de décision relatifs aux projets qui relèvent du réseau Phare ou qui restent du ressort des hôpitaux. Finalement, tout le monde a fait preuve d'ouverture. Et nous sommes parvenus à créer du lien entre tous les partenaires en mettant en commun nos attentes et nos difficultés et en prenant tous conscience des réalités hospitalières des uns et des autres.
Wissam Bou Sleiman: Nous sommes aussi très attentifs à bien collaborer avec la médecine générale et à associer les généralistes à certains projets en tant que partenaires solides du réseau.
Didier Delval: Une généraliste, le Dr Anne Poupaert siège d'ailleurs dans le Conseil d'administration du Réseau Phare. Ce n'est pas que symbolique. Nous allons aussi en septembre intégrer les Conseils médicaux des hôpitaux dans la dynamique du réseau et les projets.
Le journal du Médecin: Le Réseau Phare vient d'obtenir un agrément de la Région wallonne (lire jdM n°2674), qu'est-ce que cela change concrètement pour vos hôpitaux? Didier Delval, président du collège des directeurs généraux: L'agrément donne une légitimité en interne et en externe au réseau. Le contrat de mariage est devenu officiel. Il renforce les liens entre les hôpitaux et les travailleurs. Jean-Christophe Gautier, président du Conseil d'administration: Cet agrément a insufflé de l'optimisme chez certains. Ils se sont dits: on travaille depuis 2017 sur ce projet, une première concrétisation a eu lieu en avril 2019 avec l'annonce d'un réseau à trois - entre le CHR Haute-Senne, le Chwapi et Epicura -, ensuite le CH Mouscron nous a rejoints et deux ans après le réseau est agréé officiellement. Cela booste les équipes. Didier Delval: Nous pouvons rebondir sur cet agrément pour poursuivre les projets déjà lancés. Nous avons beaucoup travaillé pour préparer notre demande d'agrément. Nous avons dû remettre des statuts, des règlements d'ordre intérieur... Ce travail est officiellement reconnu. L'agrément ouvre-t-il des financements spécifiques de la Région wallonne? Didier Delval: Pas pour l'instant, sauf pour les projets Host ( Hospital Outbreak Support Team) qui sont subsidiés par le Fédéral et la Région wallonne. Dans notre cas, nous pouvons fédérer des équipes autour de l'infectiologie et l'hygiène hospitalière. Depuis la constitution du réseau, quels sont les projets que vous avez déjà lancés et ceux qui sont en préparation? Didier Delval: Le réseau organise des formations, principalement sur les "soft skills", communes aux quatre institutions pour le personnel. En octobre, une journée réunira au CH de Mouscron les aides-soignantes sur la thématique de la chute et des contentions. Les participants se retrouvent sur un site avec des orateurs, majoritairement internes au réseau. Grace à une opportunité, les quatre institutions ont décidé il y a trois ans d'utiliser le même logiciel de payement des salaires. Ce qui permet aux équipe des ressources humaines de s'entendre sur les techniques, les mises à jour et de partager leur expertise. Au niveau informatique, nous allons bientôt publier l'avis de marché pour un Dossier patient informatisé (DPI) commun au réseau, dans le cadre d'un dialogue compétitif. L'objectif est d'implémenter le logiciel en septembre 2022. On s'attend à discuter avec une dizaine d'entreprises. Nous avons aussi réalisé un audit de la sécurité informatique de nos différentes institutions. Nous voulons avoir une "baseline" commune parce que nos institutions vont échanger de plus en plus des données entre elles. Pour les achats, nous avons établi une convention. Depuis le début 2021, tous nos hôpitaux sont membres de l'Acah, la centrale de négociation pour les achats hospitaliers. Les acheteurs des hôpitaux échangent entre eux sur les opportunités et les cahiers des charges. Il y a une belle synergie. Tous vos hôpitaux construisent ou rénovent actuellement. Le fait d'être dans un réseau locorégional offre-t-il des avantages pour mener à bien ces chantiers souvent complexes? Didier Delval: Lorsque nous avons dû remettre nos dossiers de construction à la Région wallonne il y a deux ans, un critère dépendait de la participation à un réseau. Certains plans ont été revus dans l'esprit d'une éventuelle mutualisation ou du regroupement d'une activité non-médicale. Avant de réaliser des investissements importants, nous partageons nos réflexions. Nous avons tous construit des logipôles, en décidant que le logipôle d'un hôpital pouvait, le cas échéant, être le back-up d'un autre. Comment organisez-vous la prise de décision au sein du réseau? Organisez-vous des réunions par métier? Didier Delval: Le comité de direction du réseau rencontre chaque mois les différents groupes de travail (informatique, achat, ressources humaines, nursing, communication). Ils apportent des idées et puis ils y travaillent ensemble. Régulièrement, nous faisons un bilan de l'état d'avancement de tous les projets. Jean-Christophe Gautier: Nous collaborons déjà de cette façon pour les dossiers non-médicaux depuis pratiquement le début des discussions entre les trois institutions. En effet, quelques mois après nos premiers contacts, nous avions institué un comité stratégique (embryon du futur CA de Phare) et un comité de pilotage (réunissant les présidents des CA et les directeurs généraux des hôpitaux). Déjà à cette époque, divers groupes métiers avaient été créés et rapportaient au comité de pilotage. Quelle est la stratégie médicale de votre réseau? Certains sites hospitaliers vont-ils se spécialiser? Wissam Bou Sleiman, président du Collège des médecins-chefs: Notre objectif est de garder dans chaque institution une offre de proximité. De nombreuses réunions ont déjà été organisées pour rapprocher les responsables de service des différents hôpitaux. Le nombre de services à voir est élevé. Nous les regroupons par spécialité ou par pôle d'activités. Nous ne voulions pas que la démarche soit directive, mais souhaitions faire émerger les initiatives du terrain. Le corps médical craignait d'ailleurs qu'on lui impose des projets déjà formatés par les directions. Rappelons que dans notre réseau les hôpitaux ne sont pas spécialement proches géographiquement les uns des autres. Nos projets médicaux visent à améliorer la qualité de l'offre. Des gardes communes sont déjà mises sur pied dans certaines spécialités. Certains Glem se rassemblent. Des projets d'éducation des patients ont été lancés sur base de l'expertise de plusieurs services et hôpitaux. Nous élaborons actuellement des projets importants. Le réseau vous permet-il d'obtenir des appareils médicaux lourds dont vous ne disposez pas encore? Jean-Christophe Gautier: Le CHR Haute-Senne devrait bientôt avoir une RMN. Nous étions l'un des derniers hôpitaux qui n'en avait pas en Wallonie. Il y a quelques années, nous avons acheté en commun des Spect-CT. Wissam Bou Sleiman: Un grand projet d'appareillage lourd porté par plusieurs hôpitaux au sein de l'association Ariane est concrétisé. Les expertises se partagent déjà également sur l'appareillage médical plus léger, par exemple, certains endoscopes, les capsules vidéo... Didier Delval: À l'initiative des médecins, les services d'anatomopathologie cherchent également ensemble des solutions pour être plus efficients. Wissam Bou Sleiman: Comme le disait récemment Frank Vandenbroucke dans votre journal ( jdM n°2678), au sujet de la réforme hospitalière, il faut faire ressortir les expertises médicales pour améliorer la qualité de la prise en charge. Les médecins l'ont compris et veulent le faire au sein du réseau. Jean-Christophe Gautier: Nous avons également réfléchi à cette question fondamentale: faisons-nous tout à quatre? Finalement, nous avons élaboré une liste de critères simples et pertinents qui permettent rapidement de décider si un dossier sera réalisé pour l'entièreté du réseau ou juste entre quelques partenaires. Si un projet correspond à tous les critères, il est d'office porté par les quatre hôpitaux. Didier Delval: Cette méthodologie permet à un hôpital de jouer collectif dans l'équipe Phare ou de jouer en solo, sans être déloyal vis-à-vis de ses partenaires. Ce mécanisme offre une certaine sérénité dans un secteur hospitalier qui est parfois schizophrénique. Wissam Bou Sleiman: Tous ces projets ont un impact sur l'attractivité de nos hôpitaux vis-à-vis des médecins. De plus en plus les jeunes médecins veulent intégrer un véritable projet. Ils ne souhaitent plus juste venir exercer une activité en solo à l'hôpital. Le réseau peut proposer des projets plus importants parce que nous avons le potentiel humain et les moyens techniques, par exemple, en oncologie. Si nous prenons les forces de tous les hôpitaux, nous disposons d'un plateau intéressant pour toutes les pathologies oncologiques. Nous avons dans le réseau cinq RMN, de la radiothérapie, l'anapath, la recherche clinique... Cette offre permet d'intégrer des jeunes médecins dans un cadre motivant. Les médecins vont-ils bouger au sein du réseau? Didier Delval: Les patients et les médecins peuvent être appelés à se déplacer. Cependant, la crise sanitaire a démontré qu'il est possible de partager facilement des images médicales et des protocoles. La télémédecine a pris une ampleur importante. Grâce à Ariane, les médecins ne bougent pas mais les clichés et les protocoles circulent rapidement entre les trois hôpitaux. Il est possible de travailler en équipe sans bouger physiquement. Wissam Bou Sleiman: Certains médecins sur-spécialisés travaillent dans plusieurs hôpitaux. Si le projet est clair et pertinent, les médecins seraient prêts à se déplacer dans un réseau si cela apporte une plus-value à leur discipline et aux soins apportés aux patients. Ceux-ci seraient également disposés à bouger s'ils se rendent compte que la prise en charge qu'on leur offre est spécifique et de qualité. Didier Delval: Les chirurgies complexes continueront à être effectuées dans des centres de référence. La chaîne de soins restera multisitique et interhospitalière. Le réseau couvre tout de même 600.000 habitants. Il faut leur offrir la possibilité de se faire soigner à proximité sans devoir se déplacer loin de chez eux. L'accessibilité aux soins - qui est une valeur de notre réseau - ne doit pas être que financière, elle doit aussi être géographique. Jean-Christophe Gautier: Notre réseau est fort déployé. Il compte dix sites hospitaliers et douze polycliniques déployés sur 37 communes. C'est réellement un réseau de proximité. Fonctionner en réseau a-t-il été utile durant la crise sanitaire? Wissam Bou Sleiman: Au niveau de la direction médicale, nous échangions chaque jour les informations, de façon virtuelle, au sein du réseau. Nous avons pu partager les expertises dans l'utilisation de l'Ecmo aux soins intensifs. Des équipes sont venues installer des Ecmo sur d'autres sites. Nous avons rapidement mis en place des procédures efficaces pour le transfert des patients Covid entre nos hôpitaux. Les stocks des pharmacies ont été suivis de façon très rapprochée. Nous avons partagé du matériel, entre autres des respirateurs et du matériel de protection. Les médecins ont échangé entre eux pour savoir comment gérer les unités ou réagir face à une situation particulière. Cette dynamique se poursuit. Les médecins-chefs des hôpitaux continuent à discuter régulièrement entre eux sur le Covid, la logistique de vaccination et les bonnes pratiques. Jean-Christophe Gautier: Nous avons commencé notre réseau à trois en 2017: le CHR Haute-Senne, le Chwapi et Epicura. Nous avons un socle de valeurs bien établi: le pluralisme, le fonctionnement consensuel, des hôpitaux fusionnés et des pouvoirs organisateurs assez similaires. Nous avons rapidement pu discuter ensemble dans un climat de non-méfiance. Nous avons fixé les organes de gestion et les lignes rouges au niveau du poids de chacun dans le réseau. Un mécanisme de minorité de blocage a été mis en place pour les décisions vitales, par exemple la fermeture d'une activité. Les autres dossiers se gèrent à la majorité simple. En 2019, le CH de Mouscron a rejoint le réseau et légitimement, avec son regard neuf, a attiré notre attention sur certains points d'amélioration. Nous avons donc dû, durant une période d'une quinzaine de mois, réaligner les attentes des partenaires et les niveaux de maturité des uns et des autres par rapport au projet de réseau. Ces réalignements se sont notamment effectués au travers de la rédaction des différents règlements d'ordre intérieur, de l'élaboration des critères de décision relatifs aux projets qui relèvent du réseau Phare ou qui restent du ressort des hôpitaux. Finalement, tout le monde a fait preuve d'ouverture. Et nous sommes parvenus à créer du lien entre tous les partenaires en mettant en commun nos attentes et nos difficultés et en prenant tous conscience des réalités hospitalières des uns et des autres. Wissam Bou Sleiman: Nous sommes aussi très attentifs à bien collaborer avec la médecine générale et à associer les généralistes à certains projets en tant que partenaires solides du réseau. Didier Delval: Une généraliste, le Dr Anne Poupaert siège d'ailleurs dans le Conseil d'administration du Réseau Phare. Ce n'est pas que symbolique. Nous allons aussi en septembre intégrer les Conseils médicaux des hôpitaux dans la dynamique du réseau et les projets.