La presse a largement discuté récemment le cas de Vincent Lambert et de l'arrêt d'un traitement qui n'a plus de sens. Certains ont parlé d'arrêt des soins, un terme qui m'irrite personnellement, car les soins ne devraient jamais être arrêtés, quel que soit le contexte.
Il y a près de 20 ans, c'était le cas de Vincent Humbert qui avait initié un changement législatif important en France. Ce jeune garçon tétraplégique, aphasique et quasiment aveugle après un accident de la route disposait de ses facultés intellectuelles. Il avait demandé le droit de mourir au président de la république qui avait reconnu son impuissance, et c'est sa maman qui avait exaucé son voeu en pratiquant son euthanasie en 2003. Le procès avait heureusement abouti à un non-lieu. Cette histoire avait été le catalyseur de la première loi Leonetti votée en 2005. J'avais d'ailleurs rencontré Jean Leonetti à l'ambassade de France à Bruxelles, où il était venu nous consulter. A partir de ce moment, les médecins ont pu décider collégialement "de limiter ou d'arrêter un traitement inutile disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie". C'était une loi très attendue, qui a été accueillie avec soulagement par les équipes de soins intensifs en France, et que nous souhaitions avoir en Belgique.
La nouvelle loi Claeys-Leonetti de février 2016 a été plus loin, en prévoyant explicitement une sédation profonde et continue en phase terminale, dans l'idée de faire spécifiquement opposition à l'acharnement thérapeutique, encore appelé aujourd'hui 'obstination thérapeutique déraisonnable'. Cette loi fournit aux praticiens la possibilité légale de mise en oeuvre d'une fin de vie dans la dignité, en indiquant : "Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie."
Vincent Lambert et Vincent Humbert
Le cas plus récent de Vincent Lambert est à la fois semblable est différent de celui de Vincent Humbert: Semblable puisqu'il s'agissait aussi d'un problème de tétraplégie après un accident de la route plusieurs années auparavant mais différent dans la mesure où Vincent Lambert était en état végétatif et donc incapable d'exprimer ses volontés. De plus, il y a ici comme nous le savons un antagonisme entre les différents membres d'une famille déchirée, où les parents en particulier sont opposés à toute mesure active qui serait contraire à leurs idées religieuses que je qualifierai de réfractaires.
Que l'on ne se trompe pas, la loi française peut être laissée en dehors de tout ceci. Le texte de la loi Claeys-Leonetti prévoit spécifiquement la possibilité d'appliquer une sédation profonde et continue jusqu'au décès lorsque le patient n'est plus en état d'exprimer sa volonté. La France n'est pas en retard sur nous dans ce domaine précis, que du contraire. Les intensivistes aimeraient pouvoir bénéficier d'une telle protection. L'acharnement thérapeutique n'est même plus discuté dans le code de déontologie de l'ordre des médecins alors que l'ancien code de 1975 précisait seulement que 'l'acharnement thérapeutique doit être évité', sans autre détail.
Directives anticipées
Les réanimateurs belges représentés par la Société belge de soins intensifs se sont prononcés en faveur de la possibilité d'installer une sédation terminale ('end of life in the intensive care unit : Statement of the Belgian Society of Intensive Care Medicine. Journal of Critical Care 29:174, 2014) ; un texte émanent d'une société scientifique n'a évidemment pas force de loi.
Notre législation belge est résolument centrée sur le patient capable de s'exprimer, et néglige les nombreux cas de ceux et celles qui ont perdu leurs facultés intellectuelles, sans doute en partie par crainte d'abus.
Les directives anticipées n'apportent pas la bonne réponse, puisqu'on ne peut prévoir tous les cas de figure ni anticiper notre propre attitude si nous devions nous retrouver dans une situation d'handicap grave. Et puis finalement, qui désirerait l'acharnement thérapeutique ? N'est-ce pas comme si chacun avait signé un tel document demandant qu'on ne poursuive pas un traitement qui n'a plus de sens ? C'est peut-être ceux-là mêmes qui désireraient une poursuite de traitement irraisonnable qui devraient remplir des directives anticipées si notre société reconnaissait plus clairement que les médecins doivent éviter l'acharnement thérapeutique. Comme c'est le cas en France.
Il y a près de 20 ans, c'était le cas de Vincent Humbert qui avait initié un changement législatif important en France. Ce jeune garçon tétraplégique, aphasique et quasiment aveugle après un accident de la route disposait de ses facultés intellectuelles. Il avait demandé le droit de mourir au président de la république qui avait reconnu son impuissance, et c'est sa maman qui avait exaucé son voeu en pratiquant son euthanasie en 2003. Le procès avait heureusement abouti à un non-lieu. Cette histoire avait été le catalyseur de la première loi Leonetti votée en 2005. J'avais d'ailleurs rencontré Jean Leonetti à l'ambassade de France à Bruxelles, où il était venu nous consulter. A partir de ce moment, les médecins ont pu décider collégialement "de limiter ou d'arrêter un traitement inutile disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie". C'était une loi très attendue, qui a été accueillie avec soulagement par les équipes de soins intensifs en France, et que nous souhaitions avoir en Belgique.La nouvelle loi Claeys-Leonetti de février 2016 a été plus loin, en prévoyant explicitement une sédation profonde et continue en phase terminale, dans l'idée de faire spécifiquement opposition à l'acharnement thérapeutique, encore appelé aujourd'hui 'obstination thérapeutique déraisonnable'. Cette loi fournit aux praticiens la possibilité légale de mise en oeuvre d'une fin de vie dans la dignité, en indiquant : "Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie."Le cas plus récent de Vincent Lambert est à la fois semblable est différent de celui de Vincent Humbert: Semblable puisqu'il s'agissait aussi d'un problème de tétraplégie après un accident de la route plusieurs années auparavant mais différent dans la mesure où Vincent Lambert était en état végétatif et donc incapable d'exprimer ses volontés. De plus, il y a ici comme nous le savons un antagonisme entre les différents membres d'une famille déchirée, où les parents en particulier sont opposés à toute mesure active qui serait contraire à leurs idées religieuses que je qualifierai de réfractaires.Que l'on ne se trompe pas, la loi française peut être laissée en dehors de tout ceci. Le texte de la loi Claeys-Leonetti prévoit spécifiquement la possibilité d'appliquer une sédation profonde et continue jusqu'au décès lorsque le patient n'est plus en état d'exprimer sa volonté. La France n'est pas en retard sur nous dans ce domaine précis, que du contraire. Les intensivistes aimeraient pouvoir bénéficier d'une telle protection. L'acharnement thérapeutique n'est même plus discuté dans le code de déontologie de l'ordre des médecins alors que l'ancien code de 1975 précisait seulement que 'l'acharnement thérapeutique doit être évité', sans autre détail.Les réanimateurs belges représentés par la Société belge de soins intensifs se sont prononcés en faveur de la possibilité d'installer une sédation terminale ('end of life in the intensive care unit : Statement of the Belgian Society of Intensive Care Medicine. Journal of Critical Care 29:174, 2014) ; un texte émanent d'une société scientifique n'a évidemment pas force de loi.Notre législation belge est résolument centrée sur le patient capable de s'exprimer, et néglige les nombreux cas de ceux et celles qui ont perdu leurs facultés intellectuelles, sans doute en partie par crainte d'abus.Les directives anticipées n'apportent pas la bonne réponse, puisqu'on ne peut prévoir tous les cas de figure ni anticiper notre propre attitude si nous devions nous retrouver dans une situation d'handicap grave. Et puis finalement, qui désirerait l'acharnement thérapeutique ? N'est-ce pas comme si chacun avait signé un tel document demandant qu'on ne poursuive pas un traitement qui n'a plus de sens ? C'est peut-être ceux-là mêmes qui désireraient une poursuite de traitement irraisonnable qui devraient remplir des directives anticipées si notre société reconnaissait plus clairement que les médecins doivent éviter l'acharnement thérapeutique. Comme c'est le cas en France.