Le 3 avril 2025, à l'occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, le Délégué général aux droits de l'enfant (DGDE) publiait un avis accablant : diagnostic tardif, inégalités géographiques et sociales, manque de soutien aux familles, sous-diagnostic des filles... Son rapport, intitulé "Enfants autistes : grandir avec les autres", dénonce des violations systémiques des droits fondamentaux des enfants atteints de troubles du spectre de l'autisme (TSA) en Fédération Wallonie-Bruxelles. Deux semaines plus tard, l'interpellation parlementaire de la députée Leila Agic (PS) a replacé la question au coeur de la Commission Santé du Parlement de la Communauté française.

Le ministre Yves Coppieters y a présenté une série de mesures prévues pour 2025, notamment le renforcement de centres de référence, la création d'unités spécialisées et le soutien à des projets d'inclusion. Si la volonté politique semble affichée, les professionnels de terrain, comme les familles, continuent de pointer un manque de coordination, de moyens et de formation. L'autisme reste aujourd'hui un révélateur des inégalités structurelles de notre système de soins.

Un accès encore trop inégal au diagnostic

Le ministre Coppieters reconnaît les difficultés d'accès au diagnostic, en particulier dans les zones rurales et pour les familles aux revenus modestes. Il rappelle que "la Déclaration de politique régionale (DPR) a prévu le renforcement de deux centres de référence en autisme", et que l'Aviq est en train de finaliser une proposition concrète à ce sujet. Ces centres ont pour mission de poser un diagnostic, mais aussi de coordonner les prises en charge qui suivent : services d'accompagnement, accueil de jour, institutions de répit, centres de revalidation, établissements scolaires adaptés.

Cette chaîne d'acteurs, déjà sous tension, est loin d'être homogène sur l'ensemble du territoire. "Trois nouveaux centres de revalidation pédopsychiatriques ont été créés depuis 2021, à Charleroi, La Louvière et Libramont, dont deux spécifiquement pour les enfants atteints de TSA", note le ministre. Mais cela reste insuffisant pour couvrir les besoins croissants : l'un des constats les plus forts du DGDE est en effet que la prévalence de l'autisme est en augmentation constante.

Coordination des soins : le maillon faible

Le rapport du DGDE met l'accent sur un point souvent soulevé par les médecins : la difficulté d'orchestrer un parcours cohérent, dès lors que les acteurs concernés (santé, éducation, handicap, secteur associatif) relèvent de niveaux de pouvoir différents. Yves Coppieters en convient : "La question du handicap, et de l'autisme en particulier, doit s'inscrire dans une logique de transversalité. Nous avons entamé des discussions avec mes collègues du gouvernement, notamment les ministres Glatigny et Degryse."

Leila Agic appelle de ses voeux une approche "coordonnée, ambitieuse et articulée par une politique inclusive et de soutien structurel aux familles". Sur ce terrain, l'exemple du projet TEDDI (porté par le Service universitaire spécialisé pour personnes avec autisme - Susa, un service au départ rattaché à l'UMons et qui a grandi pour disposer de plusieurs implantations en Wallonie et à Bruxelles - en partenariat avec l'ONE et l'Aviq) est mis en avant comme bonne pratique. Il vise à favoriser l'inclusion des enfants à besoins spécifiques dans les milieux d'accueil.

"Si beaucoup de choses sont entreprises, il reste encore des familles sans accès aux outils existants. Il faudra être vigilant", estime Leila Agic.

Des problématiques diverses

Le ministre reconnaît d'abord une problématique persistante : celle du sous-diagnostic des filles. "Plusieurs études montrent qu'elles doivent présenter des symptômes plus marqués, voire des déficits intellectuels supplémentaires, pour être diagnostiquées. À caractéristiques similaires, les garçons sont plus souvent repérés." Cette tendance est bien documentée dans la littérature scientifique, notamment en raison de stéréotypes tenaces sur les compétences sociales des filles et d'une symptomatologie parfois plus internalisée.

Parmi les solutions envisagées : la sensibilisation accrue des professionnels, une adaptation des outils de dépistage, et un travail de fond sur les représentations genrées dans le secteur médical et éducatif. Le ministre insiste : "Il faut briser les stéréotypes à tous les niveaux."

Ensuite, le volet psychologique et social de l'accompagnement reste souvent le parent pauvre du dispositif. "Je souhaite prolonger la mesure prévue dans le plan de relance pour l'offre de répit", indique le ministre, qui mentionne aussi la création d'une unité dédiée aux jeunes avec TSA dans les services résidentiels pour jeunes (SRJ) et la reconnaissance d'un service d'accueil spécialisé de jour.

Autre initiative saluée : la pérennisation de la ligne d'écoute "Léa", une plateforme téléphonique composée majoritairement de bénévoles formés à l'écoute active et aux spécificités de l'autisme. Depuis mai 2024, un centre de ressources sur l'autisme est également agréé par l'Aviq.

Mais la députée Agic insiste : "Il reste des familles qui n'ont pas accès à ces outils. Elles nous interpellent." Elle exhorte le gouvernement de la FWB à ne pas relâcher l'effort, notamment en matière budgétaire.

Un enjeu transversal pour le monde médical

Le débat parlementaire n'élude pas la place des médecins, qui jouent un rôle charnière dans la détection, l'orientation et parfois même l'accompagnement des enfants autistes. Or, leur implication se heurte à des freins concrets : manque de temps, absence de filière claire, frustration face à des situations inextricables. Le renforcement de la formation sur le TSA, dès les cursus de base en santé, est évoqué par le ministre : "Il faut renforcer la formation des futurs professionnels de la santé dans l'enseignement supérieur et universitaire."

Cette formation devrait inclure non seulement des repères diagnostiques, mais aussi une culture de la collaboration intersectorielle, aujourd'hui largement absente. L'enjeu : offrir aux médecins des outils pour ne pas se retrouver isolés face à la complexité croissante des parcours d'enfants TSA.

Le 3 avril 2025, à l'occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, le Délégué général aux droits de l'enfant (DGDE) publiait un avis accablant : diagnostic tardif, inégalités géographiques et sociales, manque de soutien aux familles, sous-diagnostic des filles... Son rapport, intitulé "Enfants autistes : grandir avec les autres", dénonce des violations systémiques des droits fondamentaux des enfants atteints de troubles du spectre de l'autisme (TSA) en Fédération Wallonie-Bruxelles. Deux semaines plus tard, l'interpellation parlementaire de la députée Leila Agic (PS) a replacé la question au coeur de la Commission Santé du Parlement de la Communauté française.Le ministre Yves Coppieters y a présenté une série de mesures prévues pour 2025, notamment le renforcement de centres de référence, la création d'unités spécialisées et le soutien à des projets d'inclusion. Si la volonté politique semble affichée, les professionnels de terrain, comme les familles, continuent de pointer un manque de coordination, de moyens et de formation. L'autisme reste aujourd'hui un révélateur des inégalités structurelles de notre système de soins.Le ministre Coppieters reconnaît les difficultés d'accès au diagnostic, en particulier dans les zones rurales et pour les familles aux revenus modestes. Il rappelle que "la Déclaration de politique régionale (DPR) a prévu le renforcement de deux centres de référence en autisme", et que l'Aviq est en train de finaliser une proposition concrète à ce sujet. Ces centres ont pour mission de poser un diagnostic, mais aussi de coordonner les prises en charge qui suivent : services d'accompagnement, accueil de jour, institutions de répit, centres de revalidation, établissements scolaires adaptés.Cette chaîne d'acteurs, déjà sous tension, est loin d'être homogène sur l'ensemble du territoire. "Trois nouveaux centres de revalidation pédopsychiatriques ont été créés depuis 2021, à Charleroi, La Louvière et Libramont, dont deux spécifiquement pour les enfants atteints de TSA", note le ministre. Mais cela reste insuffisant pour couvrir les besoins croissants : l'un des constats les plus forts du DGDE est en effet que la prévalence de l'autisme est en augmentation constante.Le rapport du DGDE met l'accent sur un point souvent soulevé par les médecins : la difficulté d'orchestrer un parcours cohérent, dès lors que les acteurs concernés (santé, éducation, handicap, secteur associatif) relèvent de niveaux de pouvoir différents. Yves Coppieters en convient : "La question du handicap, et de l'autisme en particulier, doit s'inscrire dans une logique de transversalité. Nous avons entamé des discussions avec mes collègues du gouvernement, notamment les ministres Glatigny et Degryse."Leila Agic appelle de ses voeux une approche "coordonnée, ambitieuse et articulée par une politique inclusive et de soutien structurel aux familles". Sur ce terrain, l'exemple du projet TEDDI (porté par le Service universitaire spécialisé pour personnes avec autisme - Susa, un service au départ rattaché à l'UMons et qui a grandi pour disposer de plusieurs implantations en Wallonie et à Bruxelles - en partenariat avec l'ONE et l'Aviq) est mis en avant comme bonne pratique. Il vise à favoriser l'inclusion des enfants à besoins spécifiques dans les milieux d'accueil.Le ministre reconnaît d'abord une problématique persistante : celle du sous-diagnostic des filles. "Plusieurs études montrent qu'elles doivent présenter des symptômes plus marqués, voire des déficits intellectuels supplémentaires, pour être diagnostiquées. À caractéristiques similaires, les garçons sont plus souvent repérés." Cette tendance est bien documentée dans la littérature scientifique, notamment en raison de stéréotypes tenaces sur les compétences sociales des filles et d'une symptomatologie parfois plus internalisée.Parmi les solutions envisagées : la sensibilisation accrue des professionnels, une adaptation des outils de dépistage, et un travail de fond sur les représentations genrées dans le secteur médical et éducatif. Le ministre insiste : "Il faut briser les stéréotypes à tous les niveaux."Ensuite, le volet psychologique et social de l'accompagnement reste souvent le parent pauvre du dispositif. "Je souhaite prolonger la mesure prévue dans le plan de relance pour l'offre de répit", indique le ministre, qui mentionne aussi la création d'une unité dédiée aux jeunes avec TSA dans les services résidentiels pour jeunes (SRJ) et la reconnaissance d'un service d'accueil spécialisé de jour.Autre initiative saluée : la pérennisation de la ligne d'écoute "Léa", une plateforme téléphonique composée majoritairement de bénévoles formés à l'écoute active et aux spécificités de l'autisme. Depuis mai 2024, un centre de ressources sur l'autisme est également agréé par l'Aviq.Mais la députée Agic insiste : "Il reste des familles qui n'ont pas accès à ces outils. Elles nous interpellent." Elle exhorte le gouvernement de la FWB à ne pas relâcher l'effort, notamment en matière budgétaire.Le débat parlementaire n'élude pas la place des médecins, qui jouent un rôle charnière dans la détection, l'orientation et parfois même l'accompagnement des enfants autistes. Or, leur implication se heurte à des freins concrets : manque de temps, absence de filière claire, frustration face à des situations inextricables. Le renforcement de la formation sur le TSA, dès les cursus de base en santé, est évoqué par le ministre : "Il faut renforcer la formation des futurs professionnels de la santé dans l'enseignement supérieur et universitaire."Cette formation devrait inclure non seulement des repères diagnostiques, mais aussi une culture de la collaboration intersectorielle, aujourd'hui largement absente. L'enjeu : offrir aux médecins des outils pour ne pas se retrouver isolés face à la complexité croissante des parcours d'enfants TSA.