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Une fois n'est pas coutume. Il ne sera pas question dans cet article d'une technique insolite ou complètement neuve mais plutôt d'une utilisation détournée d'un procédé bien connu, notamment dans le traitement du cancer de la prostate, à savoir la sonde à ultrasons.Et c'est le professeur Gil Dubernard, chef du service de gynécologie obstétrique de l'hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, qui a eu l'idée de ce détournement du Focal One pour traiter l'endométriose des femmes.Caractérisée par la présence, en dehors de l'utérus, d'une muqueuse utérine (endomètre) qui réagit aux hormones lors des cycles menstruels, ce qui entraîne des douleurs parfois très vives pendant les règles et les rapports sexuels, cette maladie, en plus d'abîmer les ovaires, peut aussi affecter de manière sévère le système digestif, au niveau du rectum et des intestins. Chez une patiente sur cinq, les symptômes se traduisent ainsi par des crampes, des saignements, des constipations mais aussi " des faux besoins ".Certes, des médicaments peuvent venir à la rescousse mais il arrive qu'ils ne soient pas suffisants et que seule une intervention chirurgicale puisse permettre d'enrayer la maladie. Seulement voilà, il s'agit d'une opération invasive, lourde, mutilante, qui dure entre 4 et 6 heures, nécessite 7 à 10 jours d'hospitalisation, suivis d'un arrêt de travail allant d'un à trois mois, et qui peut entraîner des complications : problèmes pour uriner, risque important de fistule, ablation d'un bout de l'intestin, voire la pose d'un anus artificiel pour quelques mois.C'est donc pour éviter de tels effets secondaires et passer outre une hospitalisation que le Pr Dubernard a mis au point un procédé révolutionnaire : introduire une sonde dans le rectum des patientes, sous anesthésie locale, et, via cette sonde, envoyer des ultrasons (entre 20 000 et 10 000 000 hertz) en direction des lésions endométriosiques (nodules) qui font la taille d'un grain de riz et qui ont préalablement été localisées grâce à une échographie.Responsables de la maladie, les nodules qui se développent entre l'utérus et le rectum et qui sont difficiles à atteindre sans faire des dégâts, sont alors dévitalisés par tranches successives grâce à un effet thermique, la température atteignant localement, au point focal des ultrasons, jusqu'à 95 degrés.Depuis un an et demi, Gil Dubernard mène une étude aux premiers résultats encourageants. Dix patientes de plus de 25 ans et n'ayant pas de projet de grossesse dans les trois mois qui suivent le traitement ont bénéficié de la procédure. Cinq d'entre elles ont déjà été traitées avec succès. Le changement est radical. Les chercheurs ont constaté une diminution significative de leurs symptômes douloureux et aucun effet secondaire n'a été observé.Il est vrai que cette nouvelle alternative à la chirurgie présente de multiples avantages. Les patientes sont hospitalisées la veille de l'intervention. L'opération, sans aucun bistouri, est indolore et elle ne dure que quelques minutes. Les patientes repartent dès le lendemain sans problème pour uriner, sans stomie, avec un risque moindre de fistule et sans danger pour leur fertilité, les médecins ne touchant pas à l'utérus. Et, en cas de récidive, le traitement peut être renouvelé.Autre atout du dispositif : l'appareil utilisé est d'ores et déjà homologué par les autorités sanitaires. "Dans le monde, 45 000 patients ont été traités avec pour des cancers", précise le Pr Dubernard.Bref, cette méthode qui n'a encore jamais été utilisée ailleurs qu'en France, pourrait représenter une véritable révolution pour les millions de femmes atteintes d'endométriose digestive dans le monde...Luc Ruidant