Cinq thématiques ont été balayées lors du débat organisé à trois jours des élections par santhea. Autour de la table, Laurent Heyvaert (Ecolo), Thierry Lessire (Défi), Pierre-Yves Dermagne (PS), Lucien Bodson (les Engagés) et Richard Fournaux (MR) ont, une dernière fois sans doute avant dimanche, abordé les différences entre leurs partis - quand il y en a - concernant la santé.
Une enquête a été lancée par santhea auprès de ses membres pour recenser les plus grandes difficultés vécues durant l'actuelle législature. Cinq thématiques sont ressorties : la privatisation du secteur des soins qui menace l'accessibilité, la pénurie, la réforme du paysage hospitalier, le sous-financement des institutions, et la 6e réforme de l'État.
Privatisation et accessibilité
C'est le ministre de l'Emploi et vice-premier ministre, Pierre-Yves Dermagne, qui se lance le premier, tentant de jeter un pavé dans la marre : "L'accessibilité aux soins de santé sera une des conséquences des élections. L'accessibilité aux soins de santé et la norme de croissance sont liées. Il faut dégager un budget, sinon il n'y à rien à discuter." Sans réponse du MR tout au long du débat sur cette norme de croissance, le Rochefortois embraye : "On ne veut pas d'une médecine à deux vitesses. Cela passe par le conventionnement. Il faut revoir la copie car il y a un mouvement de déconventionnement."
Du côté des Engagés, le Dr Lucien Bodson, fort de sa carrière urgentiste au CHU de Liège, comprend ses confrères qui peuvent gagner "deux à trois fois plus dans le privé". "Cependant, il faut avoir une discussion concernant le conventionnement."
Thierry Lessire, infirmier indépendant, porte la parole de Défi : "Nous sommes contre les suppléments d'honoraires et nous voulons éviter une médecine à deux vitesses."
Le député provincial namurois Richard Fournaux (MR), a tenu a rappelé qu'il n'était pas un spécialiste de la santé, mais connaît ce "vieux débat". "Il faut éviter la fuite des médecins qui nuit à l'hôpital et fiche en l'air le système des soins. L'hôpital doit vivre. Concernant la médecine à deux vitesses, il faut reconnaître que certains médecins s'investissent plus que d'autres et ils en font bénéficier le système de soins. Ils doivent en être récompensés par le biais d'une surfacturation."
"Ce n'est pas nouveau", reconnaît finalement Laurent Heyvaert, député régional pour Ecolo, qui souligne également que la question de la norme budgétaire est un préalable à toute initiative de politique de santé. "Concernant les suppléments d'honoraires, je suis pour une rémunération correcte des médecins, mais pas au prix de l'accessibilité des soins. Il ne faut pas tout chambouler, mais faire évoluer le système de manière durable."
Pénurie des soignants
On le sait, la problématique est connue et touche toutes les professions de soins : la pénurie fait rage. Des budgets ont été dégagés durant cette législature (Fonds blouses blanches, IFIC), mais la problématique perdure.
"La crise du covid a fait réfléchir beaucoup de soignants, et a provoqué de nombreux burn out chez les soignants", analyse Thierry Lessire. "Les solutions de l'actuelle législature, particulièrement pour les infirmiers, ne sont pas les bonnes. L'augmentation des années de formation décourage les candidats. Il faut revaloriser les salaires, revoir les barèmes IFIC. On n'a pas vu les effets du Fonds blouses blanches. Il faut se concerter avec les professions de santé pour cerner les vrais besoins. C'est un point important pour notre parti."
"Il faut attirer et conserver les soignants. Pour ce faire, il faut revaloriser certaines professions. Et augmenter la norme d'encadrement des professionnels de l'art infirmier. Il s'agit des chevilles ouvrières de nos hôpitaux", estime Lucien Bodson qui rappelle que les hôpitaux ont dû fermer des services par manque de personnel.
"Les causes de la pénurie des métiers du care sont multifactorielles", analyse Pierre-Yves Dermagne. "La rémunération n'est pas assez élevée, la norme d'encadrement n'est pas suffisante, il manque d'un cadre réglementaire pour identifier les éléments de pénibilités et les risques sociaux accrus du secteur du care. On sait où il faut agir."
"Les inscriptions aux études infirmières ont fondu comme neige au soleil", témoigne Richard Fournaux qui a l'enseignement dans son portefeuille. "Mais elles repartent aujourd'hui à la hausse, il y a donc de l'optimisme. On critique beaucoup la Vivaldi, mais beaucoup d'investissements ont été réalisés. Au sein du MR, les discussions ont été rudes sur la problématique des pensions. Il en est sorti que nous devons aujourd'hui reconnaître que le métier d'infirmier est un métier avec un degré de pénibilité. Cela améliorera l'accessibilité à la profession."
"Les professionnels de l'art infirmier sont la colonne vertébrale de la santé. Nous avons travaillé sur un plan d'attractivité et de rétention", explique Laurent Heyvaert. "Ce plan contient une cinquantaine de mesures, de la rémunération au bien-être au travail. Le plan a été soumis au Bureau du plan. Il a été chiffré et nous sommes prêts à en discuter dans le cadre d'une constitution de majorité."
Réseaux et intégration des soins
Comment améliorer l'intégration entre première ligne et deuxième ligne qui communiquent à travers trop de canaux qui tantôt se chevauchent, tantôt se distinguent (SISD, réseaux hospitaliers, cercles, réseaux 107, etc.).
"Il faut se concerter pour avancer", avance Thierry Lessire. "Il faut également miser sur davantage de soins de santé collectifs, à l'instar de ce qui est pratiqué en maisons médicales."
Pour le Dr Bodson, la clé est la communication. "Il faut la même structure de dossier médical dans chaque institution hospitalière", estime-t-il, très sévère avec les outils informatiques aujourd'hui déployés. "Le RSW est à moitié réussi à cause de la grille d'accès. Le Sumehr ajoute du travail au médecin et est donc généralement vide. Le DMG est également mal fait. Il faut tout réformer pour mieux communiquer, car pour le moment, on communique mal."
Pour Pierre-Yves Dermagne, le travail en réseau est nécessaire. "C'est un truisme de le dire. Les réseaux ont été bien faits en Wallonie par rapport à la Flandre, où c'est moins rationnel. Tout n'est pas parfait, mais c'est plus rationnel. Les découpages géographiques des services sont différents et ce n'est pas surprenant car il y a différents bassins de soins avec différents besoins. Il manque une cartographie : celle des déserts médicaux. La solution, effectivement, passe par une meilleure communication, davantage de soins forfaitaires, la simplification du travail administratif. Les outils existent, il faut les améliorer et non réinventer l'eau chaude."
"Le travail en réseau et en collaboration paraît aujourd'hui normal, mais il y a encore cinq ans, tout le monde n'était pas convaincu", rappelle Laurent Heyvaert. "Le chemin ouvert par Proxisanté constitue une première étape, mais le travail n'est pas terminé. Il faut continuer à avancer avec les acteurs et non imposer une manière de travailler ensemble. Il faut qu'il y ait, par ailleurs, un pied d'égalité entre première ligne et deuxième ligne pour travailler sereinement."
Richard Fournaux est d'accord avec ses collègues sur ce point, et particulièrement avec Pierre-Yves Dermagne sur le découpage des services de première ligne. "Faut-il que toutes les cartes se superposent ? Non. Il y a des spécificités, surtout dans les soins de santé."
Sous-financement des institutions
Les coûts augmentent et le financement ne suit pas l'augmentation des coûts. 70% des hôpitaux sont dans le rouge. Quelle est la solution ? Pour le Dr Bodson, il faut que l'Etat intervienne : "En 2008, en 48 heures, l'État a trouvé 20 milliards d'euros pour sauver les banques. Aujourd'hui, le secteur de la santé est au bord du gouffre. L'État doit trouver des fonds. La santé est une grande priorité."
Thierry Lessire est d'accord : "Il faut faire un grand financement one shot et non financer au compte-gouttes."
Pierre-Yves Dermagne rappelle, quant à lui, l'importance de la norme de croissance. "La norme de croissance des soins de santé doit correspondre aux estimations du Bureau du plan, soit minimum 3%. Sinon, c'est la catastrophe. Passer d'un financement à l'acte à un financement forfaitaire, en tenant compte de la réalité de terrain, est une solution. Il faut accepter des choix difficiles, avec le traitement de certaines pathologies sur un territoire donné. Il faut cependant tenir compte des réalités de terrain. L'éléphant dans la pièce, c'est le poids des anciens agents statutaires. Il faut avoir un débat fédéral sur le sujet. Pour moi, le seul moyen d'intervenir est une réforme du fonds solidarisé du financement des pensions des agents statutaires. La Flandre est aussi concernée par ce sujet. Dernier élément: je ne crois pas à une réfédéralisation, par contre, il y a des choses à faire côté francophone. Il faut concentrer les matières de santé au sein d'un même pouvoir. La question des hôpitaux universitaires reste plus complexe, mais concernant la médecine du sport et la petite enfance, c'est facile."
Encore un point sur lequel le rejoint Richard Fournaux: "Il n'y aura pas de réforme de l'État. Mais avec des accords de coopération, des solutions sont possibles. Il faut être intelligent. Je suis également d'accord concernant les pensions statutaires. C'est un grand problème. Il faut trouver une solution structurelle, sinon on étouffera les pouvoirs locaux."
"La santé est sous pression, mais ce n'est pas le seul secteur sous pression", rappelle le député Ecolo. "Nos structures doivent s'adapter. Cela a un coût. La sécurité sociale, pour les soins, doit pouvoir dégager des marges pour faire face aux coûts externes. La norme de croissance permet de prévoir. Toute entreprise a besoin de prévisibilité."
La réforme de l'État
Dernier point abordé : la lasagne institutionnelle, et l'absence d'une politique cohérente. Faut-il aller vers une 7e réforme de l'État ? "Je peux simplement poser le constat que c'était très compliqué pendant le covid", réagit Lucien Bodson. "Si on réforme, il faut que cela soit pour une meilleure communication."
"La position de Défi est de réfédéraliser les soins pour diminuer les couches de pouvoir qui diluent l'efficacité des actions politiques. Surtout dans les domaines du dépistage, de la prévention, et de promotion de santé", avance pour sa part Thierry Lessire.
"Il est nécessaire de corriger les incohérences de la 6e réforme de l'État, portées par certaines certitudes nationalistes du genre 'Ce que nous faisons nous même, nous le faisons mieux'. Mais je ne vois pas aujourd'hui, côté flamand, quel parti serait d'accord pour une réfédéralisation. Les partis en tête des sondages aujourd'hui prônent l'indépendance de la Flandre ou le confédéralisme. Sauf concernant les catastrophes naturelles, où ils sont d'accord de refédéraliser. Il faut leur reconnaître une certaine cohérence politique car ce projet est écrit depuis 1999 en Flandre. On doit être préparés, exigeants, et mener des réflexions pour mieux organiser les choses entre francophones. Effectuons d'abord le travail chez nous, dans l'espace francophone. Une 7e réforme de l'État irait vers plus de privatisation, ce serait dangereux pour nous, mais il faut s'y préparer."
S'y préparer, c'est justement ce qu'a fait Ecolo, qui bénéficie du soutien de Groen! côté flamand. "Le grand principe est d'aller vers un institut du futur : discuter des grandes orientations au niveau fédéral, et opérationnaliser au niveau régional."
"Les électeurs francophones ont par le passé voté en masse pour qu'on ait nos institutions francophones", rappelle Richard Fournaux. "Les électeurs ont aujourd'hui ce qu'ils voulaient avoir. La 7e réforme de l'état, je ne pense qu'elle se fera de mon vivant car cela n'est pas si simple. La priorité, aujourd'hui, est de régler les incohérences côté francophone. Il faut avoir le courage de réformer."
Une enquête a été lancée par santhea auprès de ses membres pour recenser les plus grandes difficultés vécues durant l'actuelle législature. Cinq thématiques sont ressorties : la privatisation du secteur des soins qui menace l'accessibilité, la pénurie, la réforme du paysage hospitalier, le sous-financement des institutions, et la 6e réforme de l'État. Privatisation et accessibilitéC'est le ministre de l'Emploi et vice-premier ministre, Pierre-Yves Dermagne, qui se lance le premier, tentant de jeter un pavé dans la marre : "L'accessibilité aux soins de santé sera une des conséquences des élections. L'accessibilité aux soins de santé et la norme de croissance sont liées. Il faut dégager un budget, sinon il n'y à rien à discuter." Sans réponse du MR tout au long du débat sur cette norme de croissance, le Rochefortois embraye : "On ne veut pas d'une médecine à deux vitesses. Cela passe par le conventionnement. Il faut revoir la copie car il y a un mouvement de déconventionnement."Du côté des Engagés, le Dr Lucien Bodson, fort de sa carrière urgentiste au CHU de Liège, comprend ses confrères qui peuvent gagner "deux à trois fois plus dans le privé". "Cependant, il faut avoir une discussion concernant le conventionnement." Thierry Lessire, infirmier indépendant, porte la parole de Défi : "Nous sommes contre les suppléments d'honoraires et nous voulons éviter une médecine à deux vitesses."Le député provincial namurois Richard Fournaux (MR), a tenu a rappelé qu'il n'était pas un spécialiste de la santé, mais connaît ce "vieux débat". "Il faut éviter la fuite des médecins qui nuit à l'hôpital et fiche en l'air le système des soins. L'hôpital doit vivre. Concernant la médecine à deux vitesses, il faut reconnaître que certains médecins s'investissent plus que d'autres et ils en font bénéficier le système de soins. Ils doivent en être récompensés par le biais d'une surfacturation.""Ce n'est pas nouveau", reconnaît finalement Laurent Heyvaert, député régional pour Ecolo, qui souligne également que la question de la norme budgétaire est un préalable à toute initiative de politique de santé. "Concernant les suppléments d'honoraires, je suis pour une rémunération correcte des médecins, mais pas au prix de l'accessibilité des soins. Il ne faut pas tout chambouler, mais faire évoluer le système de manière durable."Pénurie des soignantsOn le sait, la problématique est connue et touche toutes les professions de soins : la pénurie fait rage. Des budgets ont été dégagés durant cette législature (Fonds blouses blanches, IFIC), mais la problématique perdure."La crise du covid a fait réfléchir beaucoup de soignants, et a provoqué de nombreux burn out chez les soignants", analyse Thierry Lessire. "Les solutions de l'actuelle législature, particulièrement pour les infirmiers, ne sont pas les bonnes. L'augmentation des années de formation décourage les candidats. Il faut revaloriser les salaires, revoir les barèmes IFIC. On n'a pas vu les effets du Fonds blouses blanches. Il faut se concerter avec les professions de santé pour cerner les vrais besoins. C'est un point important pour notre parti.""Il faut attirer et conserver les soignants. Pour ce faire, il faut revaloriser certaines professions. Et augmenter la norme d'encadrement des professionnels de l'art infirmier. Il s'agit des chevilles ouvrières de nos hôpitaux", estime Lucien Bodson qui rappelle que les hôpitaux ont dû fermer des services par manque de personnel."Les causes de la pénurie des métiers du care sont multifactorielles", analyse Pierre-Yves Dermagne. "La rémunération n'est pas assez élevée, la norme d'encadrement n'est pas suffisante, il manque d'un cadre réglementaire pour identifier les éléments de pénibilités et les risques sociaux accrus du secteur du care. On sait où il faut agir.""Les inscriptions aux études infirmières ont fondu comme neige au soleil", témoigne Richard Fournaux qui a l'enseignement dans son portefeuille. "Mais elles repartent aujourd'hui à la hausse, il y a donc de l'optimisme. On critique beaucoup la Vivaldi, mais beaucoup d'investissements ont été réalisés. Au sein du MR, les discussions ont été rudes sur la problématique des pensions. Il en est sorti que nous devons aujourd'hui reconnaître que le métier d'infirmier est un métier avec un degré de pénibilité. Cela améliorera l'accessibilité à la profession.""Les professionnels de l'art infirmier sont la colonne vertébrale de la santé. Nous avons travaillé sur un plan d'attractivité et de rétention", explique Laurent Heyvaert. "Ce plan contient une cinquantaine de mesures, de la rémunération au bien-être au travail. Le plan a été soumis au Bureau du plan. Il a été chiffré et nous sommes prêts à en discuter dans le cadre d'une constitution de majorité."Réseaux et intégration des soinsComment améliorer l'intégration entre première ligne et deuxième ligne qui communiquent à travers trop de canaux qui tantôt se chevauchent, tantôt se distinguent (SISD, réseaux hospitaliers, cercles, réseaux 107, etc.). "Il faut se concerter pour avancer", avance Thierry Lessire. "Il faut également miser sur davantage de soins de santé collectifs, à l'instar de ce qui est pratiqué en maisons médicales."Pour le Dr Bodson, la clé est la communication. "Il faut la même structure de dossier médical dans chaque institution hospitalière", estime-t-il, très sévère avec les outils informatiques aujourd'hui déployés. "Le RSW est à moitié réussi à cause de la grille d'accès. Le Sumehr ajoute du travail au médecin et est donc généralement vide. Le DMG est également mal fait. Il faut tout réformer pour mieux communiquer, car pour le moment, on communique mal."Pour Pierre-Yves Dermagne, le travail en réseau est nécessaire. "C'est un truisme de le dire. Les réseaux ont été bien faits en Wallonie par rapport à la Flandre, où c'est moins rationnel. Tout n'est pas parfait, mais c'est plus rationnel. Les découpages géographiques des services sont différents et ce n'est pas surprenant car il y a différents bassins de soins avec différents besoins. Il manque une cartographie : celle des déserts médicaux. La solution, effectivement, passe par une meilleure communication, davantage de soins forfaitaires, la simplification du travail administratif. Les outils existent, il faut les améliorer et non réinventer l'eau chaude.""Le travail en réseau et en collaboration paraît aujourd'hui normal, mais il y a encore cinq ans, tout le monde n'était pas convaincu", rappelle Laurent Heyvaert. "Le chemin ouvert par Proxisanté constitue une première étape, mais le travail n'est pas terminé. Il faut continuer à avancer avec les acteurs et non imposer une manière de travailler ensemble. Il faut qu'il y ait, par ailleurs, un pied d'égalité entre première ligne et deuxième ligne pour travailler sereinement."Richard Fournaux est d'accord avec ses collègues sur ce point, et particulièrement avec Pierre-Yves Dermagne sur le découpage des services de première ligne. "Faut-il que toutes les cartes se superposent ? Non. Il y a des spécificités, surtout dans les soins de santé."Sous-financement des institutionsLes coûts augmentent et le financement ne suit pas l'augmentation des coûts. 70% des hôpitaux sont dans le rouge. Quelle est la solution ? Pour le Dr Bodson, il faut que l'Etat intervienne : "En 2008, en 48 heures, l'État a trouvé 20 milliards d'euros pour sauver les banques. Aujourd'hui, le secteur de la santé est au bord du gouffre. L'État doit trouver des fonds. La santé est une grande priorité."Thierry Lessire est d'accord : "Il faut faire un grand financement one shot et non financer au compte-gouttes."Pierre-Yves Dermagne rappelle, quant à lui, l'importance de la norme de croissance. "La norme de croissance des soins de santé doit correspondre aux estimations du Bureau du plan, soit minimum 3%. Sinon, c'est la catastrophe. Passer d'un financement à l'acte à un financement forfaitaire, en tenant compte de la réalité de terrain, est une solution. Il faut accepter des choix difficiles, avec le traitement de certaines pathologies sur un territoire donné. Il faut cependant tenir compte des réalités de terrain. L'éléphant dans la pièce, c'est le poids des anciens agents statutaires. Il faut avoir un débat fédéral sur le sujet. Pour moi, le seul moyen d'intervenir est une réforme du fonds solidarisé du financement des pensions des agents statutaires. La Flandre est aussi concernée par ce sujet. Dernier élément: je ne crois pas à une réfédéralisation, par contre, il y a des choses à faire côté francophone. Il faut concentrer les matières de santé au sein d'un même pouvoir. La question des hôpitaux universitaires reste plus complexe, mais concernant la médecine du sport et la petite enfance, c'est facile."Encore un point sur lequel le rejoint Richard Fournaux: "Il n'y aura pas de réforme de l'État. Mais avec des accords de coopération, des solutions sont possibles. Il faut être intelligent. Je suis également d'accord concernant les pensions statutaires. C'est un grand problème. Il faut trouver une solution structurelle, sinon on étouffera les pouvoirs locaux.""La santé est sous pression, mais ce n'est pas le seul secteur sous pression", rappelle le député Ecolo. "Nos structures doivent s'adapter. Cela a un coût. La sécurité sociale, pour les soins, doit pouvoir dégager des marges pour faire face aux coûts externes. La norme de croissance permet de prévoir. Toute entreprise a besoin de prévisibilité."La réforme de l'ÉtatDernier point abordé : la lasagne institutionnelle, et l'absence d'une politique cohérente. Faut-il aller vers une 7e réforme de l'État ? "Je peux simplement poser le constat que c'était très compliqué pendant le covid", réagit Lucien Bodson. "Si on réforme, il faut que cela soit pour une meilleure communication.""La position de Défi est de réfédéraliser les soins pour diminuer les couches de pouvoir qui diluent l'efficacité des actions politiques. Surtout dans les domaines du dépistage, de la prévention, et de promotion de santé", avance pour sa part Thierry Lessire."Il est nécessaire de corriger les incohérences de la 6e réforme de l'État, portées par certaines certitudes nationalistes du genre 'Ce que nous faisons nous même, nous le faisons mieux'. Mais je ne vois pas aujourd'hui, côté flamand, quel parti serait d'accord pour une réfédéralisation. Les partis en tête des sondages aujourd'hui prônent l'indépendance de la Flandre ou le confédéralisme. Sauf concernant les catastrophes naturelles, où ils sont d'accord de refédéraliser. Il faut leur reconnaître une certaine cohérence politique car ce projet est écrit depuis 1999 en Flandre. On doit être préparés, exigeants, et mener des réflexions pour mieux organiser les choses entre francophones. Effectuons d'abord le travail chez nous, dans l'espace francophone. Une 7e réforme de l'État irait vers plus de privatisation, ce serait dangereux pour nous, mais il faut s'y préparer."S'y préparer, c'est justement ce qu'a fait Ecolo, qui bénéficie du soutien de Groen! côté flamand. "Le grand principe est d'aller vers un institut du futur : discuter des grandes orientations au niveau fédéral, et opérationnaliser au niveau régional.""Les électeurs francophones ont par le passé voté en masse pour qu'on ait nos institutions francophones", rappelle Richard Fournaux. "Les électeurs ont aujourd'hui ce qu'ils voulaient avoir. La 7e réforme de l'état, je ne pense qu'elle se fera de mon vivant car cela n'est pas si simple. La priorité, aujourd'hui, est de régler les incohérences côté francophone. Il faut avoir le courage de réformer."