Proclamé docteur en médecine en 1990 à l'Université de Liège, Édouard Louis décide de se spécialiser en gastroentérologie, et de se concentrer sur le volet immunologique, peu exploré à l'époque. " J'ai accepté que l'on propose ma candidature à ce Prix car je pense qu'il est important que la gastroentérologie soit représentée et mieux connue de la communauté médicale ", explique l'actuel chef de service de gastroentérologie au CHU de Liège. " C'est un domaine en plein développement depuis de nombreuses années mais qui reste une spécialité parfois considérée comme secondaire. Pourtant, on se rend compte aujourd'hui que le tube digestif joue un rôle central dans nombre de pathologies. Et je ne parle pas que des pathologies digestives, mais aussi métaboliques voire cardiovasculaires et neurologiques. Le développement de l'endoscopie et les progrès thérapeutiques font de cette spécialité une discipline en pleine expansion."

Le rôle de Michel Georges

Durant sa spécialisation, Édouard Louis travaille sur la génétique des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (Mici) et la maladie de Crohn. Un travail qui l'amène à développer au CHU une collaboration de très haut niveau dans le domaine. " Cela n'aurait pas pu se faire sans l'aide de Michel Georges, éminent chercheur ayant reçu le prix Francqui (en 2008, ndlr), actuellement directeur du Groupe interdisciplinaire de génoprotéomique appliquée (Giga) ", explique le chef de service.

Cette collaboration fructueuse avec le Pr Georges a d'ailleurs amené à Édouard Louis l'une de ses plus grandes satisfactions. " Grâce à lui, nous avons joué dans une autre division. L'université de Liège a pu, avec le concours d'autres universités belges, rivaliser avec le National Institute of Health (NIH) aux Etats-Unis et le Wellcome Trust en Angleterre, soit des énormes machines de recherche. Nous étions effectivement dans les premiers à publier une étude génome entier concernant les Mici. Cela a permis de réaliser un consortium international. C'est le fruit de la rencontre entre le clinicien de tous les jours que je suis et Michel Georges, qui est un chercheur d'un autre niveau. "

Décroissance thérapeutique

On aurait tort pourtant d'en déduire qu'Édouard Louis est un clinicien banal. Des bords de Meuse, il écrit beaucoup. " Nous avons par exemple publié de beaux papiers, très simples, sans moyen, de nos observations cliniques quotidiennes de la maladie de Crohn dans de très bonnes revues de gastroentérologie. Cela a contribué à la renommée de notre centre. "

Au-delà de ces publications, un projet concentre son attention : le Biocycle Project1. " Grâce à une collaboration avec des groupes de cliniques français et belges (JETAID et BIRD), nous avons pu obtenir un financement européen important, Grant horizon 2020, pour mener un programme de décroissance thérapeutique. " Ce projet est centré sur la possibilité, lorsque le patient chronique a atteint la rémission clinique profonde, de diminuer le traitement. Jusqu'à présent, cette question est peu soulevée. " C'est un gros projet qui comprend une dizaine de partenaires internationaux et qui est coordonné au CHU de Liège. "

Gastro CHU 2030

Si ce projet symbolise le futur de la recherche menée par Édouard Louis, son devoir de chargé de cours, depuis 2010, le pousse également continuellement à s'adapter et à faire évoluer l'enseignement de la médecine. Et évidemment, Liège est un cadre particulier tant la ville s'échine comme à son habitude à ne rien faire comme les autres. Ainsi, au sein de l'université principautaire, la charge de cours est automatiquement liée à la direction d'un service. Il y a des bons côtés et des moins bons côtés. " Le bon côté, c'est la cohérence globale. Le programme de formation des étudiants est nécessairement très cohérent. Le mauvais côté, c'est que c'est énormément de travail. Cela implique de travailler avec des personnes de confiance, des collaborations qui se construisent dans le temps. "

Continuer à faire grandir l'enseignement contribue donc à faire grandir le service, et vice-versa. " L'idée est de toujours viser plus haut. C'est un grand défi ", se réjouit le Dr Louis. Pour le relever, l'homme a proposé une réflexion dans le service appelée 'Gastro CHU 2030'. " Cela coïncide avec l'âge supposé de ma retraite. L'idée est, d'ici là, de se mettre des objectifs ambitieux, ne jamais se reposer sur nos lauriers et se remettre en question, tout en intégrant les plus jeunes et les plus vieux pour que chacun continue de trouver sa place et ait envie de faire des projets jusqu'à ce que quelqu'un d'autre prenne le relais. "

Clinique et recherche

Cette recherche de qualité, dans un service qui compte plus de 80 personnes, est éreintante. D'autant plus quand on ne désire pas sacrifier la clinique au détriment de la recherche, ou l'inverse. Le secret réside justement là, dans les bénéfices que le Pr Louis tire des apports mutuels entre les deux. " Ma motivation, c'est de pouvoir faire progresser la médecine. Cette interaction permanente entre le patient et les questions qu'on se pose par rapport à lui et les réponses qu'on essaye d'apporter, c'est ça qui me motive. On ne se contente pas simplement d'appliquer des recettes toutes faites en attendant que les réponses viennent. Et ce que l'on va mettre en place permettra de mieux traiter le patient au quotidien. Je n'ai jamais fait de la recherche fondamentale car je voulais avoir des réponses par rapport à mes patients. Ce ne sont évidemment que de toutes petites avancées, mais quand je peux répondre à un patient, cela m'apporte de la satisfaction. "

1. Pour en savoir plus : https://biocycle-project.eu/

A vous de voter !

Nous présentons dans cinq numéros consécutifs les nominés au Prix du Spécialiste de l'année. Il vous revient - chers lecteurs - d'attribuer votre vote de préférence après avoir lu les différents portraits, et ce à partir du 27 octobre, sur lejournaldumedecin.com.

Proclamé docteur en médecine en 1990 à l'Université de Liège, Édouard Louis décide de se spécialiser en gastroentérologie, et de se concentrer sur le volet immunologique, peu exploré à l'époque. " J'ai accepté que l'on propose ma candidature à ce Prix car je pense qu'il est important que la gastroentérologie soit représentée et mieux connue de la communauté médicale ", explique l'actuel chef de service de gastroentérologie au CHU de Liège. " C'est un domaine en plein développement depuis de nombreuses années mais qui reste une spécialité parfois considérée comme secondaire. Pourtant, on se rend compte aujourd'hui que le tube digestif joue un rôle central dans nombre de pathologies. Et je ne parle pas que des pathologies digestives, mais aussi métaboliques voire cardiovasculaires et neurologiques. Le développement de l'endoscopie et les progrès thérapeutiques font de cette spécialité une discipline en pleine expansion."Durant sa spécialisation, Édouard Louis travaille sur la génétique des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (Mici) et la maladie de Crohn. Un travail qui l'amène à développer au CHU une collaboration de très haut niveau dans le domaine. " Cela n'aurait pas pu se faire sans l'aide de Michel Georges, éminent chercheur ayant reçu le prix Francqui (en 2008, ndlr), actuellement directeur du Groupe interdisciplinaire de génoprotéomique appliquée (Giga) ", explique le chef de service.Cette collaboration fructueuse avec le Pr Georges a d'ailleurs amené à Édouard Louis l'une de ses plus grandes satisfactions. " Grâce à lui, nous avons joué dans une autre division. L'université de Liège a pu, avec le concours d'autres universités belges, rivaliser avec le National Institute of Health (NIH) aux Etats-Unis et le Wellcome Trust en Angleterre, soit des énormes machines de recherche. Nous étions effectivement dans les premiers à publier une étude génome entier concernant les Mici. Cela a permis de réaliser un consortium international. C'est le fruit de la rencontre entre le clinicien de tous les jours que je suis et Michel Georges, qui est un chercheur d'un autre niveau. "On aurait tort pourtant d'en déduire qu'Édouard Louis est un clinicien banal. Des bords de Meuse, il écrit beaucoup. " Nous avons par exemple publié de beaux papiers, très simples, sans moyen, de nos observations cliniques quotidiennes de la maladie de Crohn dans de très bonnes revues de gastroentérologie. Cela a contribué à la renommée de notre centre. "Au-delà de ces publications, un projet concentre son attention : le Biocycle Project1. " Grâce à une collaboration avec des groupes de cliniques français et belges (JETAID et BIRD), nous avons pu obtenir un financement européen important, Grant horizon 2020, pour mener un programme de décroissance thérapeutique. " Ce projet est centré sur la possibilité, lorsque le patient chronique a atteint la rémission clinique profonde, de diminuer le traitement. Jusqu'à présent, cette question est peu soulevée. " C'est un gros projet qui comprend une dizaine de partenaires internationaux et qui est coordonné au CHU de Liège. "Si ce projet symbolise le futur de la recherche menée par Édouard Louis, son devoir de chargé de cours, depuis 2010, le pousse également continuellement à s'adapter et à faire évoluer l'enseignement de la médecine. Et évidemment, Liège est un cadre particulier tant la ville s'échine comme à son habitude à ne rien faire comme les autres. Ainsi, au sein de l'université principautaire, la charge de cours est automatiquement liée à la direction d'un service. Il y a des bons côtés et des moins bons côtés. " Le bon côté, c'est la cohérence globale. Le programme de formation des étudiants est nécessairement très cohérent. Le mauvais côté, c'est que c'est énormément de travail. Cela implique de travailler avec des personnes de confiance, des collaborations qui se construisent dans le temps. "Continuer à faire grandir l'enseignement contribue donc à faire grandir le service, et vice-versa. " L'idée est de toujours viser plus haut. C'est un grand défi ", se réjouit le Dr Louis. Pour le relever, l'homme a proposé une réflexion dans le service appelée 'Gastro CHU 2030'. " Cela coïncide avec l'âge supposé de ma retraite. L'idée est, d'ici là, de se mettre des objectifs ambitieux, ne jamais se reposer sur nos lauriers et se remettre en question, tout en intégrant les plus jeunes et les plus vieux pour que chacun continue de trouver sa place et ait envie de faire des projets jusqu'à ce que quelqu'un d'autre prenne le relais. "Cette recherche de qualité, dans un service qui compte plus de 80 personnes, est éreintante. D'autant plus quand on ne désire pas sacrifier la clinique au détriment de la recherche, ou l'inverse. Le secret réside justement là, dans les bénéfices que le Pr Louis tire des apports mutuels entre les deux. " Ma motivation, c'est de pouvoir faire progresser la médecine. Cette interaction permanente entre le patient et les questions qu'on se pose par rapport à lui et les réponses qu'on essaye d'apporter, c'est ça qui me motive. On ne se contente pas simplement d'appliquer des recettes toutes faites en attendant que les réponses viennent. Et ce que l'on va mettre en place permettra de mieux traiter le patient au quotidien. Je n'ai jamais fait de la recherche fondamentale car je voulais avoir des réponses par rapport à mes patients. Ce ne sont évidemment que de toutes petites avancées, mais quand je peux répondre à un patient, cela m'apporte de la satisfaction. "