Le député MR Nicolas Janssen a interpellé la ministre de l'Enseignement mardi dernier au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à propos du nouveau Guide EVRAS (Education à la vie relationnelle, affective et sexuelle) censé être appliqué à la rentrée scolaire prochaine. Tout en étant convaincu des bienfaits de l'EVRAS, le député Janssen s'interroge : " Quel enfant de 9 ans peut par exemple mesurer les conséquences de l'envoi de sextos ou de photos de nus ? L'hypersexualisation est omniprésente dans notre société, c'est pourquoi le recours à des pédopsychiatres ou psychologues spécialisés en la matière me semble indispensable. "
De quand date ce " Guide à l'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle " (EVRAS), quelles instances/professionnels l'ont rédigé et quels sont à votre avis ses objectifs ?
L'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) est un processus éducatif, visant à accroître les aptitudes des jeunes à opérer des choix éclairés, de manière à favoriser l'épanouissement de leur vie relationnelle, affective et sexuelle et le respect de soi et des autres. Ce programme prévoit un accompagnement, pour les jeunes âgés entre 5 et 18 ans, tout au long de leur scolarité.
Ce Guide est à destination des professionnels qui interviennent dans ce domaine auprès d'enfants et de jeunes en milieu scolaire. La version actuelle du Guide date du 1er mai 2022.
La Fédération Wallonie-Bruxelles, la Cocof et la Région wallonne, ont financé l'ASBL O'YES pour l'élaboration des stratégies concertées, qui ont mené à son élaboration.
Un nouvel Accord de coopération est en cours d'élaboration entre la Communauté française, la Région wallonne et la Commission communautaire française relatif à la généralisation de l'EVRAS. Il a été approuvé en première lecture au gouvernement de la Fédération Wallonie Bruxelles en octobre dernier et suivra son parcours d'adoption dans les prochain mois. Les lignes de cet accord entreront en vigueur d'ici la rentrée prochaine. Il remplacera l'Accord de coopération de 2013.
C'est dans le Guide que se trouvent des passages problématiques. L'Accord de coopération en cours de validation délimite le périmètre, les contenus et les acteurs concernés.
Répondre à la disparité
Légalement, comment le Ministère de l'Enseignement compte-t-il que cet apprentissage soit enseigné dans les écoles ? A quel rythme (on parle de deux séances à l'EVRAS pendant la totalité du cursus) ?
Les animations EVRAS seront organisées systématiquement en sixième année primaire et en quatrième année secondaire par des professionnels qui interviennent dans ce domaine auprès des élèves. Il s'agira en effet de deux séances d'activités minimum.
Il est à préciser que ces animations s'adressent à tous les élèves, de 5 à 18 ans. Cependant, la mise en oeuvre varie selon les établissements et se fait à la demande de ceux-ci. Il en ressort que, d'une école à l'autre, les élèves ne reçoivent donc pas le même nombre d'animations. C'est donc à cette disparité que la généralisation de l'EVRAS tente de répondre.
Vous avez interpellé la ministre de l'Enseignement Caroline Désir en Commission de l'Éducation du PFWB ce mardi 13 décembre 2022 par rapport à l'EVRAS. Certains contenus vous paraissent problématiques à aborder chez de jeunes enfants, notamment l'échange de sextos et de nudes qui semblent encouragés. Pourriez-vous être plus spécifique ?
Le cyberharcèlement est une exemple concret des conséquences de l'utilisation inappropriée de sextos et nudes à un âge non-adéquat. J'ai beaucoup travaillé sur ce thème lors de la Commission conjointe sur la santé mentale des jeunes, dont j'étais à l'initiative et qui a mené à l'adoption à l'unanimité au Parlement de la FWB, le 27 janvier dernier, de plus de 100 recommandations sur la santé mentale des jeunes. Le cyberharcèlement conduit à des drames. Ne convient-il pas d'être draconien dans les sensibilisations à ces sujets ? Quel enfant de 9 ans peut par exemple mesurer les conséquences de l'envoi de sextos ou de photos de nus ? L'hypersexualisation est omniprésente dans notre société, c'est pourquoi le recours à des pédopsychiatres ou psychologues spécialisés en la matière me semble indispensable.
"Je ne suis pas rassuré du tout"
Qu'est-ce que la ministre Désir vous a répondu ? Est-ce que ses réponses vous satisfont ? Par exemple, le fait qu'une partie du guide pourrait être reformulée, est-ce suffisant pour vous ? A-t-elle donné des précisions ?
La ministre a répondu que des reformulations auraient lieu : c'est déjà ça. Est-ce suffisant ? J'ai tendance à penser que la reformulation de quelques passages ne suffira pas, mais la ministre n'a pas donné beaucoup de détails à ce stade. Elle a surtout voulu être rassurante. Ce sera à suivre de près, car moi je ne suis pas rassuré du tout. Nous sommes convaincus des bienfaits de la généralisation de l'EVRAS, mais aussi de la nécessité d'un cadre et d'un périmètre clair, pour laisser cette éducation être dispensée en toute sérénité. Mon groupe politique souhaite que le guide de l'EVRAS soit revu, la précision des tranches d'âge questionnée, et non pas seulement reformulé à quelques endroits, par des professionnels de la santé et qu'il soit mieux adapté au développement psychique et global de l'enfant. Ce qui m'interpelle aussi, c'est que ce travail s'est appuyé sur la compilation d'informations de sources diverses et non formellement sourcées mais aussi sur un sondage réalisé auprès de seulement 400 élèves âgés entre 5 et 18 ans. Cela me paraît peu rigoureux, peu étayé et insuffisamment représentatif pour un programme d'éducation de cette ampleur. Quelles écoles et combien? Pourquoi ne pas avoir plus impliqué les parents, les enseignants, les académiques spécialisés et les pédopsychiatres dans la validation de certains sujets?
Page 173 du Guide, écrit en écriture inclusive et qui emploie notamment les trois pronoms " il-elle-iel ", on lit que : " Les jeunes de 12 à 14 ans vont prendre de la distance vis-à-vis du discours de l'adulte, des figures parentales mais aussi vis-à-vis des valeurs familiales. Par ce biais, l'adolescent·e découvre qu'il existe une multitude d'opinions, des contradictions, des oppositions et qu'il est possible d'adhérer à l'un ou à l'autre. " Est-ce cela vous paraît une incitation à prendre ses distances vis-à-vis des parents et de leur autorité ?
Comme l'écrivait le Pr Alain Eraly dans sa carte blanche sur le sujet en juillet dernier : " N'instrumentalise-t-on pas le jeune en brandissant envers et contre tout le spectre d'une conviction intime réprimée ? (...) Quelle est la part d'autonomie propre et la part d'influence et de pression des jeunes entre eux dans la formation de cette conviction intime? "
Cette réflexion sur la part d'autonomie du jeune me paraît centrale. Comme mentionné dans cette lettre ouverte, l'autodétermination de l'enfant est une des clés de voûte soutenant la rédaction de ce Guide. Cela supposerait que l'enfant sache mieux que personne, ce qui est bon pour lui. Son propre ressenti serait son meilleur guide, alors que l'enfant a besoin d'être éduqué. Il a droit au respect des étapes de son développement.
"Que des pédopshychiatres se penchent sur la question"
Sur la thématique du genre, on peut lire (p. 160) qu'un enfant de 5 ans devrait " prendre conscience que son identité de genre peut être identique ou différente de celle assignée à la naissance. " On peut aussi lire (p. 162) qu'un enfant de 9 ans devrait " se sentir libre de questionner les normes et stéréotypes de genre pour trouver son point de confort. Il s'agit de l'ensemble des éléments pouvant être mis en place par une personne transgenre afin de favoriser le sentiment de bien-être par rapport à sa propre identité de genre : adopter une démarche différente (ou pas), changer sa façon de s'habiller (ou pas), prendre des hormones (ou pas), recourir à des opérations chirurgicales (ou pas). " Est-ce trop tôt selon vous pour aborder ce genre de thématiques ?
La question que l'on peut se poser n'est pas seulement de savoir si les âges entre 5 et 12 ans sont effectivement les âges adéquats pour consolider sa propre identité de genre, recourir à des opérations chirurgicales pour changer de genre ou encore reconnaître que les partages de sextos et nudes peuvent être source de plaisir, mais surtout quels pourraient être les conséquences de ces informations sur les élèves en fonction de leur âge. Je ne suis pas pédopsychiatre, mais je suis par contre bien conscient que de tels sujets pourraient avoir un impact sur la santé mentale des enfants ainsi que sur leur développement. Dès lors, lorsque j'entends des pédopsychiatres souligner ces propos comme dangereux pour la santé mentale, voire la vie sexuelle adulte des enfants, avec " un risque d'intrusion psychique chez l'enfant qui est potentiellement traumatique ", je ne peux qu'insister pour que des pédopsychiatres se penchent sur la question, et non pas uniquement des spécialistes EVRAS.
Je suis en outre convaincu par la nécessité, soulignée par les experts dans diverses cartes blanches récemment, de ne pas encombrer le psychisme de l'enfant avec des référentiels sexuels adultes. Citons à cet égard ce passage d'une de ces lettres ouvertes : " Est-ce "aimer" un enfant ou un adolescent, est-ce assumer notre responsabilité d'adultes à son égard, que de lui reconnaître d'emblée et sans condition la capacité et le pouvoir de s'autodéterminer? (...) Le "ressenti" individuel doit-il faire autorité ? "
En préambule du guide, on lit que l'hétéronormativité est un " principe qui consiste à considérer le fait d'être hétérosexuel comme étant la norme, allant de soi, comme la référence par défaut et de marginaliser tout ce qui en sort. En d'autres termes, c'est lorsqu'on considère que l'hétérosexualité va de soi, et qu'elle est utilisée par principe en référence. Ce Guide pour l'EVRAS se veut inclusif et non-hétéronormatif pour permettre à tous et toutes de pouvoir s'identifier et se reconnaître dans le cadre de l'EVRAS sans être mis·e de côté. " C'est en cela que vous considérez que l'EVRAS veut s'écarter des normes ? Pensez-vous que ce Guide a pour objectif de modifier dès l'enfance le rapport à la normalité vs. à la marginalité ?
Nous avons parfois l'impression que, sous prétexte d'inclusivité, on renonce à la transmission d'une quelconque norme. La question fondamentale qui se pose est celle-ci : comment accompagner au mieux les jeunes à faire le bon choix? Ne cherchons pas à mettre l'accent sur nos différences, revenons à notre universalité. Chacun a bien évidemment le droit d'être pleinement qui il est. Lisons l'humanité dans son ensemble. Pourquoi certains veulent-ils construire la société autour de spécificités toujours clivantes ?
"Un cadre trop aléatoire qui peut nuire à certains jeunes"
Vous avez mentionné une série de pédo-psychiatres qui sont en désaccord avec le contenu. De quels professionnels de santé s'agit-il ? Vont-ils se faire entendre ou l'ont-ils déjà fait ?
Plusieurs cartes blanches sont parues sur le sujet. Je souhaiterais surtout préciser que ni le MR ni moi ne sommes les porte-paroles des pédopsychiatres ou personnalités en désaccord avec ce contenu. Vu les réactions, il nous semble qu'experts et psychologues n'ont pas été suffisamment consultés ni entendus. Leur point de vue n'a, à mon sens, pas été pleinement pris en compte.
Notre responsabilité politique est aussi de donner un cadre et des balises claires pour rendre confiance en l'EVRAS. Les polémiques actuelles en ternissent l'image. En tant que responsables politiques, nous devons être les garants des contenus et des acteurs qui entrent dans l'école, ainsi que de leur adéquation avec le développement de l'enfant. Ne laissons pas un cadre trop aléatoire risquer de nuire à certains jeunes.
Ce Guide, qui a pour ambition légitime de protéger les enfants et les adolescents contre les discriminations, participe-t-il, à votre avis, de ce courant de pensée néo-progressiste très à la mode qu'on appelle le wokisme ?
Oui, tout à fait. Comment défendre, selon nous, l'intérêt général et les libertés fondamentales ? En permettant à chacun d'acquérir les outils nécessaires à poser ses propres choix. Mettons l'accent sur ce qui nous rassemble, et non pas sur ce qui nous divise. Ne tentons pas d'imposer certains prismes de lecture, en opposition au développement de l'enfant. Nous voulons que les jeunes puissent vivre leur identité et sexualité comme ils l'entendent. Comment ? Par un alignement aux valeurs partagées, qui constituent le fondement de notre société.
Le MR estime-t-il que l'Enseignement devrait se concentrer exclusivement sur les savoirs (français, langues, mathématique, sciences, etc.) et laisser l'éducation affective et sexuelle pour d'autres cénacles ?
L'enseignement est un socle inconditionnel de la démocratie. Sans un enseignement de qualité, nul progrès n'est possible. Nous sommes très favorables à la généralisation de l'EVRAS et convaincus par ses bienfaits. Le MR plaide en ce sens, mais avec un cadre clair, des outils bien calibrés et des acteurs professionnalisés. Écoutons avec suffisamment d'attention ce que nous enseignent les experts du développement de l'enfant.
De quand date ce " Guide à l'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle " (EVRAS), quelles instances/professionnels l'ont rédigé et quels sont à votre avis ses objectifs ?L'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) est un processus éducatif, visant à accroître les aptitudes des jeunes à opérer des choix éclairés, de manière à favoriser l'épanouissement de leur vie relationnelle, affective et sexuelle et le respect de soi et des autres. Ce programme prévoit un accompagnement, pour les jeunes âgés entre 5 et 18 ans, tout au long de leur scolarité.Ce Guide est à destination des professionnels qui interviennent dans ce domaine auprès d'enfants et de jeunes en milieu scolaire. La version actuelle du Guide date du 1er mai 2022.La Fédération Wallonie-Bruxelles, la Cocof et la Région wallonne, ont financé l'ASBL O'YES pour l'élaboration des stratégies concertées, qui ont mené à son élaboration.Un nouvel Accord de coopération est en cours d'élaboration entre la Communauté française, la Région wallonne et la Commission communautaire française relatif à la généralisation de l'EVRAS. Il a été approuvé en première lecture au gouvernement de la Fédération Wallonie Bruxelles en octobre dernier et suivra son parcours d'adoption dans les prochain mois. Les lignes de cet accord entreront en vigueur d'ici la rentrée prochaine. Il remplacera l'Accord de coopération de 2013.C'est dans le Guide que se trouvent des passages problématiques. L'Accord de coopération en cours de validation délimite le périmètre, les contenus et les acteurs concernés.Légalement, comment le Ministère de l'Enseignement compte-t-il que cet apprentissage soit enseigné dans les écoles ? A quel rythme (on parle de deux séances à l'EVRAS pendant la totalité du cursus) ?Les animations EVRAS seront organisées systématiquement en sixième année primaire et en quatrième année secondaire par des professionnels qui interviennent dans ce domaine auprès des élèves. Il s'agira en effet de deux séances d'activités minimum.Il est à préciser que ces animations s'adressent à tous les élèves, de 5 à 18 ans. Cependant, la mise en oeuvre varie selon les établissements et se fait à la demande de ceux-ci. Il en ressort que, d'une école à l'autre, les élèves ne reçoivent donc pas le même nombre d'animations. C'est donc à cette disparité que la généralisation de l'EVRAS tente de répondre.Vous avez interpellé la ministre de l'Enseignement Caroline Désir en Commission de l'Éducation du PFWB ce mardi 13 décembre 2022 par rapport à l'EVRAS. Certains contenus vous paraissent problématiques à aborder chez de jeunes enfants, notamment l'échange de sextos et de nudes qui semblent encouragés. Pourriez-vous être plus spécifique ?Le cyberharcèlement est une exemple concret des conséquences de l'utilisation inappropriée de sextos et nudes à un âge non-adéquat. J'ai beaucoup travaillé sur ce thème lors de la Commission conjointe sur la santé mentale des jeunes, dont j'étais à l'initiative et qui a mené à l'adoption à l'unanimité au Parlement de la FWB, le 27 janvier dernier, de plus de 100 recommandations sur la santé mentale des jeunes. Le cyberharcèlement conduit à des drames. Ne convient-il pas d'être draconien dans les sensibilisations à ces sujets ? Quel enfant de 9 ans peut par exemple mesurer les conséquences de l'envoi de sextos ou de photos de nus ? L'hypersexualisation est omniprésente dans notre société, c'est pourquoi le recours à des pédopsychiatres ou psychologues spécialisés en la matière me semble indispensable.Qu'est-ce que la ministre Désir vous a répondu ? Est-ce que ses réponses vous satisfont ? Par exemple, le fait qu'une partie du guide pourrait être reformulée, est-ce suffisant pour vous ? A-t-elle donné des précisions ?La ministre a répondu que des reformulations auraient lieu : c'est déjà ça. Est-ce suffisant ? J'ai tendance à penser que la reformulation de quelques passages ne suffira pas, mais la ministre n'a pas donné beaucoup de détails à ce stade. Elle a surtout voulu être rassurante. Ce sera à suivre de près, car moi je ne suis pas rassuré du tout. Nous sommes convaincus des bienfaits de la généralisation de l'EVRAS, mais aussi de la nécessité d'un cadre et d'un périmètre clair, pour laisser cette éducation être dispensée en toute sérénité. Mon groupe politique souhaite que le guide de l'EVRAS soit revu, la précision des tranches d'âge questionnée, et non pas seulement reformulé à quelques endroits, par des professionnels de la santé et qu'il soit mieux adapté au développement psychique et global de l'enfant. Ce qui m'interpelle aussi, c'est que ce travail s'est appuyé sur la compilation d'informations de sources diverses et non formellement sourcées mais aussi sur un sondage réalisé auprès de seulement 400 élèves âgés entre 5 et 18 ans. Cela me paraît peu rigoureux, peu étayé et insuffisamment représentatif pour un programme d'éducation de cette ampleur. Quelles écoles et combien? Pourquoi ne pas avoir plus impliqué les parents, les enseignants, les académiques spécialisés et les pédopsychiatres dans la validation de certains sujets?Page 173 du Guide, écrit en écriture inclusive et qui emploie notamment les trois pronoms " il-elle-iel ", on lit que : " Les jeunes de 12 à 14 ans vont prendre de la distance vis-à-vis du discours de l'adulte, des figures parentales mais aussi vis-à-vis des valeurs familiales. Par ce biais, l'adolescent·e découvre qu'il existe une multitude d'opinions, des contradictions, des oppositions et qu'il est possible d'adhérer à l'un ou à l'autre. " Est-ce cela vous paraît une incitation à prendre ses distances vis-à-vis des parents et de leur autorité ?Comme l'écrivait le Pr Alain Eraly dans sa carte blanche sur le sujet en juillet dernier : " N'instrumentalise-t-on pas le jeune en brandissant envers et contre tout le spectre d'une conviction intime réprimée ? (...) Quelle est la part d'autonomie propre et la part d'influence et de pression des jeunes entre eux dans la formation de cette conviction intime? "Cette réflexion sur la part d'autonomie du jeune me paraît centrale. Comme mentionné dans cette lettre ouverte, l'autodétermination de l'enfant est une des clés de voûte soutenant la rédaction de ce Guide. Cela supposerait que l'enfant sache mieux que personne, ce qui est bon pour lui. Son propre ressenti serait son meilleur guide, alors que l'enfant a besoin d'être éduqué. Il a droit au respect des étapes de son développement.Sur la thématique du genre, on peut lire (p. 160) qu'un enfant de 5 ans devrait " prendre conscience que son identité de genre peut être identique ou différente de celle assignée à la naissance. " On peut aussi lire (p. 162) qu'un enfant de 9 ans devrait " se sentir libre de questionner les normes et stéréotypes de genre pour trouver son point de confort. Il s'agit de l'ensemble des éléments pouvant être mis en place par une personne transgenre afin de favoriser le sentiment de bien-être par rapport à sa propre identité de genre : adopter une démarche différente (ou pas), changer sa façon de s'habiller (ou pas), prendre des hormones (ou pas), recourir à des opérations chirurgicales (ou pas). " Est-ce trop tôt selon vous pour aborder ce genre de thématiques ?La question que l'on peut se poser n'est pas seulement de savoir si les âges entre 5 et 12 ans sont effectivement les âges adéquats pour consolider sa propre identité de genre, recourir à des opérations chirurgicales pour changer de genre ou encore reconnaître que les partages de sextos et nudes peuvent être source de plaisir, mais surtout quels pourraient être les conséquences de ces informations sur les élèves en fonction de leur âge. Je ne suis pas pédopsychiatre, mais je suis par contre bien conscient que de tels sujets pourraient avoir un impact sur la santé mentale des enfants ainsi que sur leur développement. Dès lors, lorsque j'entends des pédopsychiatres souligner ces propos comme dangereux pour la santé mentale, voire la vie sexuelle adulte des enfants, avec " un risque d'intrusion psychique chez l'enfant qui est potentiellement traumatique ", je ne peux qu'insister pour que des pédopsychiatres se penchent sur la question, et non pas uniquement des spécialistes EVRAS.Je suis en outre convaincu par la nécessité, soulignée par les experts dans diverses cartes blanches récemment, de ne pas encombrer le psychisme de l'enfant avec des référentiels sexuels adultes. Citons à cet égard ce passage d'une de ces lettres ouvertes : " Est-ce "aimer" un enfant ou un adolescent, est-ce assumer notre responsabilité d'adultes à son égard, que de lui reconnaître d'emblée et sans condition la capacité et le pouvoir de s'autodéterminer? (...) Le "ressenti" individuel doit-il faire autorité ? " En préambule du guide, on lit que l'hétéronormativité est un " principe qui consiste à considérer le fait d'être hétérosexuel comme étant la norme, allant de soi, comme la référence par défaut et de marginaliser tout ce qui en sort. En d'autres termes, c'est lorsqu'on considère que l'hétérosexualité va de soi, et qu'elle est utilisée par principe en référence. Ce Guide pour l'EVRAS se veut inclusif et non-hétéronormatif pour permettre à tous et toutes de pouvoir s'identifier et se reconnaître dans le cadre de l'EVRAS sans être mis·e de côté. " C'est en cela que vous considérez que l'EVRAS veut s'écarter des normes ? Pensez-vous que ce Guide a pour objectif de modifier dès l'enfance le rapport à la normalité vs. à la marginalité ?Nous avons parfois l'impression que, sous prétexte d'inclusivité, on renonce à la transmission d'une quelconque norme. La question fondamentale qui se pose est celle-ci : comment accompagner au mieux les jeunes à faire le bon choix? Ne cherchons pas à mettre l'accent sur nos différences, revenons à notre universalité. Chacun a bien évidemment le droit d'être pleinement qui il est. Lisons l'humanité dans son ensemble. Pourquoi certains veulent-ils construire la société autour de spécificités toujours clivantes ?Vous avez mentionné une série de pédo-psychiatres qui sont en désaccord avec le contenu. De quels professionnels de santé s'agit-il ? Vont-ils se faire entendre ou l'ont-ils déjà fait ?Plusieurs cartes blanches sont parues sur le sujet. Je souhaiterais surtout préciser que ni le MR ni moi ne sommes les porte-paroles des pédopsychiatres ou personnalités en désaccord avec ce contenu. Vu les réactions, il nous semble qu'experts et psychologues n'ont pas été suffisamment consultés ni entendus. Leur point de vue n'a, à mon sens, pas été pleinement pris en compte.Notre responsabilité politique est aussi de donner un cadre et des balises claires pour rendre confiance en l'EVRAS. Les polémiques actuelles en ternissent l'image. En tant que responsables politiques, nous devons être les garants des contenus et des acteurs qui entrent dans l'école, ainsi que de leur adéquation avec le développement de l'enfant. Ne laissons pas un cadre trop aléatoire risquer de nuire à certains jeunes.Ce Guide, qui a pour ambition légitime de protéger les enfants et les adolescents contre les discriminations, participe-t-il, à votre avis, de ce courant de pensée néo-progressiste très à la mode qu'on appelle le wokisme ? Oui, tout à fait. Comment défendre, selon nous, l'intérêt général et les libertés fondamentales ? En permettant à chacun d'acquérir les outils nécessaires à poser ses propres choix. Mettons l'accent sur ce qui nous rassemble, et non pas sur ce qui nous divise. Ne tentons pas d'imposer certains prismes de lecture, en opposition au développement de l'enfant. Nous voulons que les jeunes puissent vivre leur identité et sexualité comme ils l'entendent. Comment ? Par un alignement aux valeurs partagées, qui constituent le fondement de notre société.Le MR estime-t-il que l'Enseignement devrait se concentrer exclusivement sur les savoirs (français, langues, mathématique, sciences, etc.) et laisser l'éducation affective et sexuelle pour d'autres cénacles ? L'enseignement est un socle inconditionnel de la démocratie. Sans un enseignement de qualité, nul progrès n'est possible. Nous sommes très favorables à la généralisation de l'EVRAS et convaincus par ses bienfaits. Le MR plaide en ce sens, mais avec un cadre clair, des outils bien calibrés et des acteurs professionnalisés. Écoutons avec suffisamment d'attention ce que nous enseignent les experts du développement de l'enfant.