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À la Saint-Nicolas, le parlement a approuvé la note de Politique générale des soins de santé préparée par la ministre de la Santé publique. Une bonne nouvelle pour les personnes infectées par le virus de l'hépatite C. Dans ce pavé indigeste de plus de 500 pages, plusieurs articles sont consacrés au "Plan VHC". À partir du 1er janvier 2017, soit dans quelques semaines, le remboursement des médicaments utilisés pour le traitement de l'hépatite C va être élargi aux patients atteints d'une hépatite C avec stade de fibrose 2 et à ceux présentant un risque élevé de complications, notamment les personnes atteintes du virus du sida et les hémophiles. "Pour l'hépatite B, le vaccin existe depuis 30 ans mais on ne peut pas dire que le succès soit retentissant malgré la grande efficacité du médicament. Va-t-on, en donnant des anti-viraux par voie orale, éradiquer totalement l'hépatite C? Certains y croient et,comme Magie De Block, l'affirment. Les médicaments ne vont pas empêcher les réinfections. En outre, pour être totalement efficace il faudrait prendre en charge les toxicomanes monoinfectés, les prisonniers et les migrants porteurs du virus. Etendre le remboursement est une bonne chose, cela ne fait aucun doute.Annoncer l'éradication est un beau coup de communication."Selon les autorités, grâce à l'extension du remboursement, près de 2.700 patients VHC pourraient être traités en Belgique. Yves Horsmans relativise ces chiffres. "Il y a clairement eu une surestimation du nombre de malades. Depuis le mois de juillet 2016, on remarque que les hépatologues traitent de moins en moins de patients. Les études belges sur le nombre de patients sont incomplètes. On a extrapolé les études de pays voisins ." Le Pr Horsmans revient sur la problématique du coût des médicaments anti hépatite C, estimé à entre 40.000 et 50.000 euros par traitement. "Les personnes qui répondent honnêtement diront qu'ils ne sont pas chers. Un traitement anti hépatite C représente en moyenne 3 ans de traitement HIV. Or, pour le sida, il faut poursuivre le traitement. Ce n'est pas le cas pour l'hépatite C, même en tenant compte du faible risque de réinfection. Ce qui coûte beaucoup d'argent à l'Inami, c'est qu'on peut traiter tous les patients concernés en une fois. Imaginez que demain on trouve un nouveau traitement contre le cancer du pancréas et qu'on passe des 10 à 15% d'efficacité des nouvelles molécules à 50%. Quels hommes politiques, mutuelles, associations de patients oseront dire qu'on ne va pas traiter les patients concernés parce que ce médicament est trop cher? Le "drame" des médicaments contre l'hépatite C est qu'ils sont relativement chers et surtout qu'ils sont très efficaces (à 98%) et ne présentent pas d'effets secondaires. Tous les patients veulent pouvoir bénéficier de ces médicaments. D'autant plus que ce traitement ne dure que de 8 à 12 semaines."Le plan VHC s'étale de 2014 jusqu'à 2021, date annoncée pour le remboursement du traitement à tous les porteurs du virus. Ce timing est-il cohérent ? Yves Horsmans souligne que d'autres pays ont décidé d'offrir directement le traitement à davantage de catégories de patients. "La véritable question est de savoir ce que la société est prête à dépenser pour soigner ce type de pathologie. Ce débat est d'autant plus complexe que les prix des traitements sont négociés directement dans le cadre de l'article 81 (*). Dans un budget des soins de santé fermé, de plus en plus sous pression, que faut-il consacrer au diabète, au cancer X, à l'hémophilie... ? Les politiciens et les mutuelles ont l'impression de mieux le savoir que nous." En contrepartie de l'élargissement du remboursement, les autorités veulent améliorer l'enregistrement des résultats des traitements antiviraux VHC. Cette démarche s'inscrit dans le cadre d'une stratégie européenne. En Belgique, cet enregistrement des données relatives aux patients sera de la compétence de la nouvelle structure healthdata dépendant de l'Institut scientifique de santé publique. "Aujourd'hui, les médecins enregistrent la demande de remboursement du traitement via eHealth. Il faut entrer le numéro d'identification national du patient, le nom du traitement, les génotypes et répondre aux critères actuels. A partir du 1er janvier 2017, nous devrons introduire ces données et surtout les résultats, explique Yves Horsmans. Actuellement, nous ne savons pas, via cet enregistrement, si le patient a pris complètement son traitement et s'il est guéri. Sur quelles bases les autorités vont-elles obliger les médecins (hépatologues, gastro-entérologues...) à introduire ces données ? Quand on atteint de tels résultats, quel est l'intérêt de collecter des données supplémentaires? Il est plus important de disposer de registres pour les maladies dont on ne guérit pas. Cette obligation d'enregistrer sert peut-être à promouvoir l'utilisation de la plateforme eHealth."L'hépatologue pointe une forme d'absurdité de la nouvelle réglementation. A partir du 1er janvier, tous les hépatologues, internistes et gastro-entérologues pourront prescrire les traitements contre l'hépatite C à condition d'avoir suivi 50 unités d'accréditation en hépatologie. "Cette spécialité n'est pas reconnue comme telle. Il va donc être difficile d'identifier ces crédits lors de colloques belges et étrangers. Les auteurs de cette réglementation ne connaissent pas la réalité de terrain. Conséquence de cette mesure : afin de pouvoir prescrire ces traitements, les infectiologues devraient assister à des congrès d'hépatologie alors qu'ils s'occupent sans doute mieux des patients co-infectés que les hépatologues. Dans le cas d'une double infection HVC et VIH, le patient va continuer à être suivi par l'infectiologue après avoir été traité pour son hépatite C. Quel intérêt il y aurait-il à continuer de le faire suivre par un hépatologue?" * L'article 81 offre la possibilité de négocier des conventions et contrats entre les firmes et l'Inami pour l'obtention d'un remboursement provisoire.