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En dehors d'entités particulières comme les mutuelles ou les syndicats médicaux, les experts francophones n'ont pas pris l'initiative de se réunir pour donner leurs avis sur l'avenir des soins de santé alors que ce sujet est considéré comme le plus important par les citoyens tandis que leurs collègues néerlandophones ont eu le courage de dépasser leurs oppositions et d'arriver à une seule et même vision via des discussions intenses et une compréhension réciproque.Ont-ils disparu sous la pression d'opinions partisanes ou bien le sujet devient-il secondaire à l'heure où l'avenir du climat fait recette?J'ai donc pris l'initiative de vous donner mon opinion avec le recul de presque cinquante ans d'expérience professionnelle et j'espère ainsi inciter mes collègues à reprendre l'initiative de la réflexion en vue d'éventuels consensus basés sur une analyse non partisane de la situation des soins de santé dans notre pays et plus particulièrement en Fédération Wallonie-Bruxelles afin d'informer les politiciens avant les élections.L'idée majeure de nos collègues flamands est de modifier notre vision d'avenir pour qu'en 2040 la majorité des Belges vivent le plus longtemps possible en bonne santé qualitativement plutôt que de se battre constamment pour la guérison à tout prix.Cette idée met en évidence un rapprochement de l'amélioration de l'état de santé et de bien-être plutôt que de favoriser les soins de santé curatifs acharnés.Il ne servirait à rien de guérir d'une maladie grave si ce n'est pour vivre qualitativement fortement diminué et malheureux.Cela demanderait aussi un investissement majeur dans une politique de prévention ciblée.S'il est vrai que la Belgique pourrait en effet investir d'une manière plus importante dans ce domaine (actuellement 2%) elle devrait avant tout arrêter cette politique de séparation de la prévention et du curatif basée sur des responsabilités régionales et fédérales séparées.La réintégration indispensable de ces deux parties indivisibles de la politique de santé devrait faire partie d'une 7e réforme de l'Etat mais cela n'en prend manifestement pas le chemin.La réflexion de nos amis néerlandophones me paraît, dans ce sens, plus régionale que fédérale même si et c'est heureux ils ne font allusion à aucune tendance de ce type.Avant toute chose et j'appuie leurs revendications, il faut réunir les données sanitaires pour créer un tableau de bord alimenté constamment par des informations publiques intégrées du terrain et des autorités de santé (régions, Inami, SPF, Alliance intermutualiste) qui permettront d'actionner un GPS à action rapide basé uniquement sur des réflexions scientifiques à l'abri des décisions financièrement partisanes à la gloire de politiciens locaux ou des organisations liées historiquement à leurs partis ou encore à des syndicats professionnels.Ce GPS orientant les politiques futures devrait sélectionner des préventions ciblées et démontrant leur efficacité pour éviter plus tard des pathologies nécessitant des dépenses curatives importantes mais aussi des excès dans la prévention généralisée peu efficiente.Il améliorera aussi la littératie en santé en accroissant la capacité des professionnels et des patients à trouver, comprendre et à utiliser l'information de santé de base, les options de traitement et à prendre des décisions éclairées concernant son avenir sanitaire (options défendues par les Mutualités Libres).Le problème financier est évidemment au centre des réflexions et surtout des réponses négatives d'un syndicat médical.Presque toutes les études d'économie de santé sont en faveur d'un système mixte (actes et forfaits) et nos propres recherches scientifiques (Laboratoire d'économie de santé de l'Ecole de santé publique de L'ULB) démontrent la nécessité de cette dualité pour faire face à une rémunération juste et la plus proche de la réalité en soins de santé (prix de revient). Il est surtout indispensable de progresser vers une nouvelle nomenclature pour certains actes et pathologies complexes à haute variabilité ou pour la rémunération de l'acte intellectuel ou physique du médecin et vers des forfaits englobant les frais hospitaliers et les charges indirectes de l'activité médicale.Nos collègues néerlandophones (1) sont d'accord avec ces principes mais il faudra juger cas par cas dans l'application de ces nouvelles méthodes de rémunérations des activités professionnelles médicales.Les économies éventuelles réalisées par la diminution de la surconsommation devront être réinvesties dans un accroissement de la solidarité mais surtout dans l'absorption des innovations y compris celles qui aujourd'hui ont été écartées du remboursement par l'assurance - maladie obligatoire si elles se révèlent scientifiquement efficaces. L'échelle de priorité dans les remboursements doit correspondre à l'alignement sur les objectifs de vie en bonne santé définis selon les constatations réalisées dans l'analyse des dossiers de terrain.Quant aux fameux suppléments d'honoraires, cette très mauvaise solution de 1964 approuvée par les mutuelles et les syndicats médicaux pour faire face à l'impossibilité de rémunérer convenablement les médecins à la hauteur de leurs confrères européens, ils donnent une image d'activité commerciale inégalitaire de notre profession.Ils doivent disparaître mais ceci ne pourra se faire que par une revalorisation des forfaits et une nouvelle nomenclature dans le cadre d'un budget de l'assurance-maladie obligatoire revalorisé et au niveau de la rémunération des médecins de la plupart des pays à l'origine de la Communauté européenne.Les experts du Nord du pays proposent d'abattre les murs entre les silos créés par les différents budgets professionnels de l'Inami. Ils ont entièrement raison et j'ajouterais qu'un budget transversal par pathologie est réclamé par la plupart des experts belges pour favoriser les soins transmuraux et abolir les systèmes de santé construits en lignes rivales non communicantes.Les intérêts professionnels et financiers ont toujours empêché cette intégration. Je me souviens de l'interdiction faite par les représentants des organismes assureurs d'envisager les gains réalisés par de nouveaux médicaments dans les budgets extrapharmaceutiques. Heureusement cela a changé progressivement et les trajets de soins sont là pour démontrer que cet objectif est réalisable.La participation du citoyen est mise en évidence par nos experts flamands et est rendue indispensable par l'accélération de l'accès à l'information et la volonté des patients de participer eux-mêmes au choix concernant leur santé et par conséquent leur avenir.Ils ne sont pas représentés par les organismes assureurs mais bien par eux-mêmes et leurs associations. Leur présence dans la gestion de l'assurance-maladie et des infrastructures sanitaires me parait incontournable et légitime.Les défis à relever en matière de soins de santé représentent un challenge difficile mais réalisable pour apporter des solutions efficientes et respectueuses des droits des patients dans les années à venir.La transformation de plus en plus rapide de nos métiers sanitaires par l'apport des nouvelles technologies de communication représente la plus grande difficulté d'adaptation du corps médical, pharmaceutique et infirmier aux possibilités extraordinaires offertes par les outils actuellement sur le marché et ceux en voie de commercialisation.Nos études ne nous ont pas enseigné les rudiments informatiques nécessaires à la maîtrise de la télémétrie, de la télématique des instruments diagnostiques et thérapeutiques électroniques permettant un exercice de la médecine plus efficient au service de nos patients ainsi que du respect de leurs droits et la protection de leurs données.La résolution de cette équation passe par un investissement important nécessaire à la réalisation des bons choix dans ces matières complexes.Les jeunes générations répondent à ce challenge mais il faudra adapter les infrastructures sanitaires et le système de valorisation financière des services rendus pour tenir compte de ce bouleversement sous peine de voir s'effondrer la qualité de notre médecine par l'envahissement de gadgets et d'instruments inutiles, coûteux et irrespectueux des droits des patients.L'évaluation de l'innovation par des études qualitatives et de coût-efficacité sera absolument nécessaire (Health Technology Assesment) ainsi que l'application de règlements stricts sur le respect de la confidentialité des données (RGPD))La mise en place des réseaux hospitaliers qu'ils soient géographiques ou philosophiques est indispensable pour améliorer la qualité des services.Leur intégration transmurale avec les soins de santé extrahospitaliers doit permettre la destruction des frontières dressées entre médecine générale et médecine hospitalière.La santé est unique et ne peut se satisfaire de murs, d'amertumes réciproques et de non respect de la volonté des patients dans le choix de leurs professionnels de santéLe financement des soins de santé doit être revu par une rémunération correcte des acteurs en fonction des résultats cliniques évalués et du prix de revient des pathologies et non plus du nombre d'actes accomplis, de la spécialité exercée ou d'une nomenclature obsolète.Un autre défi pour maintenir l'accessibilité à des soins de qualité devra entraîner une révision du systèmes d'assurance maladie, vieux de presque 200 ans, afin d'offrir une assurance maladie obligatoire universelle englobant l'assurance complémentaire évitant le remboursement de n'importe quel produit ou activités non essentielles (cotisations de sport, margarine, etc. .).Une assurance maladie obligatoire remboursant des soins de santé évalués par des scientifiques dépolitisés, médecins et économistes de santé, doit permettre d'aborder les défis démographiques et économiques de l'avenir en faisant face à l'accroissement des coûts par l'exigence de la démonstration de leur efficience et du respect des droits des patients.Enfin, l'accent de nos collègues néerlandophones est mis en évidence sur la formation et je ne peux être d'accord avec les prises de position du GBS qualifiant les spécialités y compris la médecine générale de formations essentiellement professionnelles et non académiques.Une formation principalement scientifique et académique est essentielle pour assurer l'avenir des spécialités dans une médecine en constante évolution. La formation mixte actuelle est certainement favorable mais le lieu majoritaire dans les universités est la garantie d'un apprentissage qualitatif et surtout en constante liaison avec l'évolution des sciences médicales translationnelles dans un monde qui change à une vitesse vertigineuse.En conclusion, j'invite les experts francophones à critiquer mes propos et surtout à construire entre scientifiques et professionnels un nouveau système de santé porteur d'un passé très fructueux qui place notre pays dans les meilleurs dispensateurs de soins mondiaux au niveau de l'accessibilité et de la qualité des soins et d'un avenir faisant place aux soins innovants et aux nouvelles technologies dans l'intérêt de la croissance de la longévité mais surtout de la qualité du bien-être et de la santé.1. Un New Deal dans les soins de santé, jdM N°2576. Pr Alain De Wever