Le CHU de Charleroi (ISPPC) a été le premier hôpital accrédité en Belgique par la HAS. Retour d'expérience avec le Dr Frédéric Flamand, directeur général pôle hospitalier et soins de santé, et Lydia Bossio, directrice du département qualité gestion des risques médico-soignants de l'ISPPC-CHU de Charleroi.
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Le journal du Médecin: Quelle est la plus-value de l'accréditation Haute autorité de santé (HAS) par rapport à d'autres modèle d'accréditation? Lydia Bossio: Notre objectif principal reste évidemment l'amélioration de la qualité des soins dispensés à nos patients au sein de notre réseau de soins. Mais, on ne va pas se mentir: les facteurs de la langue, de la culture et de la proximité jouent. L'accessibilité aussi. C'est un modèle d'accréditation très ouvert. Les informations sont facilement accessibles par rapport à d'autres systèmes où il faut parfois payer pour les obtenir. L'accréditation prend de l'ampleur en Belgique, mais elle est installée en France depuis plus longtemps. Au niveau des experts visiteurs, 80% étaient des médecins. Au niveau du poids que peut avoir une visite externe, le fait d'avoir cette représentation de médecins était important. Il était plus facile d'échanger les pratiques avec des médecins. Frédéric Flamand: En 2015, nous avons eu des premiers contacts avec la HAS. La HAS n'était alors jamais sortie de France, excepté Monaco. Elle désirait s'exporter à l'étranger. Après plusieurs années de discussions, un protocole a été signé en 2017 entre l'ISPPC-CHU de Charleroi et la HAS. Nous avons mis un département sur pied pour lancer le processus d'accréditation en 2018. Nous avons travaillé de manière acharnée pendant 11 mois. Pour la HAS, c'était un projet pilote. Manifestement, cela a fonctionné puisque autant l'Aviq que la HAS sont satisfaits de l'expérience: ils ont signé un protocole d'accord pour plébisciter la HAS pour accréditer l'ensemble des hôpitaux wallons. En vue du prochain groupement entre l'hôpital de Chimay et le CHU de Charleroi-ISPPC en septembre 2023, au sein du réseau Humani, il était important de consolider nos relations avec nos voisins français. Nous avons par exemple de bonnes relations avec le CHU de Lille. Et surtout, nous avons un bassin de soin poreux, avec des zones de soins transfrontaliers. Il était important de pouvoir accueillir des patients français qui puissent s'identifier à une institution dont les normes sont reconnues par leur pays d'origine. Donc, cela n'avait pas de sens d'aller vers le JCI ou l'ACI. L'ACI est disponible en français, mais ce ne sont pas les mêmes concepts que ceux développés en Belgique. Certains hôpitaux ont dû traduire la pensée canadienne qui ne correspond pas forcément à la nôtre. En France, le système de santé est certes différent, mais la manière de soigner est la même. Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez dû faire face? F.F.:(Réflexion) C'était un projet pilote. Le référentiel HAS était conçu par rapport à la législation française. Il y a des choses qui diffèrent par rapport à la Belgique. La HAS a dû adapter son référentiel à la législation belge. Cela n'a pas été simple, mais nous avons pu passer outre cet obstacle. L.B: Nous étions dans une démarche d'amélioration continue. Il y a eu beaucoup de discussions pour s'approprier le contexte belge. Ensuite, ce n'est pas propre à la HAS, mais un des problèmes de l'accréditation est l'a priori "procédure" qui est prégnant dans l'imaginaire du personnel. Alors qu'il s'agit d'un des maillons de la chaîne de qualité des soins - qui est indispensable - et de la culture de soins que nous souhaitons développer. La qualité n'est pas qu'une question de procédures, mais aussi une question de culture à développer. Est-ce que la pénurie de personnel est prise en compte? D'aucuns se sont plaints du manque de considération de ce point dans d'autres modèles d'accréditation, surtout depuis la crise du covid. L.B.: C'est peut-être la différence de la HAS avec d'autres modèles: il n'y a pas de boutons ON/OFF. S'il y a bien sûr des critères impératifs (on ne peut pas, sous prétexte d'une pénurie de personnel, oublier certains actes), la HAS propose un système qui engage davantage le patient. Le côté humain est vraiment pris en compte dans le référentiel français. Ce référentiel tient compte de la pénurie. Il y a des choses qui doivent être mises en place au niveau de la gouvernance notamment. Il y a des possibilités de dialogue. Il y a une évaluation de la démarche, de la vision, de la volonté de l'hôpital. Je pense aussi que la grande proportion de médecins parmi les experts constitue une ouverture au dialogue par rapport aux non-professionnels de la santé armés de grilles et de cases à cocher. Il y a une discussion, une recherche qui se fait avec le professionnel. La HAS, dans sa dernière version, est davantage orientée résultat. Pour aller chercher ce résultat, 47% du référentiel est concentré sur le patient. L'hôpital, pour être accrédité, doit se questionner sur le patient. Est-ce que le résultat obtenu était le résultat attendu par le patient? Cette orientation donne du sens, une vision claire de ce qui est attendu par une institution. Il ne s'agit pas uniquement de répondre à un référentiel parfois éloigné de la réalité du terrain. Cela donne du sens à la démarche d'accréditation. S'il manque de bras, l'engagement des travailleurs reste présent. F.F.: Sur le terrain, les équipes étaient contentes de participer à l'accréditation. Cela m'a agréablement surpris. Il y a la pénurie, mais surtout le manque de financement des hôpitaux. Ce protocole d'accord de l'Aviq est très bien, mais il manque toujours ce financement qui pousse les hôpitaux à s'accréditer. Notre département qualité est financé sur fonds propres. Ce n'est pas obligatoire, mais recommandé. Alors il serait bien qu'un financement soit débloqué. Justement, certaines institutions hésitent, après quelques cycles d'accréditation, à arrêter les frais. L.B.: Plusieurs institutions, davantage en Flandre qu'en Wallonie, ont réalisé plusieurs cycles d'accréditation et se sentent assez solides pour poursuivre un processus de qualité en interne. C'est une question de maturité. C'est quelque chose qui peut fonctionner à moyen terme. Mais à long terme, un point de vue externe est nécessaire. C'est comme un radar sur l'autoroute qui flashe lorsqu'on roule trop vite: c'est un rappel à l'ordre. Peut-être qu'un jour, on pourra s'en passer, mais aujourd'hui, il est trop tôt. Un processus d'accréditation est une pression positive sur les hôpitaux et les prestataires de soins. Quelle plus-value la HAS peut-elle apporter aux hôpitaux wallons? F.F.: Le contrôle de la qualité doit émaner d'une structure régalienne. Il est important que cela soit une structure publique. La HAS n'a pas d'actionnaires, ne fait pas de bénéfices. Concernant le choix de l'Aviq de collaborer avec la HAS, je pense à titre personnel que ce choix est motivé d'une part car le modèle est facilement adaptable grâce à l'expérience menée dans nos murs, et d'autre part, qu'il s'agit d'une structure publique. Est-ce qu'une autorité belge pourrait réaliser ce travail d'accréditation à long terme? F.F.: C'est une question à poser à l'Aviq. C'est une compétence régionale et non fédérale. Cela incombe à l'inspection normative. Et vous connaissez les moyens financiers de la Région wallonne...Alors est-ce qu'il faut investir dans un modèle d'accréditation propre et des nouvelles équipes alors qu'il y a un modèle public fonctionnel disponible et adapté à la législation? Poser la question est y répondre.