Comment avez-vous commencé le "syndicalisme médical" ?
En 1977, je rentre des Etats-Unis. A l'époque, on démarre la chirurgie cardiaque à l'hôpital. Les gens du conseil médical de l'hôpital Molière me disent : "il serait bon que tu te présentes comme candidat administrateur à la Chambre de Bruxelles." A l'époque, seul un chirurgien y est inscrit. Il n'a pas très envie de continuer. J'y vais donc, missionné par l'hôpital.
Une paie...
Eh oui. Comme toujours, dans ce genre de machin, tu n'y comprends rien. Donc tu écoutes... Peu de temps après, arrive la grève des médecins de 1980. Avec la bande de "jeunes administrateurs fous", on fait de l'agit-prop. On établit un "Bureau de la propagande" dans un bâtiment d'Uccle où se réunit notamment la société de gastro-entérologie... Tous les soirs a lieu une "réunion d'information" où Wynen et Farber (les Drs André Wynen et Joseph Farber, figures tutélaires de la représentation médicale fondèrent ensemble les Chambres syndicales des médecins, en 1963, pour s'opposer à la loi Leburton sur l'assurance maladie, ndlr). "communiquent"... Nous assurons le rôle de colleurs d'affiche. J'ai 34 ans. On prépare les papiers à distribuer aux médecins afin de mener la contre-propagande. Nous disposions d'une stencileuse. Puis on part en bagnole distribuer tout cela dans les boîtes à lettre des Bruxellois. Dans les réunions, on ne dit pas grand-chose car nous sommes des "petits jeunes" qui ne savent rien. Mais on intervient de temps en temps.
Après la grève, que se passe-t-il ?
Farber exprime rapidement son souhait de faire de moi un syndicaliste... Wynen est d'accord. Pour être sûr que je n'emmerde personne mais que je me rende utile, on me colle la nomenclature. Personne ne voulait le faire car ça prend énormément de temps. J'acquiesce. Je suis donc nommé au CTM (conseil technique médical, qui formule des propositions de modifications de la nomenclature des prestations de soins de santé, ndlr). J'y siège normalement comme les autres membres. Je participe à tous les groupes de travail. Histoire de comprendre comment ça marche. Le président du CTM de l'époque, Marcel Franckson (membre de la Résistance intérieure belge, professeur de médecine de l'ULB, ndlr), grand monsieur, me prend sous son aile. Il était pote de guindaille de mon père à l'ULB. Il me connaissait bien. J'ai travaillé avec lui. Le CTM correspondait à la commission "poly-spécialisée" à l'Absym. C'était l'étripage à l'époque entre les spécialités. Mais des biologistes m'aident à faire passer des choses au CTM. On pond des textes d'accommodement qui font consensus. C'est de la diplomatie. Je prendrai la présidence du CTM en 1992. Ma connaissance de la nomenclature, c'est donc le plus grand des hasards.
La nomenclature, le nerf de la guerre
Si vous aviez pu choisir, vous auriez préféré autre chose?
Vous savez : c'est très terne en apparence. Ce sont des datas. C'est pas glamour... Mais plus je vieillis plus je me rends compte de l'importance de la nomenclature. Wynen disait : "Les médecins c'est aussi des portefeuilles sur pattes." C'est le nerf de la guerre.
Ensuite, vous avez accepté d'être président de l'Absym...
Suite aux problèmes de santé de Farber, la Chambre de Bruxelles m'élit président. Ce n'était pas évident de succéder à un tel homme au surplus malade... Ceci dit, il m'emmenait déjà chaque mois au Bureau fédéral de l'Absym qui se passait chez Wynen, sans sa maison de Braine-l'Alleud. Nous formons un petit cénacle constitué des deux représentants de chaque chambre syndicale... Certains comme Michel Masson (président honoraire des Chambres syndicales de Liège-Luxembourg, ndlr) siègent au Service du contrôle médical, Wynen s'occupe des hôpitaux, moi de la nomenclature... De facto, on partage les tâches.
Wynen est le primus inter pares...
Oui, les statuts prévoient une alternance linguistique néerlandophone-francophone. Mais Wynen ne l'entend pas ainsi et demeure président, prétendant parler néerlandais d'ailleurs. Après son accident de vélo, il doit prendre du champ. On nomme Beckers président (bras droit d'André Wynen, le Dr Louis Beckers devint président de l'Absym en 1992 et occupa ce poste jusqu'en 1995. Il fonda en 1981 le VAS, aile flamande de l'Absym, ndlr). Et l'alternance linguistique prend forme. En 1995, je prends la présidence "francophone" de l'Absym en alternance.
Une kyrielle de ministres socialistes
Vous avez donc connu une kyrielle de ministres de la Santé publique et des Affaires sociales...
En près de 30 ans de syndicalisme médical, je ne me suis frotté qu'à des socialistes. J'ai commencé avec Philippe Busquin en 1989. Les ministres CVP dans les années 80, je ne les ai pas connus. Je n'étais pas à ce niveau. Concernant Jean-Luc Dehaene qui vota la loi sur les hôpitaux en 87, je l'ai connu plus tard lorsqu'on était en pétard avec Magda De Galan et surtout Marcel Colla... A cette époque, Dehaene doit reprendre la main. Je le rencontre tout seul.
Finalement, tous ces ministres assurent une grande continuité dans l'action publique. Vous vous entendiez bien avec Magda De Galan, il nous semble, mais moins avec Marcel Colla...
Avec Colla, on ne s'entend pas du tout. Il est l'homme du nivellement. Il fait voter l'autonomie des kinés, une mesure agressive mais au bout du compte pas mauvaise... C'est lui qui, dans son cabinet, crée le Cartel ! De Galan, aux Affaires sociales, maintient l'équilibre. Le ministre Anselme assure l'intermède. Ensuite, j'ai connu Rudy Demotte, Franck Vandenbroucke, Laurette Onkelinx,...
Et des écologistes...
Je me souviens de Magda Aelvoet (Agalev) dans le gouvernement Verhofstadt I en binôme avec Vandenbroucke.
Maggie De Block, on ne l'a pas vue !
Comment l'Absym est-elle parvenueà maintenir le cap , avec cette succession de ministres avec une vision de la médecine et de la santé publique somme toute très différente ?
Honnêtement, on n'est pas arrivé à tout maintenir... Le monde évolue. Les politiques transforment ce qu'ils ressentent chez leur militant, dans la population et aujourd'hui sur internet. On ne peut pas décréter : "C'était mieux il y a 40 ans. Il faut que cela reste." On a dû accepter des choses qu'on aimait pas mais que les ministres voulaient absolument développer. Comme les maisons médicales, le forfait en médecine générale. La tendance de fond des socialistes, c'est le forfait. Ce que nous défendons dans la médecine à l'acte, c'est que le médecin soit payé pour ce qu'il fait et non pour ce qu'il est. Si on te donne un forfait et que derrière, il n'y a pas d'obligation d'un service de qualité rendu, et qu'on dit "il assure la santé de la population", c'est une escroquerie. Nous disons que le médecin doit être suffisamment motivé pour travailler et que son argent dépende du boulot qu'il fait. Bien sûr, la médecine à l'acte peut pousser à la surconsommation. Mais le forfait sans contrainte peut déboucher sur une baisse de productivité. Si tu es salarié, un "contremaître" peut encore venir te demander d'accélérer la cadence. Mais en matière de forfait, personne ne regarde. Cela, les politiques le voulaient et l'on fait avancer au fur et à mesure. Si le médecin est payé pour ce qu'il fait, il peut organiser sa vie comme il l'entend. C'est une vision individuelle. Il s'occupe de son malade. La vision qu'il se fiche du tarif est dépassée. Bien sûr que le médecin doit être responsabilisé financièrement. Un moment, le combat était : on ne veut pas de ça. Soit on ne l'a pas bien mené, soit c'était idiot de s'y opposer. On n'a donc pas pu mener à bien tous les combats.
Maîtrise de l'outil
Qu'avez-vous pu sauver ?
Une certaine maîtrise de l'outil... Quand tu as un forfait, lorsque tu cours derrière un subside, tu es obligé pour l'obtenir de travailler comme on te dit de travailler. Par exemple, la vision de Domus Medica, c'est : à partir de 17 h 00, il est interdit d'encore travailler. Car c'est la garde qui commence. Donc tu perds la liberté de travailler comme tu l'entends. Soit on te dit : il faut prescrire tel type d'antibiotiques, il faut suivre tel guideline, tel trajet de soins. Notre vision c'est : si notre patient/client encore en bonne santé vient nous revoir, c'est qu'il nous considère comme son avocat. C'est cela qui est derrière. On n'a pas toujours pu faire passer ce genre d'idée car c'est un peu compliqué à expliquer. Mais on a quand même pu maintenir une certaine philosophie...
Dans les hôpitaux aussi ?
Dans les hôpitaux, les médecins ont perdu la capacité de décider. En 1987, mes prédécesseurs, dans la loi sur les hôpitaux, avaient essayé de négocier le pouvoir des conseils médicaux. C'étaient peu de chose mais mieux qu'avant. Mais les médecins ne se sont pas emparés de l'outil pour en faire quelque chose. Depuis lors, on assiste d'ailleurs à un clivage nord-sud. Avec des médecins flamands entrepreneurs et des médecins wallons à la recherche de subsides. Cette technique du subside, elle est perverse. Parce que tu deviens toi-même le quémandeur de celui qui a l'argent. Ce dernier se permet alors de te dire comment tu dois te comporter avec cet argent. Cela va très loin : il te dit quel service tu peux avoir, quelle machine. Tu rentres dans les copinages... La résonance magnétique, on a toujours voulu la rendre accessible et cela fait 30 ans qu' "ils" s'acharnent à la rendre inaccessible. Au nom du "on va surconsommer". Donc là on n'a pas gagné tous les combats...
Comme il est évident qu'on ne recevra pas d'argent, on demande autre chose.
Quand avez-vous gagné ?
Eh bien, c'est très intéressant pour la mécanique du système : on a gagné, dans les hôpitaux, lorsqu'on s'est trouvé en situation d'impasse en médico-mut ou lorsque le politique veut "en sortir" et les intermédiaires comme Jo De Cock qui viennent faire du "verzoening", du bilatéral en allant voir les uns et les autres pour débloquer la situation. Alors on répond : on nous a pris de l'argent donc on a cassé l'accord. Comme il est évident qu'on ne recevra pas d'argent, on demande autre chose. On a demandé du pouvoir dans les hôpitaux. Et on a reçu le conseil médical nouvelle mouture tel qu'il est inscrit dans les réseaux. A chaque fois on y arrive : on peut obtenir des choses en dehors du conflit qui fout la merde en échange d'accepter le peu qu'on nous sert. Cela marche avec certains ministres, pas avec d'autres... C'est une question de confiance.
Conservateurs
Globalement, cette confiance fut présente ?
Non. Certainement pas au début. Notre réputation conservatrice, limite " N-VA francophone " est une donnée du problème.
Lorsqu'on voit nos enquêtes d'opinion : du côté flamand, 60% des médecins flamands votent N-VA, et 45% MR...
On a toujours eu cette réputation. Cela m'a toujours fort choqué. J'ai fait toute ma carrière médicale dans un hôpital public ! On ne court pas derrière le fric ! Mais nous n'étions pas bien vus. La seule manière d'être bien considérés (pour autant que cela soit un but en soi), c'est d'accepter de dialoguer et donc de lâcher des trucs.
Le plus mauvais, ce fut Rudy Demotte.
Maggie De Block, plus proche philosophiquement de vous, a été conforme à ce que vous attendiez ?
On ne l'a pas vue ! Il faut savoir que les libéraux flamands, depuis que je les fréquente comme Karl De Gucht que j'ai croisé à l'époque de De Galan et qui nous a reçu comme des chiens, pour eux, les médecins sont un coût pour la société, pour le patronat. Et donc, moins on les paie, mieux c'est. Les pires adversaires des médecins pour les questions d'argent, ce sont les libéraux flamands. Farber m'avait bien fait comprendre que l'Absym doit discuter avec des gens qui ont beaucoup de "préalables", de préjugés. Cela n'a pu s'améliorer qu'avec le temps. Le plus mauvais, ce fut Rudy Demotte (ndlr : premier ministre à la fois des Affaires sociales et de la Santé publique - juillet 2003 - juillet 2007 (4 ans et 6 jours)).
Ah ?
Oui. Ce type est une catastrophe. Fondamentalement, cette matière ne l'intéressait pas. Très Vande Lanotte : "Je suis ici par la volonté du peuple et vous n'avez qu'à faire ce que je dicte." C'est celui qui convoque des états généraux des prestataires de soins (médecins, kinés, infirmiers...) dans une grande salle qui réunit 300 personnes dans un auditoire pour 11 h 00... et il arrive à 12 h 15. Donc on s'est croisé... Je suis sorti et il arrivait à cette heure-là, avec sa garde rapprochée. "M. le ministre, je vous salue", dis-je. "Vous partez ?" "Oui : vous êtes trop en retard.". Je ne supporte pas cela. On n'était pas considérés du tout.
Une chose qu'il est parvenu à faire, c'est de garder le budget dans les clous. Il s'en vantait...
Non, ce n'est pas vrai. Il y a eu une panique en 2005 parce que le budget dérapait. A tel point qu'on a connu la première rafale de mesures d'économies. On a adapté la loi notamment pour légaliser le fait que le ministre pouvait court-circuiter le conseil médical et imposer sa nomenclature. Moins 20% pour les gastro-entérologues qui avaient dépassé un peu en raison d'une décision que pour rembourser les IPP il fallait uns gastroscopie tous les 6 mois !
Diviser pour mieux régner
Le fait de gérer à la fois le portefeuille de la Santé publique et des Affaires sociales, c'est mieux, selon vous ?
Pas vraiment, car lorsqu'il y en a deux, on peut diviser pour mieux régner. Il faut aussi reconnaître que la Santé publique, il y a de moins en moins de choses à gérer puisque cela devient de plus en plus communautaire et régionalisé...
Concernant les mutuelles, il y a 20 ans, on avait l'impression entre vous d'une guerre perpétuelle. Aujourd'hui, c'est un peu plus convivial...
A part aux Mutualités chrétiennes. Ils sont insupportables !
Vous ressentez une guérilla permanente ?
Je mettrais cela à l'envers : certaines mutuelles, on ne les voit jamais. Les Neutres, par exemple, les Libérales, la SNCB. On a de bonnes relations avec les socialistes et les libres. C'est l'histoire. Cela a commencé du temps de Moureaux. Les patrons des Mutualités socialistes étaient Guy Peeters et Bernard De Backer. Bernard De Backer est devenu un ami. Nous nous voyions de temps en temps. Ce n'est pas une raison de se mettre à plat ventre mais ça crée des liens. Ça a joué. Trois-quatre fois par an, nous allions les voir. Maintenant, c'est Callewart, Labille, Laasman... On se voit. On se fait un agenda de "disputes". On essaie de comprendre. On met les choses à plat. Même si l'on se quitte sur un désaccord, on se comprend. C'est intéressant.
Labille fait très "apparatchik"...
Il est beaucoup plus politique en effet. Mais Laasman est très bien. Ils ont un bon niveau. Ils sont beaucoup plus pragmatiques, paradoxalement, que les Chrétiens. Ils sont moins dogmatiques. Notamment sur les suppléments d'honoraires. Les Chrétiens veulent les supprimer...
D'un côté, on a l'impression d'une grande fermeté, mais vous nous apparaissez plus comme "entristes". Vous avez une stratégie de compréhension quitte à aller au clash si nécessaire...
C'est ma grande différence par rapport à Wynen. Il disait toujours qu'il faut abattre son adversaire. Sinon il revient sur le ring la fois suivante. Je n'aime pas les clashs. Je préfère discuter. Ça prend du temps bien sûr. J'aime beaucoup l'idée d'entrisme. C'est du Trotski. J'ai plaidé cela dans un conseil d'administration dans les années 80...
Présidence d'eHealth
C'est ainsi que vous avez accepté des postes comme la présidence d'e-Health, par exemple ?
Tout à fait. Des postes qui sont très neutres. Le président du CTM ne vote pas par exemple. Je mets de l'huile là où cela coince. Quand il y a un souci, je vois avec le cabinet. Avec le cabinet De Block, cela a très bien fonctionné, je dois dire. Par exemple, la polémique sur les mammographies a pu être circonscrite. Avec Onkelinx, c'était pas la peine. Une fois qu'elle avait décidé, c'était cuit... C'est un boulot très administratif... Le président du CTM n'est pas fonctionnaire. Il gagne 4.500 euros par an d'indemnités. Mais c'est quand même une sorte de sous-parastatal. On est dans une logique hiérarchique qui peut vous mettre en porte-à-faux avec votre combat syndical. Mais ce n'est pas un poste de décision. Donc ça va. C'est de la magistrature d'influence.
Et donc, président du comité de gestion de eHealth ?
C'est pareil. On coupe les rubans. Le patron, c'est l'administrateur-général (Franck Robben, ndlr). Si Onkelinx m'a bombardé là, c'était pour une fonction facilitatrice - elle arrive aux affaires en 2007 et prend les arrêtés royaux eHealth en 200. A l'été 2006, rappelons-nous l'initiative de Rudy Demotte de faire BHealth. Ce concept est passé en force par Demotte au mois d'août 2006. Marc Moens passe ses vacances à lire l'actualité médicale et s'interroge : c'est quoi ce machin ? Il n'en veut pas évidemment. Donc, pour calmer le jeu, les autorités décident de mouiller l'Absym en lui confiant un des postes en se disant "ainsi il n'y aura pas de dérapages". Mais au bout du compte, j'ai joué le super-DRH entre les égos qui frottent, j'ai travaillé derrière les écrans (ndlr : le jdM a largement rendu compte des tensions qui ont régné à l'époque au sommet même de eHealth). On ne perd jamais son temps à dialoguer ! Mais les médecins doivent comprendre que lorsque tu rentres dans un dialogue, in fine, tu n'auras jamais tout ce que tu voulais.
Une culture de dialogue qui n'est pas évidente dans les syndicats...
En effet. Il y a 15 ans, Jo De Cock a lancé les "discussions informelles" pour préparer les accords médico-mut. Chez nous, certains hurlaient. "Comment ? On ne négocie pas !"
Ingratitude
Par rapport à la base médicale, n'y a-t-il pas une ingratitude par rapport à vous, syndicalistes ? On vous dit avides de pouvoir alors que vous le vivez comme un sacerdoce...
L'ingratitude est totale. Moi j'ai réglé cela depuis longtemps grâce à Wynen. Il m'avait dit "le secret du bonheur conjugal c'est de mettre sa femme dans le même boulot". Elle comprend pourquoi on est dans la merde, pourquoi on a des soucis... C'est ce que j'ai fait.
On a l'impression que (et Marc Moens également) vous avez une vision encore assez "belge" du système avec l'idée de fonctionner avec les communautés ensemble, en consensus. C'est aussi le cas de vos successeurs ?
Non. Ils seront beaucoup plus régionalistes. Ils le sont déjà. La Belgique explose. Donc c'est logique. Faire une assurance maladie avec 4 millions de francophones, comment faire ? Déjà avec 11 millions de Belges c'est un peu court... Je suis choqué de voir la carte météo de la Belgique en deux parties dans les grands quotidiens. Toutes les explications électorales concernent le sud du pays. On ne connaît plus le nord du pays. On ne sait plus ce qui s'y passe. Les oppositions sont différentes entre le nord et le sud.
Bon an mal an, le système de soins de santé belge vous apparaît toujours comme un des meilleurs du monde si on le compare aux Pays-Bas, l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ?
Oui. Le système belge reste un modèle au niveau accessibilité, qualité, liberté de choix du malade... J'ai beaucoup voyagé et je m'en suis rendu compte... D'ailleurs, les pays "dirigistes" sont revenus à la liberté de choix soit générale, soit au moins sectorielle. En Angleterre, à côté du NHS, le patient est libre de faire ce qu'il veut s'il paie. En Belgique, par contre, tu es obligé d'être dans le système. En Suède, le patient devait être soigné obligatoirement dans son district (province, ndlr). La population a hurlé. Ils ont été obligé de libéraliser. Les habitants de la moitié nord, du coup descendaient se faire soigner dans la moitié sud car le système était mauvais dans la partie nord. En Belgique, on ne voit pas ce genre de shift. On a un système qui laisse une place pour une certaine forme de concurrence. Un bon truc pour ce faire, c'est la liberté de choix du malade. Le consommateur choisit d'aller chez son boucher ou au Colruyt... ou au Delhaize. Lorsque tout le monde part chez Delhaize, si l'autre ne comprend pas rapidement, il est mort. Je me suis étripé lors d'un débat avec Karine Lalieux (députée PS, ndlr). La loi sur les hôpitaux est claire : un patient qui le demande doit être soigné au tarif. En l'absence de chambre à deux lits, il est placé dans une chambre à un lit. Ce sont des équilibres subtils entre suppléments d'honoraires et tarifs conventionnels.
Aux Mutualités chrétiennes, ils sont insupportables.
Et en France ?
C'est hallucinant. La médecine publique en France est une caricature. Les autorités sanitaires ont concentré les compétences. Si tu as un cancer digestif, tu es obligé de faire soigner au CHU de Bordeaux. Résultat : trois mois sur les listes d'attente. Je suis allé vérifier : le malade est choyé mais si vous demandez un renseignement, il n'y a personne. Le vendredi à 15 h, l'activité s'arrête. En cas de pépin, le chef de service ne revient pas. Le mec de garde se débrouille comme Cendrillon. Le malade voit une seule fois le patron du service qui va l'opérer. Puis c'est tout. Il y a des protocoles partout. Il faut trois jours pour décider de ce qu'on va faire avec un abcès intestinal. Sur le papier, c'est un beau système centralisé. Mais si tu te rends dans ton hôpital régional avec un problème avec ton drain, ils ne savent pas gérer. Il faut retourner à Bordeaux ! La Belgique échappe à cela : tu es aussi bien ou aussi mal soigné partout.
Suppléments d'honoraires ou honoraires libres ?
Les suppléments d'honoraire ont mauvaise presse. Imagine-t-on le remplacer par autre chose ? Les Mutualités chrétiennes ont des propositions d'allocation différente...
Il faut arrêter tout d'abord d'appeler cela des suppléments d'honoraires. Ce sont des honoraires libres. C'est l'honoraire d'une profession libre comme l'avocat. Le médecin dit : "c'est mon tarif". A côté de cela, les autorités garantissent des tarifs sociaux de l'accord médico-mut. 80% des médecins respectent cette convention. Mais le socle c'est la liberté pour le médecin de se conventionner ou pas. S'il ne le fait pas, c'est aussi pour échapper à la logique de supervision du système. Les mutuelles disent : dans ce cas, on ne rembourse plus rien. Mais alors, il faut que le médecin puisse avoir des moyens pour s'équiper. Si tu libéralises, tu permets à un radiologue privé de faire son business. Quand on parle de suppléments, on a toujours l'impression de se faire arnaquer. Comme dans un voyage organisé : il y a un supplément pour la calèche qui t'emmène à la Citadelle. Ce n'est pas compris dans le forfait. Ce sont les dénominations comptables sur la facture qui indiquent "suppléments". C'est l'usage.
On pourrait indiquer "options" comme pour une voiture ?
Oui mais ceci dit, il faut être raisonnable dans les montants demandés. Les médecins ont eu le grand tort de ne pas informer préalablement le patient de tout ce que ça coûte. Absolument tout. Le patient fait alors un choix éclairé. "J'accepte de payer tel montant." En échange de quoi ? C'est essentiel : quand tu vends quoi que ce soit, il y a deux éléments : le prix d'un côté et de l'autre un service. Le service, c'est le médecin qui opère. Le tarif officiel est connu. Pourquoi tu demandes plus ? "Parce que je suis un grand professeur". "Parce que je suis chef de service." "J'ai besoin d'équipement." Je vous prendrai personnellement en charge" (et non une "équipe" de soins). Celui qui demande des suppléments offre d'être votre référent pendant toute l'hospitalisation. Si le patient a subitement 39,5 de température, il s'engage à revenir sur le site hospitalier. Ce n'est pas prévu dans la nomenclature. C'est une disponibilité offerte.
Ce que les patients ne supportent pas, ce sont les mauvaises surprises...
Ça c'est infect ! Il faut combattre cela. Je l'ai fait au Chirec (comme directeur général médical, ndlr)...
Le Chirec a tout de même réduit de 400 à 300% les suppléments maximums...
La moyenne était à 160% dans l'hôpital le plus cher du Chirec, Cavell, et c'est tombé à 140% de moyenne.
On parle rarement des moyennes dans la presse grand public...
Tout le monde court après la caravane... C'est le plan média des Mutualités chrétiennes ! Les "suppléments" sont en fait indispensables car l'honoraire est insuffisant pour couvrir convenablement le matériel. Rendez-vous compte que dans un grand hôpital belge, on n'a pas pu renouveler les appareils de radiothérapie par manque de moyens financiers. On a donc privé les patients d'un certain nombre d'avancées technologiques. Il faut donc générer des ressources et pour mille raisons, les hôpitaux manquent de moyens. Il faut donc accepter que d'autres gens paient pour ce matériel ou du personnel en plus. Une demi-secrétaire en plus à chaque étage à charge des "suppléments" d'honoraires permet de soulager les aide-soignants. Il faut bien conserver l'outil médico-hospitalier en bon état de fonctionnement. Donc, les fondations sont assurées par l'Inami et si les suppléments n'existent pas, il faut demander des subsides supplémentaires [pour l'innovation]. Dans un hôpital public, la commune couvre le déficit... ou la Région bruxelloise qui mettait 15 millions sur la table pour remettre à flot le réseau Iris. Ils ont été condamnés à l'Europe avant 2005. Mais après cette date, on considère qu'ils font ce qu'ils veulent car c'est un service d'intérêt général. Donc, Iris reçoit des subsides supplémentaires. Mais cela vient de quelque part. Aujourd'hui, cela tourne autour de 6 millions d'euros pour 3.500 lits alors que 4.000 lits privés n'ont pas un ballet ! Le privé doit donc bien générer certaines ressources ! C'est vrai que les personnes insolvables ne sont couvertes que partiellement par le B9 du BMF. Avec retard. Mais la plupart des personnes insolvables sont financées par le CPAS. Il y a une ressource. Mais il y a toujours quelqu'un qui paie. L'outil servant à tout le monde, il ne faut pas être stigmatisant.
Beaucoup de médecins ne savent pas ce que nous faisons !
Et puis il y a les abus...
J'en ai vu beaucoup ! J'ai sanctionné ceux que je pouvais sanctionner au Chirec en fonction de la législation et de la réglementation. Il n'y en a pas eu tant que ça. Mais parfois, c'était "inadmissible" (un mot qui implique un jugement moral).
Les médecins sont taxés sur les suppléments, rappelons-le.
Oui, cela retourne dans le système.
Elections médicales
Lors des dernières élections médicales, le taux de participation était de 24% contre 70% lors de la première édition. N'est-ce pas quelque part un échec du syndicalisme médical en place ? Faudrait-il rendre le vote obligatoire ?
Beaucoup de médecins ne savent pas ce que nous faisons ! C'est notre faute. On n'a pas expliqué suffisamment. En même temps, ils ne s'intéressent pas à la chose. C'est le versus médical de la population tournée vers sa famille, la perte du sens collectif. Ils se concentrent sur l'individu. Les médecins, de plus, ont l'impression que cela ne sert à rien. Lorsqu'on négocie une avancée pour les médecins dans les hôpitaux, s'ils ne s'en servent pas, ils ont l'impression que c'est inutile. Rappelons également qu'on est dans une morosité financière depuis dix ans, depuis la crise financière de 2007. Les gars voient bien qu'ils gagnent moins bien leur vie (même si les masses financières globales démontrent le contraire, sans doute est-ce dû aux taxes ?). Il y a tellement de contraintes que beaucoup de médecins aujourd'hui, cela ne le passionne plus...
N'y a-t-il pas aussi le fait que les gouvernements sont devenus prépondérants ?
Oui, les organismes intermédiaires sont mis de côté. Maggie De Block est convaincue de cela : on n'a plus besoin de tout cela. C'est long. C'est fastidieux. Toutefois, à la grande différence d'Onkelinx qui ne changeait pas d'avis, Maggie De Block consulte et peut changer d'avis. La multiplication des comités et commissions n'aide pas. On crée un collège de ceci, une commission de cela. Et tout le monde veut être président. Le problème c'est qu'il n'y a plus personne qui joue les pigeons voyageurs entre les collèges. Aujourd'hui, tu es le président des stomatologues de Tongres... L'intérêt pour le syndicalisme s'estompe. D'autant que dans une négociation permanente, il n'y a pas de grand moment de rupture, pas de grande victoire. Il n'y a plus de dramatisation non plus.
Des grandes grèves...
Ou des Etats généraux etc. Cela n'intéresse plus personne. Les manifestations non plus. Ce qui intéresse c'est lorsqu'une gamine de 15 ans (ndlr : Greta Thunberg) est balancée dans les médias en disant "moi je vois que le monde s'écroule" et qu'on la propose comme prix Nobel de la Paix. Ça fait du buzz. Il faudrait que nous trouvions un médecin de 15 ans un peu halluciné (rires)...
Sa préférence : le syndicalisme
Quand vous observez l'ensemble de vos carrières (médecin, chirurgien, syndicaliste médical, directeur médical d'un hôpital) qu'est-ce qui vous a apporté le plus de satisfaction ?
Le syndicat !
Parce que ça a été plus dans la durée ?
Ma carrière de chirurgien m'a apporté des plaisirs extraordinaires, des copains,... mais un moment, on se lasse de la routine. Au syndicat, il n'y a jamais de routine. On a le sentiment d'être dans une famille. Ce qui n'existe pas dans un hôpital où tu as toujours des ennemis, des concurrents, tu subis des rumeurs...
Un esprit de corps syndical ?
Attention, j'ai été un victimisé de Wynen pendant vingt ans...
Le " traître "...
Oui... Tout cela parce que lors de ma première présidence, j'ai refusé d'aller le voir chez lui à Mont-Godinne alors qu'il m'avait demandé en 2002 de casser l'accord médico-mut car la loi sur l'euthanasie avait été votée...
C'était son côté résistant de la 2e Guerre mondiale...
Oui. Je lui ai dit : "Ne me demande pas de faire cela". Dans le même temps, il reconnaissait avoir pratiquer des euthanasies. Mais je lui ai expliqué qu'il ne pouvait pas empêcher que la loi soit appliquée. Bien que je craignais que la loi soit mauvaise, on ne pouvait pas dénoncer un accord médico-mut pour cette raison alors que deux-tiers des médecins n'étaient pas opposés à l'idée d'une telle loi.
Avez-vous le sentiment d'avoir laissé un héritage ?
J'espère que non. C'est très mauvais les héritages. Ce n'est pas mon truc.
La transmission ?
Oui si on garde le bon côté des choses : la concertation. C'est très bien. On est là pour délivrer des soins de qualité payables aux patients. Donc il faut défendre la sécu. Et la possibilité d'être plus ou moins dedans. Rien est d'éternel.
Marc Moens et moi-même sommes bons pour le musée.
Mais le secteur vous respecte, même ceux qui vous détestent... C'est le sentiment qu'on a...
Oui et non. Je ne vois pas assez de gens pour être sûr. Ça me fait plaisir car j'aime qu'on m'adule (rires). Je suis très fragile. J'aime être aimé (rires). Par contre, j'ai du mal à avaler les critiques émanant de certains groupes constitués de généralistes. Ça ne correspond pas à ce que j'ai cru faire...
Un conseil à vos successeurs, en tant que président honoraire ?
Aucun. Nous sommes Marc et moi des diplodocus. Bons pour le musée. On gérera encore certains dossiers. Mais la médecine de demain, on ne la vivra pas. Donc ce n'est pas à nous de la penser. D'où le refus de l'héritage et à eux de faire le bilan, l'inventaire. Car sinon je serais trop indulgent...
"L'Ordre des médecins est indispensable"
Votre passage à l'Ordre des médecins, c'est aussi une forme de pigeon voyageur qui crée des liens...
C'est une nouvelle fois le Dr Farber qui m'y a poussé. J'ai démarré au Conseil national de l'Ordre du Brabant wallon/Bruxelles... Toutes les "crasses" qui atterrissent dans les conseils provinciaux, c'est assez incroyable... Je n'ai pas du tout aimé le côté disciplinaire. C'est très désagréable. Se farcir une heure de plaidoirie d'avocats défendant l'indéfendable en voulant démontrer que son client est le meilleur médecin du monde. Par contre, j'ai découvert ce dont certains médecins étaient capables ! C'est instructif ! Mais sous la présidence de Robert Kahn, nous avons été créatifs. On a écrit des textes de consentement sur la greffe d'organes par exemple, inspirés de la Déclaration d'Helsinki rédigée sous l'égide de l'Association médicale mondiale. Ceci a débouché sur la première loi sur la greffe d'organes. Robert Kahn l'a négocié avec les ministres de l'époque.
Mon deuxième sujet de satisfaction, c'est la toxicomanie. Il existait à l'époque des médecins qui faisaient des prescriptions morphiniques dans l'arrière-salle de cafés, notamment Gare du Midi devant 50 personnes debout faisant de la méditation yoga. Ils payaient une consultation importante et reprenait le train pour Paris. On a nettoyé et contribué à deux avancées : on a discuté avec l'ensemble des acteurs de la toxicomanie. Aussi bien ceux qui étaient dans la logique du sevrage que ceux qui étaient favorables à la méthadone ou l'entretien médical de la toxicomanie. Pour comprendre. Ensuite, Robert Kahn et moi-même sommes allés voir le procureur du Roi de Bruxelles. Pour avoir un accord avec lui. Qu'il arrête de pourchasser les toxicomanes comme des délinquants. Concernant les médecins qui prescrivaient à tout crin, l'Ordre s'est engagé à gérer la situation via le disciplinaire mais tout en ne faisant pas obstacle aux dénonciations aux Parquets des prescriptions abusives. Il n'y eut pas de protocole solennel ou de communication à la presse. Ça a tout à fait calmé le jeu.
Comment Magda De Galan est intervenue à l'époque ?
Elle était ministre de la Santé de la Communauté française. On a rédigé cette année-là un arrêté qui prévoit qu'un médecin qui prend en charge des toxicomanes doit avoir la formation ad hoc et doit se faire superviser. Nous avons travaillé avec toutes les associations de terrain. Il y eut un texte de consensus là-dessus en 1994. C'est la partie intéressante de l'Ordre.
Combien de temps y êtes-vous resté ?
Trois mandants de six ans. Le dernier mandat, c'était plutôt pour rendre service car je n'avais aucune envie de le faire. C'était pour contrer l'influence de la médecine anti-âge.
Vous concluez donc à l'indispensabilité de l'Ordre en matière disciplinaire pour s'occuper des brebis galeuses, les tribunaux étant déjà en surcharge ?
Oui. D'ailleurs les professionnels de soins qui n'en ont pas en demande un : les dentistes, etc. Attention, le code de déontologie est un référentiel, pas une bible. Il faut cesser de tout judiciariser et d'invoquer l'article un tel à tout bout de champ. Le rôle de l'ordre est de faire de l'intermédiation patient-médecin mais aussi entre médecins. Ça marche ! Le président Machiels a créé une cellule d'aide aux médecins en difficulté. Il s'est fait contrer par le National qui l'a repris ensuite sous son égide ! Une centaine de médecins en difficulté par an passe à l'Ordre du Brabant pour recevoir de l'aide. Donc c'est utile. C'est un bureau d'aide sociale géré par des indépendants qui se sont frottés au métier et sont donc expérimentés. Il y a quand même un code de déontologie médicale de référence. Or, celui-ci est différent de la déontologie de tout un chacun. Il est parfaitement légitime. Il se base sur l'éthique médicale mondiale, la lutte contre la torture, le consentement éclairé... D'ailleurs le Comité permanent des médecins européens invite maintenant des représentants de l'Ordre des médecins. On a besoin d'un Ordre des médecins comme référent. Mais si on part dans l'aspect punitif on est foutu...
C'est plus l'esprit des dirigeants actuels de l'Ordre...
C'est correct. En revanche, ce que je regrette un peu, c'est que l'Ordre adapte son code de déontologie chaque fois que la loi change. Et on perd l'idée du référentiel à côté des lois. Mais les derniers cas que j'ai eu à gérer, c'étaient souvent des règlements de compte. Des médecins qui portent plainte contre des travailleurs au noir alors qu'eux-mêmes travaillent au noir. Ou alors l'Ordre tape sur les mécréants pendant trois ans parce que dirigé par des cathos puis les trois années suivantes c'est l'inverse. On peut en sortir en veillant à l'équilibre ULB-UCL au niveau des postes à responsabilité.
Guéguerre avec le GBO
Comment avez-vous vécu l'opposition avec le Cartel ? La guéguerre avec le GBO ?
Cette guéguerre se joue plus sur la place du médecin généraliste contre le médecin spécialiste plutôt qu'avec. Ou l'exceptionnalisme du généraliste alors que pour nous c'est une " simple " spécialité. Notre différence majeure c'est que le Carte prône des paiements forfaitaires et un peu à l'acte pour le côté dynamique. Notre vision du paiement à l'acte c'est en fait à l'activité. Je ne suis pas contre un forfait rémunérant un épisode de soins en matière de maladie chronique par exemple. Mais nous sommes contre le fait de recevoir de l'argent sans justification.
L'audit des maisons médicales est à cet égard un scandale. Commanditée par le Cabinet De Block, la firme d'audit va voir les maisons médicales, mandaté pour demander les comptes et celles-ci répondent : "Vous ne les aurez pas." Ils n'ont eu les comptes que de deux ou trois maisons médicales... En plus, le nouveau système de financement, part de la masse de patients : 1.000 malades inscrits dans la maison médicale, 15.000 euros de subsides par mois. Plus de la médecine à l'acte possible. Le forfait DMG est acquis sans démontrer qu'on a vu le malade. Les maisons médicales perçoivent d'office le montant de l'accréditation. Personne ne vérifie si le médecin a le nombre de contacts nécessaires. Recevoir 220.000 euros par an pour mille citoyens inscrits, ce n'est pas mal. Deuxième volet : la maison médicale touche 220.000 euros par an pour ses infirmières. De plus, rien n'interdit d'aller voir un spécialiste. Les infirmières sont payées en proportion du budget historique reçu. Donc c'est un business important vivant de la charité publique.
C'est ce qui nous différencie du Cartel. Lorsqu'on court derrière des subsides, il y a un cahier des charges et on oublie de soigner les malades. Un dossier médical pour le Cartel c'est à vie. Pour nous, le médecin n'est pas l'archiviste du dossier du malade. Et du côté médecine spécialisée, on ne les entend pas. Mais ils représentent la médecine générale côté francophone, c'est clair. Ce n'est pas le grand amour mais c'est important qu'il y ait des opinions divergentes parfois d'ailleurs philosophiquement irréconciliables.