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Le journal du Médecin : Pouvez-vous nous présenter l'Aframeco ?Dr Jean-François Moreaux : Notre mission est d'informer, former et défendre le statut de médecin coordinateur et conseiller (MCC) afin d'augmenter la qualité de prise en charge de nos aînés institutionnalisés en MRS. Nous venons d'ailleurs de mettre en place un nouveau site internet (voir encadré), ainsi qu'une newsletter.Nous organisons également la formation du MCC en partenariat avec la SSMG, qui doit intervenir dans les trois ans de l'engagement du médecin par une MRS. Au-delà de cet agrément, le médecin doit suivre une formation continue à raison de six heures par an. Nous organisons pour cela un symposium annuel qui se tient le 6 juin 2020 sur la nutrition, les textures alimentaires pour les personnes qui ont des problèmes de déglutition etc.Nous demandons une cotisation de 75 euros qui couvre le symposium, un repas et l'accès aux informations du site.Quels sont les défis de l'Aframeco ?Les défis sont le partage des connaissances et des bonnes pratiques vis-à-vis de la bientraitance des personnes âgées.L'autre défi est de devenir le trait d'union entre tous les MCC. Il faut développer le sentiment d'appartenance à l'instar de ce que l'on retrouve dans un cercle de médecine générale. On se bat pour que l'Aframeco soit reconnue comme étant la représentante des MCC et soit un interlocuteur privilégié dans les instances de décision. L'objectif est de mieux recenser les médecins coordinateurs afin de mieux les représenter, et de mieux communiquer.Mieux communiquer pour mieux collaborer avec les autres professions de soins ?La multidisciplinarité est réelle en MRS, d'autant plus que les cas complexes sont légion. Mais pour mettre pleinement en place la multidisciplinarité au sein de MRS, il faut lever le problème de l'accès aux données du patient. En tant que MCC, nous n'avons pas accès à ce dossier (contrairement au médecin traitant, unique responsable de son patient, ndlr). Nous avons récemment eu un débat en Conseil d'administration à ce sujet. Je suis d'avis que pour bien faire son travail, en restant dans le cadre du médecin coordinateur qui est un animateur de réunion multidisciplinaire, il faut pouvoir donner son avis sur une situation médicale complexe.Cet accès au dossier patient est donc problématique...Le MCC peut regarder le traitement et donner mon avis, mais ça s'arrête là. Son rôle est de coordonner les soins dans la MRS. Cependant, si l'on connaît le traitement du patient, on peut avoir un soupçon sur la pathologie. Le MCC peut également être le médecin traitant et il a donc accès au dossier patient.Les médecins n'aiment généralement pas que l'on touche à leurs dossiers. S'il y a un regard sur ce qu'ils font, cela va en gêner plus d'un et on va retrouver quelques médecins coordinateurs devant l'Ordre des médecins.Nous venons justement de questionner l'Ordre : pour bien faire notre travail, jusqu'où peut-on aller dans l'accès aux données médicales du patient ? Tout cela est complexe. Il faudrait que le médecin traitant soit là au moment où l'on parle de son patient, mais en pratique, c'est rarement le cas.Comment se déroule le partage des données et l'informatisation, justement, en MRS ?C'est un autre sujet sensible. La plupart des institutions ont un système informatisé pour encoder les traitements, les observations du personnel. Mais cela n'inclut pas le dossier médical dans la plupart des cas. De plus, il est difficile de récupérer une information intéressante des registres notamment, car l'analyse n'est pas permise par les logiciels. Tout juste peut-on sortir des fichiers Excel.Pour nous, il serait idiot d'avoir un dossier papier en MRS, un dossier informatique en MRS, notre propre dossier informatique et qu'il n'y ait pas de liens entre eux. La logique voudrait que l'on passe par une seule source d'information qui est le Réseau de santé wallon (RSW) à partir des maisons de repos comme de nos propres logiciels. Mais cela demande que l'Aviq impose aux MRS une solution cohérente.Nous avons été sollicité par le projet e-Santé Wallonie - organisme de formation du RSW - pour un projet d'information du personnel des MRS par rapport au développement de l'e-santé. C'est un enjeu majeur, car si l'information n'est pas bien transmise aujourd'hui, on risque d'aller dans une direction qui ne respecte pas les prescris du RSW notamment. Dans le contexte très concurrentiel entre les logiciels médicaux, il sera important de bien informer le personnel des MRS. Le but est d'assurer une bonne communication entre les MRS et les médecins mais aussi les autres professions de soins.Y a-t-il une pénurie de médecins coordinateurs ?Pour 600-700 MRS en francophonie, on compte quelque 420 MCC recensés par l'Aframeco. Même s'il y a des médecins coordinateurs actifs dans plusieurs institutions, les médecins sont difficiles à trouver. Cela s'explique notamment par le mode de rémunération : les MCC sont payés par rapport au nombre de résidents des MRS (un forfait basé le calcul suivant : 0,62 cents x le nombre de résidents MRS/mois x le nombre de jours du mois, ndlr).Un montant indexé ?Non (rires). La matière a été régionalisée avec le transfert de compétences de la sixième Réforme de l'État, et nous voulons changer de mode de rémunération afin qu'une petite institution puisse attirer un médecin coordinateur. Car c'est difficile pour elles. Ce sera le travail politique de négociation de l'association. L'index sur l'indice santé fait partie des revendications.Ces différents freins (accès au dossier, informatisation lente, rémunération) créent une médecine à deux vitesses.Effectivement. On est face à des patients présentant des multipathologies complexes. Avoir accès à un dossier partiel en MRS n'aide pas. Mais l'informatisation est également un plus pour la prise en charge, notamment par la mise en place d'un dossier transdisciplinaire et par le biais des données du RSW.