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Quel rôle pour le pharmacien clinique en milieu hospitalier ? C'était une des questions posées par un récent colloque organisé par l'Académie royale de médecine dans ses locaux.Jean-Louis Vincent, chef du service des Soins intensifs d'Erasme (notamment) et fait baron par le Roi étant donné ses nombreux états de service (il est également chroniqueur régulier au journal du Médecin), est convaincu qu'un pharmacien clinique est devenu presque indispensable aux SI. C'est pourquoi les 200 professionnels que compte le département d'Erasme (dont 120 infirmières et 30 médecins) peuvent s'appuyer sur la compétence de l'un d'eux (elle, en réalité). En effet, il ne faut d'emblée pas confondre efficacité du médicament (il agit) et efficience (il est bénéfique par rapport à la manière dont il est prescrit). C'est ainsi qu'un malade peut prendre son médicament de manière erronée même s'il est efficace. Le médicament ne sera pas nécessairement efficient. C'est pourquoi Erasme s'enorgueillit d'avoir dès 2000 engagé une pharmacienne clinicienne aux SI. Celle-ci accompagne les intensivistes lors de leurs visites (tours médicaux). "Sa présence nourrit les discussions pluridisciplinaires au chevet du malade", précise le Pr Vincent.Plusieurs études ont démontré l'efficience (coût/efficacité) du pharmacien clinique en soins intensifs. "La meilleure*, menée avant/après avec présence d'un groupe contrôle objective l'importance de sa présence aux soins intensifs. On constate une diminution substantielle des erreurs de prescriptions et d'administration des médicaments. Notre pharmacien participe non seulement à la bonne administration mais aussi au choix des doses et à toutes les décisions de prise en charge. Il participe également au PDMS (ndlr : Patient Data Management System, système d'aide à la prescription)."Exemple : la sédation. 60 à 70% des médecins et des infirmières pensent encore qu'un patient en ventilation mécanique artificielle a besoin d'un sédatif**. "Mais ce sont de vieux concepts ! On pense encore que la ventilation est extrêmement inconfortable. Or les patients lisent des romans sous ventilation et se baladent à l'extérieur de l'hôpital. C'est vrai depuis que les respirateurs coûtent autant qu'une Mercedes !" Ce changement de paradigme est facilité par la présence du pharmacien clinique qui peut questionner la sédation décidée par le médecin et administrée par l'infirmière. Dans ce cas précis, il influencera à la baisse la durée de la ventilation mécanique, comme le démontre une autre étude*** car l'arrêt plus précoce de la sédation permet un sevrage plus rapide du respirateur. Le pharmacien participe également à la check-list FASTHUG (Feeding-Analgesia-Sedation-Thomboprophylaxis-Head of the bed-Ulcer-Glucose), moyen mnémotechnique créé par le Pr Vincent. "Généralement , on parle d'augmenter les doses d'analgésique pour le patient. Mais à un moment donné, il est tout aussi important de ne pas administrer de trop grandes doses de morphine qui prolongent comme on l'a dit la mise sous respirateur. N'a-t-on pas oublié la prophylaxie des thrombo-embolies, faut-il arrêter les IPP ? Le patient ne prend-il pas trop d'insuline ? Ne vaut-il pas mieux une insuline à long rayon d'action ? Ce sont de petits exemples qui démontrent l'importance de la pharmacienne clinique. Elle intervient non seulement lors du tour médical mais répond à toutes les questions des infirmières, à tout moment."En résumé, on peut donc dire que le pharmacien clinique joue un rôle majeur dans un service de soins intensifs : il valide les prescriptions médicales, choisit la bonne molécule, le dosage, sa révision quotidienne, donne des conseils sur les interactions et prévient les effets secondaires. "Il joue aussi un rôle de communication avec 'l'étage' (les salles ordinaires). Dès l'admission du malade aux SI, il revoit l'histologie du patient, ses allergies éventuelles et évite des erreurs de prescription. ""Un boulot à plein temps et tout sauf barbant", conclut avec son humour habituel le pape européen de la réanimation.