Le 27 mars 2025, une greffière de New York a refusé d'enregistrer un jugement texan contre une médecin ayant prescrit des pilules abortives à distance. Cet acte marque la première application d'une loi "bouclier" visant à protéger l'accès à l'IVG entre États américains. En Belgique, l'accès est légal, mais il demeure semé d'obstacles.
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Le 27 mars dernier, le greffier du comté d'Ulster, dans l'État de New York, a refusé de reconnaître un jugement civil rendu au Texas contre la Dre Margaret Daley Carpenter, une médecin accusée d'avoir prescrit des pilules abortives à une patiente texane via la télémédecine(1). Il s'agit de la première application concrète d'une loi "bouclier" new-yorkaise, conçue pour protéger les prestataires d'avortement exerçant légalement dans leur État mais ciblés par des lois extraterritoriales.La Dre Carpenter, installée à New Paltz (Etat de New York), a été poursuivie par le procureur général du Texas, Ken Paxton, pour avoir fourni à une femme de 20 ans une combinaison de mifepristone et misoprostol - les deux médicaments utilisés dans l'IVG médicamenteuse jusqu'à 12 semaines de grossesse. L'intéressée, victime d'un saignement important, avait été conduite aux urgences par son partenaire, qui a découvert les médicaments et alerté les autorités.Sans réponse de la médecin ni de ses avocats, le juge texan Bryan Gantt a prononcé un jugement par défaut, assorti d'une amende de 113.000 dollars. Mais en refusant d'exécuter cette décision, le greffier Taylor Bruck a invoqué la loi de l'État de New York empêchant la coopération judiciaire dans le cas de poursuites liées à l'avortement. " En application de la loi bouclier de l'État de New York, j'ai refusé ce dépôt et refuserai tout dépôt similaire qui pourrait être présenté à notre bureau", explique-t-il au New York Times.Le procureur Paxton a vivement réagi, accusant New York de protéger "une avorteuse radicale" et de "piétiner la Constitution pour cacher des délinquants à la justice". Il a promis de poursuivre les poursuites au niveau fédéral. La Louisiane a, quant à elle, lancé une procédure pénale pour des faits similaires contre la Dre Carpenter et demandé son extradition. Refus immédiat de la gouverneure Kathy Hochul : "Je ne signerai pas un ordre d'extradition venant de la Louisiane - ni maintenant, ni jamais."En Belgique, l'avortement est légal depuis 1990 jusqu'à 12 semaines après la fécondation. Mais on sait la réalité contrastée. L'émission #Investigation de la RTBF Avortement : entre droit et combat a encore démontré, le 19 mars dernier, que certaines femmes se heurtent à des délais d'attente trop longs, en particulier dans les zones rurales, tandis que les centres urbains sont saturés(2). Résultat : le respect du délai légal est parfois compromis.Le documentaire met aussi en lumière l'absence de formation systématique des médecins à l'IVG, des comportements culpabilisants dans certaines structures hospitalières, et l'absence de remboursement de l'IVG médicamenteuse hors hôpital. À cela s'ajoute un paradoxe juridique : l'IVG reste inscrite dans le Code pénal, parmi les délits contre la moralité familiale, ce qui entretient une forme de stigmatisation structurelle.Pour sortir de cette zone grise, les députés socialistes Caroline Désir et Patrick Prévot ont déposé, le 26 mars 2025, une proposition de loi visant à assouplir plusieurs conditions légales encadrant l'IVG (Lire aussi : Avortement : le PS veut assouplir les conditions légales). Le texte propose notamment de porter le délai légal de 12 à 18 semaines après la fécondation (soit 20 semaines d'aménorrhée), de supprimer le délai de réflexion obligatoire de six jours, et d'autoriser les femmes à choisir librement le lieu de l'intervention, y compris en dehors des hôpitaux agréés. Il prévoit également d'élargir la possibilité de dérogation à la limite des douze semaines à toute "raison médicale grave", au lieu des seules situations extrêmement limitées aujourd'hui prévues par la loi. La proposition comprend enfin une réforme légale importante : l'IVG entrerait explicitement dans la définition des "soins de santé", telle qu'elle figure dans la loi sur les droits des patients, la loi sur les professions de soins de santé, et la loi sur la qualité des soins. Il s'agirait d'un changement à la fois symbolique et juridique, qui consacrerait l'avortement comme un soin médical à part entière.Mais de la proposition de loi à la loi, il y a un pas que l'Arizona ne franchira probablement pas. Cela ne fait pas partie de son programme de gouvernement, et déjà en septembre 2024, une proposition similaire avait été recalée. Comme le résumait Le Soir alors, il s'agissait d'un "premier signal politique clair : aucune avancée sur ce terrain ne semble envisageable durant cette législature."(3)Sources :(1) Pam Belluck, "New York County Clerk Blocks Texas Court Filing Against Doctor Over Abortion Pills", The New York Times, 27 mars 2025. https://www.nytimes.com/2025/03/27/health/new-york-texas-abortion-shield-law.html(2) RTBF Investigation, "Avortement : entre droit et combat", mars 2024. https://auvio.rtbf.be/media/investigation-avortement-entre-droit-et-combat-3319563(3) Le Soir, "Premier acte signé Arizona au Parlement : les cinq votent contre la réforme de l'IVG", 24 septembre 2024. https://www.lesoir.be/624910/article/2024-09-24/premier-acte-signe-arizona-au-parlement-les-cinq-votent-contre-la-reforme-de