Bonne nouvelle : alors que la médecine reste démunie face au cancer du pancréas, la découverte d'une éponge verte dans les eaux glacées de l'Alaska relance l'espoir de parvenir à soigner cette tumeur agressive. Des tests en laboratoire ont montré que cet animal aquatique abrite des composés chimiques qui peuvent détruire sélectivement les cellules cancéreuses pancréatiques.
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Le fait de se tourner vers les océans pour traiter les maladies a déjà conduit au développement de médicaments qui permettent de lutter contre des maladies graves et de sauver des vies.Ces océans, qui recouvrent 70% de la planète, regorgent en effet de possibilités. " Plus de 12 000 substances chimiques qui n'existent dans aucun organisme vivant à terre ont été isolées dans l'écosystème marin ", a précisé Mark Hamann, un chercheur de la faculté de médecine de l'Université de Caroline du Sud.Les bénéfices que peuvent nous apporter l'océan passent notamment par une compréhension des éponges dans leur milieu naturel. En effet, étant de motricité, celles-ci ne peuvent pas s'enfuir pour échapper à des prédateurs potentiels. Leur organisme a donc développé des mécanismes de défense chimiques inédits pour les éloigner.C'est le cas des " Latrunculia austini " qui vivent dans des eaux froides et sombres à une profondeur variant de 70 à 220 mètres. De la taille d'un oeuf, dotées de cratères profonds, ces petites éponges vertes, qui sont abondantes surtout en Alaska, ont un instinct de survie énorme. Elles s'accrochent fermement sur des rochers et ne se déplacent donc pas. Cette immobilité les contraint à sécréter des substances qui les protègent des prédateurs et des conditions de vie extrêmes.La composition chimique de ces substances est sans équivalent connu et les structures complexes de leurs molécules ne ressemblent à rien de ce que l'on trouve à terre ou même dans les eaux tropicales chaudes.A première vue, les " Latrunculia austini " n'ont rien d'exceptionnel. Aux côtés de leurs voisins les coraux, ces éponges n'attirent pas forcément le regard. Longtemps inconnues, elles auraient pu le rester si elles n'avaient pas été repérées en 2005 par Bob Stone, chercheur au Centre scientifique de la pêche d'Alaska lors d'une expédition d'exploration des écosystèmes sous-marins. Un travail d'inventaire commandé par l'Agence américaine océanique et atmosphérique (NOAA) dont dépend le Centre." En la voyant, on ne penserait pas qu'il s'agit d'une éponge miracle ", s'enthousiasme Bob Stone. " Et pourtant, elle pourrait bien l'être. "Très vite après sa découverte, le chercheur a entamé des études approfondies sur cette étrange éponge et ses travaux ont déclenché un vif intérêt, entraînant une collaboration internationale, notamment avec Mark Hamann, un scientifique qui travaille depuis plus de 20 ans sur l'élaboration de médicaments développés à partir de la vie marine.Par la suite, la collaboration s'est élargie à Michelle Kelly, une experte mondiale des éponges de l'Institut national de recherche sur l'eau et l'atmosphère en Nouvelle-Zélande. Ensemble, ils ont nommé et identifié l'éponge " Latrunculia austini ".C'est en effectuant des tests en laboratoire que Mark Hamann et Fred Valeriote de l'Institut Henry Ford du Cancer à Detroit ont détecté les formidables vertus de " Latrunculia austini ".Cette éponge comporte en effet des molécules qui appartiennent à la famille des discorhabdines. Or, quand des cellules tumorales provenant du pancréas d'un malade ont été exposées à un échantillon extrait de l'éponge, l'expérience a révélé que les discorhabdines avaient la capacité de cibler et de tuer sélectivement les cellules cancéreuses pancréatiques." C'est sans aucun doute la molécule la plus active contre le cancer du pancréas que nous voyons ", s'est réjoui Mark Hamman." C'est une avancée prometteuse, mais préliminaire, dans le développement de nouveaux traitements ", a tempéré son collègue, Fred Valeriote. " Il reste encore beaucoup de travail à faire. "Pour l'instant, il ne s'agit effectivement que de recherches en laboratoire et la route est encore longue avant les essais chez l'humain. Des années de développement seront nécessaires avant de parvenir à un médicament. Il faudra notamment trouver une formulation de synthèse, plus stable, avant de la tester chez l'animal ou chez l'Homme.Reste aussi à collecter ces éponges en nombre suffisant. Il en faut environ 80 pour produire un kilo. Pas évident, car elles se trouvent dans les profondeurs marines, au fond de l'océan Pacifique Nord, dans des endroits difficiles d'accès et souvent dangereux. Heureusement, elles sont très abondantes en Alaska et les chercheurs ont conçu un outil pour les récolter en affectant un minimum l'écosystème.Quoiqu'il en soit, face au redouté cancer du pancréas dont les chances de survie à cinq ans sont de seulement 14%, selon l'American Cancer Society, et pour lequel la médecine actuelle est relativement impuissante, la découverte de cette petite éponge verte est enthousiasmante et offre de l'espoir...