Le conseil des ministres, c'est à dire la majorité des partis wallons et flamands en Belgique, a décidé de reporter d'un an les élections déterminant la représentativité des syndicats médicaux qui devaient se tenir cette année. Ce n'est pas un drame. Ce qui est choquant, c'est l'argumentation du ministre. Elle dépasse de loin la problématique de la représentation médicale.
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Se référant au coût d'une élection, le ministre de la Santé publique déclare : " Dans la crise sanitaire actuelle, ces ressources sont utilisées prioritairement pour lutter contre l'épidémie de Covid 19... Les ressources disponibles seront également mieux utilisées à l'avenir en n'organisant structurellement des élections qu'une fois tous les cinq ans. ". Ce raisonnement de l'élu socialiste peut s'appliquer à toutes les élections et toute la vie politique. Ainsi exprimée sans fard en tant que principe, elle laisse percevoir la tentation actuelle bien présente des politiciens, et pas seulement du Parti socialiste qui appuie certainement son ministre favori. La pandémie, et bien plus celles en vue, la crise financière qui guette, et la menace climatique sur la planète, apparaissent comme la justification d'élimination des élections, source du pouvoir populaire.Dans les faits, on constate que la décision sauve le syndicat de généralistes flamands AADM, qui avait été reconnu représentatif abusivement, alors qu'il ne répondait pas aux conditions de représentativité légales, soit réunir des spécialistes et des généralistes dans deux régions au moins. Exclu par la précision de la loi de 2018, il était pratiquement hors course pour les élections de 2022. Le ministre a pensé le sauver en présentant un projet de loi suspensive des critères, qui a présenté des difficultés. Il a donc fait adopter par le Conseil des ministres un autre projet ; il devrait atteindre le même résultat en suspendant les élections elles-mêmes.Mais en mettant en balance la dépense pour organiser les élections et celles des soins aux malades du Covid auxquels leur coût serait attribué, le ministre exprime aussi clairement son opinion sur l'inutilité de ces élections. Celles-ci ont été inventées par le ministre socialiste Colla. A l'époque, les Chambres syndicales de médecins, rebaptisées depuis Absym, monopolisaient la représentativité gagnée par les actions de la base sur le terrain depuis 1963. Son influence contrebalançait le pouvoir des mutuelles. Pour l'affaiblir, Colla a pensé diviser la représentation des médecins à partir d'élections. Il a fallu établir des critères de représentativité des organisations admises à se présenter à ces élections. Elles doivent notamment s'adresser tant aux généralistes qu'aux spécialistes dans plus d'une Région et justifier d'un minimum de 1.500 membres payant une cotisation d'un montant minimum.L'Absym est restée majoritaire, mais a largement laissé de la place à d'autres organisations, éventuellement reconnues à travers leurs regroupements pour garantir les pluralités disciplinaires et régionales, comme le GBO par le Cartel. Au fil du temps et des restrictions budgétaires, les syndicats ont agi de manière de plus en plus constructive dans le cadre d'une coopération financée par l'Inami. Le gouvernement en a déduit qu'il pouvait se passer de ces organisations coûteuses qu'il croyait désormais réduire à une fonction d'exécution de ses décisions. La première, Maggie De Block, a abattu ses cartes et contesté leur représentativité en invoquant la faible participation aux élections. Son successeur au contraire, vieux routier de la particratie, considère peut-être lui aussi que les élections ne sont plus vraiment significatives, et sa dernière proposition le prouve. Par contre, il connait la valeur de symbole d'une concertation et son intérêt pour le ministre, pour autant qu'elle ne soit pas une confrontation, mais une coopération profitable au gouvernement et qu'elle intègre les mouvements qu'il croit lui être favorables. Peut-être parallèlement au report des élections, envisage-t-il de renforcer cette coopération par l'augmentation des subsides aux syndicats médicaux qu'ils demandent, sans la prendre bien entendu sur les ressources utilisées pour lutter contre l'épidémie, le budget des soins de santé...