En 2019, assumer son niveau de responsabilité dans la structure hospitalière du cadre intermédiaire au président de conseil d'administration est extrêmement exigeant. Outre, les nombreux défis liés à l'activité de soins, tels que le nombre croissant de maladies chroniques, la réduction progressive des lits aigus, les pénuries de personnel, le nombre croissant de contraintes administratives et économiques, les attentes en matière d'accréditation, la digitalisation du mode de la santé, viennent s'ajouter les obstacles et exigences à intégrer pour construire dans un délai relativement court la mise en réseau de notre monde hospitalier.
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Il serait naïf de penser que cette mise en réseau pour chacun des acteurs concernés ne sera pas synonyme de changements majeurs et de complexification à différents niveaux. Si, sur le terrain clinique, ces mutations nécessiteront un accompagnement du changement bien maitrisé, les conseils d'administration des institutions hospitalières vont se voir imposer une inattendue métamorphose au vu des défis stratégiques et des attendus de bonne gouvernance exigés par notre société. Le rôle individuel de chaque administrateur va devoir être revu bien au-delà de missions habituelles sur les questions de stratégie, de gouvernance déléguée à l'exécutif, de contrôle du budget ou de pérennisation de la structure. En effet, la nécessité d'intégrer d'une part les différences qui existent entre le secteur public et le secteur associatif et d'autre part, les différences de vision et de stratégie historique des concurrents d'hier qui deviennent les partenaires de demain accroit le rôle difficile de chaque administrateur. De plus en plus souvent, le rôle et les responsabilités des conseils d'administrations sont régulièrement évoqués dans la presse qui insiste sur les anomalies de fonctionnement de ceux-ci suite à divers incidents. Certains éditorialistes n'hésitent pas à faire la comparaison entre administrateur et capriné ongulé. Il n'est pas confortable d'être administrateur hospitalier en ces temps de turbulences du système belge des soins de santé...Dans le monde hospitalier, la mutation et la professionnalisation croissante des conseils d'administration s'avèrent impératives à l'ère des réseaux. Ainsi, avant de larguer les amarres du rivage connu et partiellement maitrisé de l'institution isolée, les équipages ont besoin d'un cap établi par une haute gouvernance rompue aux réalités du terrain clinique et aux enjeux présents et à venir, à la gouvernance appliquée y compris celle du risque. Les attentes sont donc grandes quant aux compétences et qualités requises pour siéger au sein de ces conseils. L'ère des réseaux devient une réelle opportunité pour s'interroger sur cette structure de gouvernance, les formations attendues, les durées des mandats et les évaluations de leurs réalisations. Interroger la structure de gouvernance, c'est questionner entre autres la composition même des conseils d'administration, leur histoire, leur taille, leurs conflits d'intérêts potentiels ou inexistants, la sélection et la spécialité attendue de certains administrateurs.Aborder la formation est aussi reconnaitre qu'au sein des conseils actuels, il existe de réelles compétences qu'il ne faut pas perdre ou diluer dans cette dynamique nouvelle. Une première étape utile serait pour les administrateurs de s'autoévaluer à l'aide d'une enquête individuelle, via un questionnaire validé et qui explorerait les thèmes clés d'une performance attendue des conseils d'administration à titre individuel et au niveau de la dynamique collective. Cette étape, véritable opportunité de mise en évidence des besoins spécifiques non rencontrés, peut servir de socle pour déterminer les priorités en termes d'acquisition de compétences pour chacun et du groupe.Se questionner sur la durée des mandats, c'est aussi permettre une périodicité de renouvellement stratégique, régulière et connue de tous. En effet, il est important que durant son mandat, l'administrateur, surtout s'il est indépendant par rapport au monde hospitalier, puisse s'approprier de manière adéquate des matières nécessaires à l'exercice de son mandat et qu'il puisse se prononcer un certain nombre de fois durant celui-ci pour apporter sa valeur ajoutée au débat. Un renouvellement à échéance connue mais qui organise les remplacements de manière séquentielle devrait permettre d'éviter des grands blocs de remplacement et une mutation harmonieuse et efficiente.Si à plusieurs échelons hiérarchiques des institutions hospitalières, l'évaluation récurrente et codifiée semble acquise, il n'est pas commun que celle-ci fasse partie des calendriers annuels des conseils d'administration. Or, cette évaluation peut amener tout d'abord chaque administrateur à réaliser, avec recul, un bilan de ses actions et ensuite si elle devient collective à mettre en évidence les bonnes pratiques à communiquer et à débattre des pistes d'optimisation à implémenter dans l'intérêt des missions du groupe. A l'ère de l'accréditation et des négociations pour les mises en réseau, installer un tel cycle d'amélioration continue au plus haut niveau de gouvernance est de nature à en rassurer plus d'un tant en interne qu'en externe.La mutation attendue de ces structures peut engendrer un certain inconfort ou une certaine incompréhension pour les hommes et les femmes qui consacrent avec motivation et énergie du temps pour siéger dans ces cénacles souvent ingrats et dont on ne parle qu'en cas de dysfonctionnement. Il est donc capital qu'ils voient dans cette évolution, une occasion de se renouveler et pourquoi pas de construire une charte de " bonne administration des formes de collaboration " comme suggérée par un précédent rapport du KCE consacré à la bonne gouvernance. Ce nouveau profil d'administrateur n'est pas naturellement acquis, la notion d' " incubateurs de futurs administrateurs " peut paraître une idée farfelue. Toutefois, il est licite d'imaginer un parcours de formation aux compétences requises avec des simulations de prise de décision dans des scénarii à complexité croissante si les défis de demain doivent être abordés avec un regard neuf.Si ce tournant est bien négocié, la question d'une juste valorisation financière et établie en toute transparence avec tous les acteurs pour ces fonctions pourra être mise en débat.A l'ère des réseaux et l'instar des chenilles, nous sommes au temps de la constitution des chrysalides pour permettre la métamorphose de nos conseils d'administration. On pourra ainsi parler d' " effet papillon " pour un envol vers le futur de notre paysage hospitalier belge.