Le journal du Médecin: Quelle est votre feuille de route concrète pour la promotion et la prévention en santé, l'un de vos objectifs prioritaires?

Yves Coppieters: L'évaluation du plan actuel, qui se termine en 2024, sera réalisée en 2025. Une reprogrammation impliquant les acteurs concernés sera effectuée d'ici fin 2025, afin de présenter le futur plan au gouvernement début 2026. Ce plan sera marqué par des axes prioritaires, notamment grâce à un doublement du budget consacré à la prévention.

Certains aspects du plan actuel ne bénéficieront pas pleinement de cette augmentation budgétaire. Toutefois, des thématiques essentielles seront renforcées, notamment la santé mentale, avec un accent particulier sur la prévention du suicide, ainsi que la problématique de l'alcool, sur laquelle je veux mettre un focus particulier et qui fait déjà l'objet d'un appel à projets spécifique.

À propos de Proxisanté : "Même si la réforme change de nom, le processus se poursuit, et le travail accompli ces dernières années n'est pas remis en question."

Je souhaite que ce nouveau plan rompe avec les approches habituelles. Ayant participé à ces plans en tant que chercheur, je suis conscient de la tendance à reproduire les mêmes schémas de financement des opérateurs historiques. Or, il est indispensable d'ouvrir ce plan à de nouveaux acteurs, qui devront obtenir un agrément afin d'intégrer des dynamiques innovantes.

De plus, je veux que ce plan mise sur l'innovation, notamment en intégrant l'intelligence artificielle et les nouvelles technologies. L'objectif est de moderniser nos stratégies, de renforcer les coalitions d'acteurs et d'améliorer les ambitions du plan. Nous devons également assurer un suivi rigoureux, avec un monitorage en continu des résultats, plutôt que de simples évaluations intermédiaires et finales. Les structures ne montrant pas d'impact tangible devront être repensées, car un financement récurrent sans effet significatif ne peut plus être la norme.

Réforme des soins intégrés et de la première ligne

Où en est la mise en place des organismes locaux de santé (OLS) au-delà des projets pilotes actuels?

Nous avons en effet saisi les projets pilotes soins intégrés des programmes interfédéraux comme une opportunité pour initier conjointement la dynamique d'organisation territoriale de la première ligne d'accompagnement et de soins, à notre manière. Les projets portent sur des publics cibles distincts et seront lancés progressivement au cours de la législature: les 1.000 premiers jours en périnatalité, l'obésité chez les enfants et les adolescents, et les troubles cognitifs liés au vieillissement. L'implication des acteurs de terrain est déterminante pour la réussite de ces projets pilotes et c'est là que le niveau intermédiaire (le niveau méso) est pertinent, pour coordonner les interdépendances et agir comme un véritable catalyseur de la dynamique de soins intégrés.

© Th. St.

L'Aviq lancera un appel à projets dans le cadre du plan de relance de la Wallonie afin de donner les moyens aux acteurs de s'organiser en consortium et de structurer ce niveau intermédiaire. Nous ne voulons pas imposer un modèle unique, mais plutôt laisser émerger des solutions adaptées aux contextes locaux avant d'éventuellement les homogénéiser en fonction des retours d'expérience et des bonnes pratiques identifiées.

Cette approche "bottom-up" peut inquiéter certains acteurs, car elle implique une progression plus lente et incertaine. Cependant, nous sommes convaincus que c'est la meilleure manière de construire un système adapté aux réalités du terrain, qui puisse recueillir l'adhésion du plus grand nombre.

Certains déplorent une forme de flou autour du déploiement des projets et de la suite de Proxisanté. Comment les rassurer?

Il est vrai qu'il subsiste des incertitudes quant au déploiement des projets et à l'étape suivante du processus Proxisanté. C'est normal pour des projets de si grande envergure. Il s'agit aussi d'un enjeu de communication. L'Aviq pourrait jouer un rôle clé, en collaboration avec le cabinet, pour clarifier ces points. Même si la réforme change de nom, le processus se poursuit, et le travail accompli ces dernières années n'est pas remis en question.

J'ai clairement exprimé ma volonté que l'Aviq et mon cabinet en fassent une priorité. Je mets la pression sur ce sujet, car nous ne pouvons pas nous disperser sur trop de fronts. Nous avons 19 grandes priorités en santé. Ce n'est pas que nous travaillons dans tous les sens, mais nous devons gérer de nombreux dossiers: la santé mentale, les hôpitaux, la cybersécurité... Bien sûr, nous allons avancer sur ces sujets, mais nous devons aussi choisir nos combats. Pour moi, les grandes priorités restent la première ligne, l'assurance autonomie et la santé mentale.

Le soutien financier à la Plateforme de première ligne wallonne (PPLW) est-il confirmé pour les années à venir?

C'est tout l'enjeu du débat budgétaire. Je le souhaite, mais je ne peux pas le confirmer à ce stade. En tout cas, la PPLW reste un acteur majeur sur lequel nous devons continuer à miser et à collaborer.

"Nous devons avancer vers une solution où les syndicats et le Collège de Médecine Générale sont non seulement impliqués dans la concertation, mais aussi financés pour leurs responsabilités propres, car nous ne pouvons plus nous permettre de ne pas soutenir cette structure."

Pour moi, c'est essentiel. Cependant, je n'ai pas encore de garantie. Tout dépend d'abord de l'évolution de l'opérationnalisation des textes, de leur avancement et de la réflexion globale.

Qu'est-ce que je peux négocier dès maintenant? La révision budgétaire de mars. Ensuite, il faudra voir ce que je pourrai envisager pour 2026. C'est pourquoi ma grande priorité est d'avancer sur les notes de synthèse et les textes. Je dois démontrer au gouvernement que ce dossier est une priorité. Sans cela, il sera très compliqué d'obtenir un financement.

Pénurie et 1733

Quels sont vos projets concrets pour attirer des médecins généralistes en zones de pénurie, en complément des dispositifs actuels (Impulseo)?

Élargir Impulseo est une option, même si nous savons que, seul, cet outil ne suffit pas. Je pense qu'il faut responsabiliser les provinces et les communes, car je ne détiens pas toutes les compétences en la matière. Nous disposons de leviers pour l'aide à l'installation, mais nous devons aussi imaginer un dispositif similaire à Impulseo pour les dentistes et d'autres professions de santé.

Dans tous les cas, une collaboration avec les collectivités locales est indispensable. Ce sont elles qui doivent identifier et mettre en place des aménagements locaux pour favoriser l'installation des médecins, que ce soit en matière de mobilité, de logement ou d'autres infrastructures.

D'autres leviers existent également au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Je travaille avec Élisabeth Degryse sur l'obligation de stage en milieu rural et sur la sensibilisation des facultés à l'importance de la pratique médicale dans ces zones.

Enfin, nous devons trouver des solutions pour l'organisation de la garde médicale, car c'est un levier majeur d'attractivité, voire un frein. C'est une problématique sur laquelle je dois avancer en priorité.

Justement, comment comptez-vous régler définitivement le problème du 1733, bien que cette compétence soit fédérale?

Tout d'abord, nous devons nous assurer que les opérateurs restent en place. Il s'agit principalement d'un problème de ressources humaines: les employés doivent être davantage accompagnés au risque d'être rapidement recrutés par des structures plus attractives.

L'autre enjeu est l'amélioration du dispatching. Mais quels sont nos leviers? Essentiellement une concertation avec le fédéral et un lobbying wallon pour faire entendre nos spécificités. Il est essentiel de rappeler que la Wallonie n'est pas la Flandre et que la province de Luxembourg ne fonctionne pas comme d'autres régions. Nous devons obtenir des solutions adaptées à notre réalité territoriale.

Gouvernance et articulation des compétences

La Région wallonne subsidie, par le biais de l'Aviq, les cercles de médecins généralistes. Envisagez-vous d'établir une concertation formelle (et financée) avec les syndicats médicaux et/ou le Collège de médecine générale (CMG)?

Oui, bien sûr, nous devons renforcer les cercles médicaux et organiser une concertation. Mais la question du financement reste problématique.

Il y a six mois, les cercles ainsi que les syndicats nous ont sollicités pour demander un financement. Il est clair que nous devons avancer vers une solution où les syndicats et le Collège de médecine générale sont financés pour leurs responsabilités propres.

Nous ne pouvons plus nous permettre de ne pas soutenir cette structure, j'en suis persuadé. Mais comment et avec quel budget? Cela reste une inconnue à ce stade.

Vous faisiez mention, au début de votre mandat, d'une potentielle réforme de l'Aviq. Où en êtes-vous?

Ce n'est plus d'actualité. Une restructuration, oui. Une remise en question de certains services, oui. Mais une réforme en profondeur? Non.

J'ai découvert une administration qui se professionnalise avec le temps. Depuis la crise du covid-19, il existe une réelle volonté de réorganisation et de professionnalisation. Nous avons déjà restructuré le service d'épidémiologie, qui prend désormais en charge toute la dimension de la santé environnementale. Nous voulons décloisonner ces domaines pour favoriser un travail collaboratif.

Nous avons validé le plan d'entreprise de l'Aviq. Mon objectif n'est pas une réforme, mais une priorisation des projets. L'Aviq ne doit pas s'enfermer dans des projets internes au détriment des services aux citoyens. Elle doit, néanmoins, maximiser les ressources de sa direction études et prospective afin de dégager un monitoring des données de santé de publique pour un management populationnel.

Un enjeu majeur pour l'Aviq réside aussi dans le développement d'une santé environnementale réfléchie et articulée avec d'autres compétences dans une approche One Health à la croisée des trois santés: santé humaine, santé animale et santé environnementale.

Nous entretenons une bonne collaboration avec des comités réguliers. Mais je veux que l'Aviq se concentre sur son coeur de mission: le service aux citoyens. Cela passe par la simplification administrative, l'amélioration des guichets uniques et une meilleure relation avec le public.

Un mot sur la prolongation du mandat de Vandenbroucke. Une continuité ministérielle sur une décennie, c'est rare. Est-ce une bonne chose d'un point de vue de la santé publique?

Pour moi, c'est une bonne nouvelle. Parce que c'est la continuité. Parce qu'il doit finaliser sa réforme du financement. Nous avons, lui et moi, une compréhension mutuelle et même une vision de la santé publique assez proche.

Nous devons avancer sur plusieurs dossiers prioritaires en CIM Santé, notamment la santé mentale et la garde médicale. De nombreux échanges doivent encore avoir lieu. Cependant, nous devons rester vigilants quant aux équilibres entre la Flandre et la Wallonie. Il est essentiel de ne pas reproduire certaines inégalités observées lors des dernières législatures. Nous devons être attentifs à ce point.

Préparation aux crises sanitaires

Disposez-vous d'un plan stratégique régional de lutte contre les situations sanitaires urgentes (épidémies, catastrophes naturelles, etc.)?

Oui, tout à fait. Ce plan est élaboré en collaboration avec le ministre Dolimont, responsable de la gestion des crises. Nous disposons d'un outil structuré intégrant les dimensions sanitaires, mais celui-ci doit encore être amélioré. Des lacunes subsistent, notamment en matière de coordination et d'échanges entre les administrations.

Le plan actuel définit clairement les aspects matériels, les responsabilités et les étapes à suivre en cas d'urgence (inondation, crise sanitaire, etc.). Cependant, la fragilité des hôpitaux et le manque de personnel restent des défis majeurs.

L'implication des prestataires de soins de première ligne y est-elle bien intégrée?

La première ligne devrait être mieux intégrée. Elle fait clairement partie de la stratégie, et ses relais y sont inclus. Cependant, nous devons tirer des leçons de nos erreurs passées. Je le répète souvent: pour moi, la première ligne est la fondation de mes politiques de santé. J'en suis convaincu. Elle doit donc jouer un rôle majeur et ne pas être un simple exécutant. Son implication décisionnelle est essentielle.

Sommes-nous prêts à affronter une nouvelle pandémie de type covid-19, voire plus grave?

Pas tout à fait. Comme je le disais, nous devons encore renforcer la coordination entre les différents niveaux de pouvoir. Il est essentiel de clarifier qui fait quoi et à quel moment au niveau de la Région wallonne. Toutefois, nous avons progressé sur plusieurs aspects: des plans de crise existent à tous les niveaux, que ce soit pour les hôpitaux, les maisons de repos, etc. Ce qui me rassure, c'est que nous avons appris de nos erreurs passées. Je suis convaincu que nous ne retomberons pas dans les mêmes travers, notamment en maisons de repos. Nous avons mieux anticipé les besoins et les mesures à prendre pour éviter l'isolement des résidents et gérer efficacement les crises.

© Th. St.

"Un financement récurrent sans effet significatif ne peut plus être la norme : chaque structure doit démontrer son impact réel, et celles qui ne produisent pas de résultats tangibles devront être repensées."

Au niveau des hôpitaux, nous avons amélioré nos prévisions et anticipé des problématiques telles que la gestion des ressources humaines, l'approvisionnement, l'information et la coordination des actions. Mais même si nous sommes mieux préparés, nos plans de crise doivent encore mûrir.

Cependant, il faut garder à l'esprit que nous ne contrôlons pas l'origine des crises. Nous sommes mieux armés à l'échelle locale sur le plan opérationnel, mais à l'échelle macro, la situation reste préoccupante. La situation géopolitique, à l'heure actuelle, est à cet égard effrayante.

Quid de la deuxième ligne?

Le journal du Médecin: Le financement des infrastructures hospitalières s'inscrit dans un contexte inédit. Comment envisagez-vous de garantir un soutien efficace aux établissements?

Y.C.: Je pense qu'il faut avoir le courage de revoir le modèle de financement actuel, qui montre aujourd'hui ses limites. Des contradictions persistent: d'un côté, nous investissons dans la rénovation des bâtiments hospitaliers, tandis que de l'autre, les demandes de restructuration ou de fermeture de certains sites se multiplient. L'étude Maha a mis en évidence la situation financière précaire des hôpitaux en Wallonie, ce qui impose une remise à plat des plans d'infrastructure.

Il est crucial d'évaluer ce qui a déjà été fait, ce qui est en cours et ce qui doit être reprogrammé ou annulé. De plus, la gestion hospitalière doit être renforcée avec des balises plus strictes et des indicateurs d'alerte permettant d'intervenir rapidement pour accompagner les établissements en difficulté.

Avec le regroupement des services hospitaliers et la création de réseaux hospitaliers, ne risque-t-on pas d'aboutir à une concentration excessive des soins, au détriment des patients des zones périphériques?

C'est l'un des enjeux clés de la politique de santé. Il est essentiel d'analyser le fonctionnement des réseaux hospitaliers: certains sont efficaces, d'autres rencontrent des difficultés. Il est primordial d'identifier les causes de ces dysfonctionnements, qu'il s'agisse de divergences de vision, de gestion ou de valeurs entre les établissements partenaires.

Par ailleurs, il est indispensable que Proxisanté progresse, car c'est la base. Cette réforme, qui portera un nouveau nom, vise à structurer un niveau méso efficace à l'échelle des provinces. Pour avancer dans cette direction, il est crucial de mettre en place un cadre opérationnel garantissant une accessibilité optimale des soins à tous les niveaux du système.

L'objectif n'est pas seulement de repenser les réseaux hospitaliers, mais d'adopter une approche plus globale intégrant la santé mentale, la prévention et d'autres dimensions essentielles. Toutefois, cette transformation exige un cadre clair et structuré, ce qui impose une révision du décret en 2025 afin d'accélérer la mise en place de ces nouvelles structures. Le projet sera déployé progressivement à travers des appels à projets pour chaque province, permettant une implantation adaptée aux réalités locales.

Le journal du Médecin: Quelle est votre feuille de route concrète pour la promotion et la prévention en santé, l'un de vos objectifs prioritaires? Yves Coppieters: L'évaluation du plan actuel, qui se termine en 2024, sera réalisée en 2025. Une reprogrammation impliquant les acteurs concernés sera effectuée d'ici fin 2025, afin de présenter le futur plan au gouvernement début 2026. Ce plan sera marqué par des axes prioritaires, notamment grâce à un doublement du budget consacré à la prévention. Certains aspects du plan actuel ne bénéficieront pas pleinement de cette augmentation budgétaire. Toutefois, des thématiques essentielles seront renforcées, notamment la santé mentale, avec un accent particulier sur la prévention du suicide, ainsi que la problématique de l'alcool, sur laquelle je veux mettre un focus particulier et qui fait déjà l'objet d'un appel à projets spécifique. Je souhaite que ce nouveau plan rompe avec les approches habituelles. Ayant participé à ces plans en tant que chercheur, je suis conscient de la tendance à reproduire les mêmes schémas de financement des opérateurs historiques. Or, il est indispensable d'ouvrir ce plan à de nouveaux acteurs, qui devront obtenir un agrément afin d'intégrer des dynamiques innovantes. De plus, je veux que ce plan mise sur l'innovation, notamment en intégrant l'intelligence artificielle et les nouvelles technologies. L'objectif est de moderniser nos stratégies, de renforcer les coalitions d'acteurs et d'améliorer les ambitions du plan. Nous devons également assurer un suivi rigoureux, avec un monitorage en continu des résultats, plutôt que de simples évaluations intermédiaires et finales. Les structures ne montrant pas d'impact tangible devront être repensées, car un financement récurrent sans effet significatif ne peut plus être la norme. Où en est la mise en place des organismes locaux de santé (OLS) au-delà des projets pilotes actuels? Nous avons en effet saisi les projets pilotes soins intégrés des programmes interfédéraux comme une opportunité pour initier conjointement la dynamique d'organisation territoriale de la première ligne d'accompagnement et de soins, à notre manière. Les projets portent sur des publics cibles distincts et seront lancés progressivement au cours de la législature: les 1.000 premiers jours en périnatalité, l'obésité chez les enfants et les adolescents, et les troubles cognitifs liés au vieillissement. L'implication des acteurs de terrain est déterminante pour la réussite de ces projets pilotes et c'est là que le niveau intermédiaire (le niveau méso) est pertinent, pour coordonner les interdépendances et agir comme un véritable catalyseur de la dynamique de soins intégrés. L'Aviq lancera un appel à projets dans le cadre du plan de relance de la Wallonie afin de donner les moyens aux acteurs de s'organiser en consortium et de structurer ce niveau intermédiaire. Nous ne voulons pas imposer un modèle unique, mais plutôt laisser émerger des solutions adaptées aux contextes locaux avant d'éventuellement les homogénéiser en fonction des retours d'expérience et des bonnes pratiques identifiées. Cette approche "bottom-up" peut inquiéter certains acteurs, car elle implique une progression plus lente et incertaine. Cependant, nous sommes convaincus que c'est la meilleure manière de construire un système adapté aux réalités du terrain, qui puisse recueillir l'adhésion du plus grand nombre. Certains déplorent une forme de flou autour du déploiement des projets et de la suite de Proxisanté. Comment les rassurer? Il est vrai qu'il subsiste des incertitudes quant au déploiement des projets et à l'étape suivante du processus Proxisanté. C'est normal pour des projets de si grande envergure. Il s'agit aussi d'un enjeu de communication. L'Aviq pourrait jouer un rôle clé, en collaboration avec le cabinet, pour clarifier ces points. Même si la réforme change de nom, le processus se poursuit, et le travail accompli ces dernières années n'est pas remis en question. J'ai clairement exprimé ma volonté que l'Aviq et mon cabinet en fassent une priorité. Je mets la pression sur ce sujet, car nous ne pouvons pas nous disperser sur trop de fronts. Nous avons 19 grandes priorités en santé. Ce n'est pas que nous travaillons dans tous les sens, mais nous devons gérer de nombreux dossiers: la santé mentale, les hôpitaux, la cybersécurité... Bien sûr, nous allons avancer sur ces sujets, mais nous devons aussi choisir nos combats. Pour moi, les grandes priorités restent la première ligne, l'assurance autonomie et la santé mentale. Le soutien financier à la Plateforme de première ligne wallonne (PPLW) est-il confirmé pour les années à venir? C'est tout l'enjeu du débat budgétaire. Je le souhaite, mais je ne peux pas le confirmer à ce stade. En tout cas, la PPLW reste un acteur majeur sur lequel nous devons continuer à miser et à collaborer. Pour moi, c'est essentiel. Cependant, je n'ai pas encore de garantie. Tout dépend d'abord de l'évolution de l'opérationnalisation des textes, de leur avancement et de la réflexion globale. Qu'est-ce que je peux négocier dès maintenant? La révision budgétaire de mars. Ensuite, il faudra voir ce que je pourrai envisager pour 2026. C'est pourquoi ma grande priorité est d'avancer sur les notes de synthèse et les textes. Je dois démontrer au gouvernement que ce dossier est une priorité. Sans cela, il sera très compliqué d'obtenir un financement. Quels sont vos projets concrets pour attirer des médecins généralistes en zones de pénurie, en complément des dispositifs actuels (Impulseo)? Élargir Impulseo est une option, même si nous savons que, seul, cet outil ne suffit pas. Je pense qu'il faut responsabiliser les provinces et les communes, car je ne détiens pas toutes les compétences en la matière. Nous disposons de leviers pour l'aide à l'installation, mais nous devons aussi imaginer un dispositif similaire à Impulseo pour les dentistes et d'autres professions de santé. Dans tous les cas, une collaboration avec les collectivités locales est indispensable. Ce sont elles qui doivent identifier et mettre en place des aménagements locaux pour favoriser l'installation des médecins, que ce soit en matière de mobilité, de logement ou d'autres infrastructures. D'autres leviers existent également au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Je travaille avec Élisabeth Degryse sur l'obligation de stage en milieu rural et sur la sensibilisation des facultés à l'importance de la pratique médicale dans ces zones. Enfin, nous devons trouver des solutions pour l'organisation de la garde médicale, car c'est un levier majeur d'attractivité, voire un frein. C'est une problématique sur laquelle je dois avancer en priorité. Justement, comment comptez-vous régler définitivement le problème du 1733, bien que cette compétence soit fédérale? Tout d'abord, nous devons nous assurer que les opérateurs restent en place. Il s'agit principalement d'un problème de ressources humaines: les employés doivent être davantage accompagnés au risque d'être rapidement recrutés par des structures plus attractives. L'autre enjeu est l'amélioration du dispatching. Mais quels sont nos leviers? Essentiellement une concertation avec le fédéral et un lobbying wallon pour faire entendre nos spécificités. Il est essentiel de rappeler que la Wallonie n'est pas la Flandre et que la province de Luxembourg ne fonctionne pas comme d'autres régions. Nous devons obtenir des solutions adaptées à notre réalité territoriale. La Région wallonne subsidie, par le biais de l'Aviq, les cercles de médecins généralistes. Envisagez-vous d'établir une concertation formelle (et financée) avec les syndicats médicaux et/ou le Collège de médecine générale (CMG)? Oui, bien sûr, nous devons renforcer les cercles médicaux et organiser une concertation. Mais la question du financement reste problématique. Il y a six mois, les cercles ainsi que les syndicats nous ont sollicités pour demander un financement. Il est clair que nous devons avancer vers une solution où les syndicats et le Collège de médecine générale sont financés pour leurs responsabilités propres. Nous ne pouvons plus nous permettre de ne pas soutenir cette structure, j'en suis persuadé. Mais comment et avec quel budget? Cela reste une inconnue à ce stade. Vous faisiez mention, au début de votre mandat, d'une potentielle réforme de l'Aviq. Où en êtes-vous? Ce n'est plus d'actualité. Une restructuration, oui. Une remise en question de certains services, oui. Mais une réforme en profondeur? Non. J'ai découvert une administration qui se professionnalise avec le temps. Depuis la crise du covid-19, il existe une réelle volonté de réorganisation et de professionnalisation. Nous avons déjà restructuré le service d'épidémiologie, qui prend désormais en charge toute la dimension de la santé environnementale. Nous voulons décloisonner ces domaines pour favoriser un travail collaboratif. Nous avons validé le plan d'entreprise de l'Aviq. Mon objectif n'est pas une réforme, mais une priorisation des projets. L'Aviq ne doit pas s'enfermer dans des projets internes au détriment des services aux citoyens. Elle doit, néanmoins, maximiser les ressources de sa direction études et prospective afin de dégager un monitoring des données de santé de publique pour un management populationnel. Un enjeu majeur pour l'Aviq réside aussi dans le développement d'une santé environnementale réfléchie et articulée avec d'autres compétences dans une approche One Health à la croisée des trois santés: santé humaine, santé animale et santé environnementale. Nous entretenons une bonne collaboration avec des comités réguliers. Mais je veux que l'Aviq se concentre sur son coeur de mission: le service aux citoyens. Cela passe par la simplification administrative, l'amélioration des guichets uniques et une meilleure relation avec le public. Un mot sur la prolongation du mandat de Vandenbroucke. Une continuité ministérielle sur une décennie, c'est rare. Est-ce une bonne chose d'un point de vue de la santé publique? Pour moi, c'est une bonne nouvelle. Parce que c'est la continuité. Parce qu'il doit finaliser sa réforme du financement. Nous avons, lui et moi, une compréhension mutuelle et même une vision de la santé publique assez proche. Nous devons avancer sur plusieurs dossiers prioritaires en CIM Santé, notamment la santé mentale et la garde médicale. De nombreux échanges doivent encore avoir lieu. Cependant, nous devons rester vigilants quant aux équilibres entre la Flandre et la Wallonie. Il est essentiel de ne pas reproduire certaines inégalités observées lors des dernières législatures. Nous devons être attentifs à ce point. Disposez-vous d'un plan stratégique régional de lutte contre les situations sanitaires urgentes (épidémies, catastrophes naturelles, etc.)? Oui, tout à fait. Ce plan est élaboré en collaboration avec le ministre Dolimont, responsable de la gestion des crises. Nous disposons d'un outil structuré intégrant les dimensions sanitaires, mais celui-ci doit encore être amélioré. Des lacunes subsistent, notamment en matière de coordination et d'échanges entre les administrations. Le plan actuel définit clairement les aspects matériels, les responsabilités et les étapes à suivre en cas d'urgence (inondation, crise sanitaire, etc.). Cependant, la fragilité des hôpitaux et le manque de personnel restent des défis majeurs. L'implication des prestataires de soins de première ligne y est-elle bien intégrée? La première ligne devrait être mieux intégrée. Elle fait clairement partie de la stratégie, et ses relais y sont inclus. Cependant, nous devons tirer des leçons de nos erreurs passées. Je le répète souvent: pour moi, la première ligne est la fondation de mes politiques de santé. J'en suis convaincu. Elle doit donc jouer un rôle majeur et ne pas être un simple exécutant. Son implication décisionnelle est essentielle. Sommes-nous prêts à affronter une nouvelle pandémie de type covid-19, voire plus grave? Pas tout à fait. Comme je le disais, nous devons encore renforcer la coordination entre les différents niveaux de pouvoir. Il est essentiel de clarifier qui fait quoi et à quel moment au niveau de la Région wallonne. Toutefois, nous avons progressé sur plusieurs aspects: des plans de crise existent à tous les niveaux, que ce soit pour les hôpitaux, les maisons de repos, etc. Ce qui me rassure, c'est que nous avons appris de nos erreurs passées. Je suis convaincu que nous ne retomberons pas dans les mêmes travers, notamment en maisons de repos. Nous avons mieux anticipé les besoins et les mesures à prendre pour éviter l'isolement des résidents et gérer efficacement les crises. Au niveau des hôpitaux, nous avons amélioré nos prévisions et anticipé des problématiques telles que la gestion des ressources humaines, l'approvisionnement, l'information et la coordination des actions. Mais même si nous sommes mieux préparés, nos plans de crise doivent encore mûrir. Cependant, il faut garder à l'esprit que nous ne contrôlons pas l'origine des crises. Nous sommes mieux armés à l'échelle locale sur le plan opérationnel, mais à l'échelle macro, la situation reste préoccupante. La situation géopolitique, à l'heure actuelle, est à cet égard effrayante.