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C'est le Labour, parti au pouvoir, qui a commissionné le célèbre chirurgien, reconnu pour sa volonté de réformer le NHS. Son but : identifier les failles du système de santé anglais. Son constat est sans appel : le NHS est "en grande difficulté", dans "une situation critique"."Le niveau de satisfaction de la population [par rapport au NHS] - qui a atteint un niveau record en 2009 - est maintenant à son plus bas niveau jamais enregistré", constate de prime abord Lord Ara Darzi. "Tout le monde sait que les services de santé sont en difficulté et que le personnel du NHS fait de son mieux pour relever les énormes défis. L'ampleur des problèmes auxquels sont confrontés les services de santé est cependant difficile à quantifier ou à articuler. Bien que je travaille au NHS depuis plus de 30 ans, j'ai été choqué par ce que j'ai découvert au cours de cette enquête, non seulement sur le service de santé mais aussi sur l'état de santé de la nation."Le chirurgien estime que le piètre état du NHS est, en effet, également influencé par la santé de la population qui se détériore. La faute à la pandémie de covid-19, mais pas seulement. "De nombreux déterminants sociaux de la santé - comme un logement de mauvaise qualité, de faibles revenus, un emploi précaire - ont évolué dans la mauvaise direction au cours des 15 dernières années, avec pour résultat que le NHS a été confronté à une demande croissante de soins de santé de la part d'une société en détresse.""Qu'il s'agisse de l'accès aux médecins généralistes et aux services communautaires et de santé mentale, en passant par les accidents et les urgences, puis les attentes non seulement pour des interventions chirurgicales et des traitements de routine, mais aussi pour les services de cancérologie et de cardiologie, les objectifs en matière de temps d'attente ne sont pas atteints", constate le Pr Darzi. "Les médecins généralistes voient plus de patients que jamais, mais avec la baisse du nombre de médecins généralistes pleinement qualifiés par rapport à la population, les délais d'attente s'allongent et la satisfaction des patients est à son plus bas niveau jamais vu", continue le membre du Conseil privé du Royaume-Uni. "Il existe des variations énormes et injustifiées dans le nombre de patients par médecin généraliste, et les pénuries sont particulièrement aiguës dans les communautés défavorisées."La deuxième ligne n'est pas mieux lotie : "Les soins contre le cancer sont encore à la traîne par rapport aux autres pays" et "les soins pour les maladies cardiovasculaires vont dans la mauvaise direction", estime le Pr Darzi.Niveau budget, enfin, Ara Darzi juge que l'argent n'est pas dépensé là où il devrait l'être : une part trop importante est dépensée dans les hôpitaux, trop peu dans les soins communautaires. Il estime également que la productivité est trop faible. Aussi, le NHS ne contribue pas à la prospérité nationale : "Début 2024, 2,8 millions de personnes étaient économiquement inactives en raison d'une maladie de longue durée. Cela représente une augmentation de 800.000 par rapport aux niveaux d'avant la pandémie, la majeure partie de cette augmentation étant due aux problèmes de santé mentale. Travailler est bon pour la santé, le bien-être. Avoir plus de personnes au travail stimule la croissance de l'économie et génère davantage de recettes fiscales pour financer les services publics. Il existe donc un cercle vertueux si le NHS peut aider davantage de personnes à retrouver un emploi.""Malgré les défis, les signes vitaux du NHS restent forts", indique Lord Darzi. "Il a fallu plus d'une décennie pour que le NHS tombe en ruine, il faudra donc du temps pour l'améliorer."Cela passera par un plan de reconstruction qui s'étendra sur dix ans. Une réforme en profondeur sans toucher au fondement du NHS : la couverture santé universelle. "Rien de ce que j'ai trouvé ne remet en question les principes d'un service de santé financé par les contribuables, gratuit au point d'utilisation et basé sur le besoin et non sur la capacité de payer. À l'exception notable des États-Unis, tous les pays avancés disposent d'une couverture santé universelle - et le reste du monde s'efforce d'y parvenir. Mais d'autres modèles de système de santé - ceux dans lesquels les frais d'utilisation, les assurances sociales ou privées jouent un rôle plus important - sont plus coûteux, même si leur financement tend à être plus stable. Il ne s'agit donc pas de savoir si nous pouvons nous permettre le NHS. Au contraire, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas avoir le NHS, il est donc impératif de renverser la situation."L'homme aborde enfin plusieurs points, qui, selon lui, sont importants pour réparer le NHS dans les dix années à venir :Les gens ont "tout à fait le droit d'être en colère", a estimé jeudi Keir Starmer, ajoutant que le service de santé doit "se réformer ou mourir". Il promet "la plus grande réinvention du NHS" depuis sa création, avec un nouveau plan décennal pour le service de santé qui sera publié dans les mois à venir.Le ministre de la Santé, Wes Streeting, s'est quant à lui engagé à "redresser le NHS"2.De leur côté, les conservateurs ont déclaré que le gouvernement devait passer "de la rhétorique à l'action" après avoir abandonné ses projets de réforme des services sociaux et de construction de nouveaux hôpitaux.Sources :