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Alors que les organes officiels de gestion de la santé publique semblent se prendre quelquefois les pieds dans les avis relatifs à la gestion de la pandémie, à l'instar de la ministre de la Santé déconseillant il y a peu le port du masque alors qu'il est aujourd'hui recommandé et peut-être bientôt obligatoire, le poids d'un avis des académies de médecine apparaît comme très important. On peut en effet les identifier comme dégagées des contingences de gestion au profit du seul intérêt des patients.C'est dire l'importance d'un appel à davantage de tests que lancent aujourd'hui les académies de médecine néerlandophone et francophone, judicieusement réunies face à la maladie. Si les sages passent rapidement sur les raisons qui ont abouti à ce que " ces mesures complémentaires de contrôle de l'épidémie aient été utilisées jusqu'à présent de manière insuffisante ", ils insistent : "dans la perspective d'une sortie progressive du confinement, il est essentiel que les retards pris en la matière soient comblés sans délais supplémentaires."Les Académies royales de Médecine de Belgique recommandent dès lors " que soit mis en place un dépistage extensif et ciblé au niveau des personnes fragiles ou des collectivités vulnérables et à risque d'infection ou des personnes qui par leur activité sont en contact réel ou potentiel avec des patients infectés ". En outre, elles entendent que toute personne testée positive (tant symptomatique, pauci-symptomatique qu'asymptomatique) soit mise en surveillance et en isolement pour une durée de 14 jours et que tous les contacts de personnes infectées soient testés (track and trace) et, en cas de test positif, soient mis en surveillance et en isolement pour une durée de 14 jours .Ces mesures doivent-elles être imposées et contrôlées par la loi ? " Je voudrais qu'il ne soit pas nécessaire de faire ainsi. Nous sommes tous attachés à nos libertés, préservons-les. Mais mettons en avant la valeur du civisme. En suivant ces règles, nous faisons preuve de civisme. Nous prenons non seulement soin de notre santé individuelle, mais nous prenons aussi soin des autres ", explique le professeur Jacques Brotchi, neurochirurgien de renommée mondiale et ancien président de l'Académie francophone de médecine.Pour les académiciens, hausser le niveau de test est une mesure sine qua non avant tout déconfinement. Hors, on est loin du compte : à l'heure d'écrire ses lignes, jeudi 23 avril dans la matinée, on n'arrive pas encore aux 10.000 tests annoncés par jour. Théoriquement, si tous les maillons de la chaîne fonctionnaient parfaitement, on pourrait arriver à 40.000 tests quotidiens, mais la réalité devrait plutôt approcher les 20.000 tests, à partir du mois de mai. Mardi, le ministre Philippe De Backer (VLD) a annoncé que ces tests seraient élargis à " toute personne présentant des symptômes grippaux ". Hier, le 22 avril, les critères ont de nouveau été élargis à tout nouvel entrant à l'hôpital ou dans une collectivité (maisons de repos, centre d'accueil pour jeunes, prison...).Pour les académies, "pour anticiper et prévenir un rebond épidémique", il faut en outre "que des études sérologiques longitudinales évaluent le niveau d'immunité de la population au sein de groupes représentatifs des différentes couches de la société. Les résultats de l'ensemble de ces mesures s'avéreront déterminants quand il s'agira de décider un déconfinement progressif du pays qui pourra s'appuyer sur les deux marqueurs essentiels que sont le niveau de circulation du SARS-CoV-2 et le niveau d'immunité de groupe en attendant de nouvelles approches thérapeutiques et un vaccin anti-SARS-CoV-2 ".Et les inquiétudes sur le tracing et le tracking, qui finiraient d'effriter notre vie privée ? " On devra le faire sur base volontaire, sinon on bascule dans un autre type de régime que notre régime démocratique. Mais si trop peu de gens n'optent pour ce système, il risque d'être inopérant. C'est pour cela que j'insiste sur le civisme. Non pas que ceux qui ne choisiront pas de télécharger cette application et de la rendre effective soient inciviques, c'est un mot trop fort pour ce que cela représente, mais je voudrais trouver les bons mots pour convaincre le citoyen que, en faisant ce geste, il donne davantage de chance à la vie dans toute la société ", explique Jacques Brotchi.Frédéric Soumois