La semaine dernière, un collègue de longue date d'Enabel en République démocratique du Congo est décédé des suites du Covid-19. Âgé de 62 ans, il était père de quatre enfants. Le choc a été immense pour toutes et tous les membres de notre équipe. Si cela est toujours le cas lorsqu'un·e collègue décède, le cas présent nous confronte aussi à la réalité de la pandémie dans les pays africains. Des personnes que nous connaissons, qui nous sont chères et sur lesquelles nous comptons sont exposées au virus tout comme nous le sommes nous-mêmes. Mais alors qu'en Europe, nous avons, à court terme, la perspective de la vaccination pour chacun et chacune d'entre nous, la situation sur le continent africain est très différente.
La plupart des pays africains ont jusqu'à présent en effet été relativement épargnés par les première et deuxième vagues de la pandémie que nous avons connues en Europe, mais les faits démontrent de manière croissante que le continent africain est de plus en plus touché par le Covid-19. Aussi, la question de l'accès à la vaccination dans ces pays est plus cruciale que jamais.
Nous avons beaucoup parlé de solidarité internationale au cours de l'année dernière, sachant que nous sommes aussi forts et fortes que notre maillon le plus faible lorsque survient une pandémie telle que celle de Covid-19. Or, les récents développements en Europe et dans le reste du monde révèlent une montée en puissance des mesures protectionnistes. Méfiants face aux mesures mises en place par les autres, les pays ferment leurs frontières. C'est le règne du chacun et chacune pour soi, tant en ce qui concerne les mesures de protection que les stratégies de vaccination.
Pourquoi un homme de 43 ans sans aucun problème de santé comme moi recevrait-il le vaccin avant mes collègues plus âgé·es et plus vulnérables au Congo?
À cet égard, j'ai été choqué par les récentes critiques formulées par certain·es chef·fes d'États à l'égard de la stratégie de vaccination de la Commission européenne. Si les programmes de vaccination sont plus lents à mettre en oeuvre en Europe qu'au Royaume-Uni ou en Israël, par exemple, c'est précisément parce que la Commission européenne vise, dans un effort collectif, à garantir que chaque État membre de l'UE reçoive sa part égale de vaccins au même moment. Entendre des personnes politiques de différents pays de l'UE affirmer qu'elles auraient pu elles-mêmes conclure de meilleurs accords avec les entreprises pharmaceutiques fait planer l'ombre du pire des scénarios : le retour à une Europe divisée.
Ce même raisonnement pourrait s'appliquer au-delà des frontières de l'UE. Pourquoi ne pouvons-nous pas garantir une vaccination de toutes les personnes vulnérables à travers le monde?
Pourquoi un homme de 43 ans sans aucun problème de santé comme moi recevrait-il le vaccin avant mes collègues plus âgé·es et plus vulnérables au Congo? Cela n'est guère logique dans un monde où tous les êtres humains sont censés naître égaux. Il est possible de remédier à cette injustice en unissant nos forces et en militant en faveur de la solidarité internationale.
Pour toutes ces raisons, Enabel vise à garantir la disponibilité de vaccins pour tous et toutes dans les pays où nous travaillons :
-en investissant dans l'accès aux vaccins pour tous et toutes dans nos pays partenaires à court terme;
-en appuyant les gouvernements dans l'élaboration d'une stratégie de vaccination pour les groupes prioritaires;
-en veillant à une répartition équitable à l'échelle mondiale au lieu de redistribuer nos surplus;
-en aidant les gouvernements à contrôler la qualité des vaccins Covid-19 afin d'atténuer le risque de faux vaccins ou de vaccins de qualité inférieure;
-en soutenant l'OMS, l'UE et les agences des Nations Unies dans leur plaidoyer auprès des géants de l'industrie pharmaceutique pour mettre fin aux brevets sur les vaccins Covid-19;
-en mettant en place des partenariats pour le transfert de technologie, afin que les pays puissent lancer leur propre production de vaccins.
Accès égal aux vaccins sur le continent africain
En tant que signataire de la charte belge relative à la qualité des médicaments dans les pays à revenu faible et intermédiaire, Enabel aide les gouvernements de plusieurs pays à assurer la qualité des produits médicaux. En RD Congo par exemple, Enabel appuie depuis plus de dix ans le système public d'approvisionnement en médicaments, au niveau national comme sur le terrain, et ce, en partenariat avec le ministère congolais de la Santé, l'Institut de médecine tropicale d'Anvers et la plateforme internationale Quamed. Un système d'assurance qualité améliorera également le dépistage et la distribution des futurs vaccins Covid-19, dans un marché des vaccins en plein essor, où le risque de faux vaccins est bien réel. En renforcement de ces efforts concrets, Enabel, l'IMT d'Anvers et Quamed s'engagent simultanément au niveau politique à contribuer à sensibiliser les acteurs internationaux aux risques des faux vaccins, en particulier dans les pays dotés de faibles mécanismes de réglementation des médicaments. Nous soulignons également la nécessité d'une approche multidisciplinaire de haut niveau impliquant la prévention de la criminalité et la justice pénale sous la direction de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.
Si, au niveau mondial, nous ne parvenons pas à garantir l'égalité d'accès aux vaccins sur le continent africain, la lutte contre le Covid-19 ne sera que partiellement gagnée. Il y a fort à parier que nous nous retrouverons fréquemment dans des situations de confinement et d'autres mesures restrictives pendant de longues périodes. Aussi, les vaccins doivent être mis à disposition dès maintenant, et il faut des solutions pragmatiques pour les brevets. Il n'y a plus de temps à perdre.
A propos d'Enabel
Enabel est l'Agence belge de développement. Elle exécute la coopération gouvernementale belge. L'Agence met également en oeuvre des actions pour d'autres organisations nationales et internationales. Avec ses partenaires belges et internationaux, Enabel fournit des solutions pour relever des défis mondiaux urgents : le changement climatique, l'urbanisation, la mobilité humaine, la paix et la sécurité, les inégalités sociales et économiques, et la citoyenneté mondiale. Avec 1500 collaborateurs et collaboratrices, Enabel gère quelque 150 projets dans une vingtaine de pays, en Belgique, en Afrique et au Moyen-Orient.
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