À l'occasion de la désormais traditionnelle journée internationale dédiée à la médecine générale, le 19 mai, le GBO a rassemblé un panel de jeunes médecins de famille. Les élections approchant, les cinq invités ont partagé leur point de vue sur les enjeux prioritaires à faire entendre aux politiques pour qu'un solution y soit apportée sous la prochaine législature.
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Paul de Munck, président du GBO, prévient d'emblée : "Les jeunes médecins ici présents parlent en leur nom. Ils ne porteront pas la voix du GBO." Et de préciser, sourire aux lèvres : "Évidemment, les personnes qui sont ici sont des personnes qui nous sont proches."Cette précision faite, les cinq jeunes médecins de famille ont tenu a abordé divers enjeux de leur pratique en cette période électorale. La première grande thématique, la garde, est portée par le Dr Thomas Calozet, généraliste en dernière année de formation. "J'ai pratiqué un an en province de Luxembourg et je suis désormais à Bruxelles pour faire le comparatif entre les deux." Son premier constat : trop peu de patients connaissent les postes de garde dans la capitale. Deuxième constat : les réalités géographiques ne sont pas suffisamment prises en compte. "En province de Luxembourg, il y a actuellement cinq PMG. L'objectif est de mettre en place 3 PMG pour les 300.000 habitants de la province. Cela augmenterait la distance entre les patients et les postes de garde, et le recours aux urgences. C'est contraire à l'objectif initial. Il faut donc revoir le système de financement des PMG afin de préserver les postes existants voire en ouvrir davantage, notamment à Bruxelles, afin de désengorger les urgences." Le Dr Calozet termine son intervention en alertant enfin sur un dernier point : "Certains patients commencent à venir au poste de garde pour essayer d'avoir un suivi car les généralistes sont contraints de refuser certains patients. Cela pose un problème évident de qualité des soins."La Dre Alexia Orban, active en maison médicale au forfait à Bruxelles, a tenu à parler des plannings familiaux. "L'accès à l'IVG est un droit fondamental. Il faut s'organiser collectivement afin que ce droit soit respecté. Et que, globalement, les droits des femmes soient plus respectés. En France, le droit à l'avortement est désormais inscrit dans la constitution. Il faut que la Belgique avance dans ce domaine."La jeune médecine de famille rappelle que le droit à l'IVG est menacé par la pénurie de personnel qui touche également les plannings familiaux. "Il faut revaloriser financièrement les travailleurs au sein de ces structures. Il faut aussi que la formation suivent et que toutes les universités permettent aux étudiants de se former à la pratique d'interruption de grossesse."Plus globalement, Alexia Orban estime qu'il faut accorder de l'importance à la vie sexuelle et affective au sein de la première ligne. "Se former sur les questions de contraception, des dépistages, des frottis de col, c'est important. Cela permet que certains actes soient reportés sur la deuxième ligne. C'est le bon échelonnement des soins."Alexia Orban a également parlé pénurie et quotas. "Pour avoir une première ligne de qualité, il faut suffisamment de praticiens. Sans effectif plus fourni, nous risquons plus de pression, de stress au travail. Avec un risque d'épuisement, la prise en charge des patients pâtit. Ces derniers pourraient devoir trouver d'autres solutions et se tourner vers d'autres solutions qui ne sont pas souhaitables en santé publique. Ce sont des enjeux sérieux, il faut donc revoir les quotas et sous-quotas avec sérieux." La jeune médecin aborde ensuite la question de l'examen d'entrée, hors-sujet selon elle. "Les médecins généralistes sont fortement impactés par la pénurie. Et pourtant, la sélection à l'entrée des études est de plus en plus stricte. C'est un frein pour pas mal de jeunes qui feraient de bons médecins", explique celle qui a d'abord fait des études artistiques et qui a été formée en technique de transition. "Si on m'avait mis en examen d'entrée, je ne l'aurais pas passé, pour des raisons psychologiques. Pourtant, j'ai toujours très bien réussi mes études. Cela réduit l'accès de la profession et réduit la diversité."La Dre Audrey Bonnelance est le visage le plus connu du panel. Elle réfléchit au sens du travail du médecin généraliste. "Le bon praticien, au bon endroit, au bon moment et au bon prix, c'est une réflexion qui m'amine", exprime l'intéressée. À tel point qu'elle a co-créé une asbl (Résume) pour porter le sujet de manière interdisciplinaire. "Pour arriver à atteindre cet objectif du bon prestataire au bon endroit, au bon moment, il faut qu'il y ait des formations interdisciplinaires sur des sujets communs. Cela permet de savoir qui fait quoi, d'échanger, de créer des réseaux de soins. C'est une des clés fondamentales de la réforme de la nomenclature."La généraliste a partagé ses expériences pour démontrer les difficultés de communication en première et deuxième ligne. Communication qui prend souvent du temps. "Entre parenthèses, ce temps n'est pas rémunéré. Pourtant, le travail d'orientation et d'accompagnement du patient est très important.""Plus globalement, il faut donner du temps au praticien", embraye Audrey Bonnelance. "Il nous faut du temps pour bien soigner nos patients. Et bien soigner nos patients, c'est cela qui fait sens. C'est cela qui permettra de retenir les médecins et de contrer l'abandon qui touche la profession. C'est donc vraiment important. C'est important aussi pour la prévention, qui n'est pas facilitée par ailleurs par les difficultés de communication - techniques - entre professionnels de la santé." Bref, pour la généraliste, il y a du pain sur la planche. Sa proposition est originale et rappelle le DMG+ pour celles et ceux qui l'ont (brièvement) connu : "Il faut prévoir une consultation de 45 minutes par an par patient, entièrement remboursée pour les patients et bien rémunérée pour le médecin. Cette consultation serait l'occasion de faire un travail de prévention et de promotion de la santé. L'incitant ? Le patient serait mieux remboursé de ses autres soins de santé s'il consent à passer cet entretien annuel."La Dre Pauline Gerard a, elle, abordé un sujet plus spécifique : les remplacements. "Le statut de remplaçant est parfois problématique. D'abord parce qu'il est difficile de trouver un remplaçant pour certains, qui subissent donc une surcharge de travail. Ensuite parce qu'il est difficile d'associer différents types de pratiques", explique la jeune diplômée qui travaille depuis un an et demi à mi-temps dans un centre pour patients souffrant d'addiction et à mi-temps comme remplaçante dans divers lieux de pratique. "J'ai déjà dû refuser des offres pour lesquelles j'étais disponible parce que je travaillais déjà quelques heures dans une maison médicale pour dépanner et que l'Inami refusait ce remplacement. L'Inami refuse catégoriquement qu'il y ait une association d'une pratique à l'acte et d'une pratique au forfait. C'est compréhensible pour les médecins installés, mais pour les médecins en remplacement, cela n'a pas de sens.""J'ai l'impression que la thématique de l'impact de l'environnement sur la santé est absente des politiques publiques", conclut le Dr Benjamin Michel, jeune généraliste namurois. "Comment rendre notre système de santé plus résilient, dans un monde de plus en plus instable ?", questionne d'abord Benjamin Michel. "Est-ce que la médecine générale est intégrée aux plans catastrophes ? Que fait-on si demain, il y a une panne de courant généralisée, une sécheresse, un manque d'approvisionnement de médicaments ? Va-t-on improviser comme on l'a fait pour le covid ? Je suis assez inquiet car j'entends peu le monde politique à ce sujet, alors que la santé est une des priorités de la population." Ensuite, Benjamin Michel se demande comment faire pour que les pratiques de médicine générale n'aggrave pas la situation. "Il y a de la littérature désormais pour que nous atténuions notre impact environnemental dans nos pratiques.""La santé planétaire est abordée à tous les étages, mais concrètement, qu'attend-t-on pour agir ? Qu'est-ce qu'on attend pour évaluer les pratiques actuelles en médecine générale ? Que mettent en place les institutions pour adapter les modes de pratique ? C'est une urgence qui ne devra pas attendre 50 ans pour trouver une réponse", conclut le jeune généraliste namurois.