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Ce matin, des représentants de la CHAB, de Santhea (Yves Smeets), d'Unessa (Stephan Mercier), de Zorgnet-Icuro (Margot Cloet), de l'Absym (Jacques de Toeuf) , du Cartel (Reiner Hueting), de l' Union générale des infirmiers de Belgique et de Belfius (Geert Gielens et Arnaud Dessoy) ont présenté le point de vue de leur organisation. Des avis très différents.Pour Jacques de Toeuf, vice-président de l'Absym, " ce projet de loi est plus que bienvenu ". "Les impératifs de gestion de l'État, les évolutions majeures des capacités médicales et technologiques, la transformation radicale des patients mieux informés et plus exigeants, la survenue de la révolution numérique, font de notre organisation des soins un modèle dépassé. Trop complexe, trop orienté vers la survie économique et la chasse aux subsides, trop attentif à garder des modèles de gestion dépassés, l'hôpital court à sa perte ", a déclaré le Dr de Toeuf, devant les membres de la Commission. "Le reengineering du système nécessite de passer d'un modèle normé économique à un modèle médicalisé qui prenne en compte les attentes sociétales, en particulier celles des patients et de tous les prestataires de soins. Les substitutions à l'hospitalisation doivent être mises en place, l'hôpital doit réaliser sa conversion ambulatoire. "Pour l'ancien directeur médical général du Chirec, "il est urgent de voir l'hôpital comme un lieu où s'arrêtent ponctuellement les patients, dans un lit ou non, dans un continuum de soins, en amont et en aval. Le modèle transmural doit être élaboré avec les acteurs hospitaliers et extrahospitaliers, les gestionnaires devenant des " facilitateurs ". La coconstruction du modèle inclusif implique la coconstruction au sein du réseau hospitalier."Jacques de Toeuf regrette que les clivages idéologiques de nombreux décideurs locaux, politiques et gestionnaires, s'opposent au réseautage par zone géographique. " Nous ressentons comme une manoeuvre dilatoire nuisible le désir de certains gestionnaires de maintenir le Conseil médical à l'écart des lieux de décision (par exemple, opposition à la présence, même consultative, d'un membre du Conseil médical dans l'organe de gestion). D'autant plus que ce projet résulte de multiples réunions entre les intéressés au Cabinet, en Commission paritaire médecins-hôpitaux et au Conseil fédéral des établissements hospitaliers."A la Chambre, le Dr de Toeuf a rappelé que l'Absym s'inscrit un modèle de co-construction du réseau avec les gestionnaires. " Un médecin chef de réseau et un Conseil médical de réseau sont indispensables. La gestion par consensus connaît déjà des précédents dans la loi actuelle : elle s'applique (" de commun accord ") pour le règlement de perception centrale et d'affectation des honoraires, pour les retenues sur honoraires, pour les tarifs des frais mis à charge des médecins. La règle de consensus qui s'appliquera, selon ce projet de loi, à tous les points de compétence liés à la pratique médicale, du Conseil médical est indispensable à la cohérence du projet médical à construire. La prise de responsabilité médicale est renforcée par ce nouveau modèle, l'obligation de réussir le changement plus forte, la prise de risque évidente, la prise en compte de l'expertise médicale mieux assurée, l'enthousiasme créatif du staff médical revigoré."Pour Jacques de Toeuf, le conseil médical doit également se tourner vers les médecins généralistes (sans oublier les médecins spécialistes non hospitaliers) pour concrétiser à court terme la politique d'adressage hors murs : besoins des patients, continuité des soins, séjours courts, suivi à domicile après hospitalisation, et surtout élaboration conjointe de trajets de soins. " Il s'agit de domaine d'expertise essentiellement de nature médicale. À eux seuls, ces projets justifient déjà la présence renforcée du Conseil médical dans les organes et processus décisionnels du réseau. "Yves Smeets, directeur général de Santhea, remarque que trois ans après le lancement par Maggie De Block de la réforme hospitalière les aspects concrets de cette réforme ont disparus. " Au départ, il était question de lister les missions de soins qui devaient être rencontrées dans chaque hôpital, celles qui devaient être obligatoirement présentes dans chaque réseau locorégional, celles qui ne pouvaient pas être présentes dans chaque réseau et celles qui dépendaient uniquement des hôpitaux académiques. A cette répartition des missions, il n'est plus actuellement fait référence ", s'étonne Yves Smeets. " De sorte que, tel que le projet de loi est présenté, nous allons devoir construire des réseaux hospitaliers pour le 1er janvier 2020 sans savoir à quoi ceux-ci vont bien pouvoir servir ! Nous allons donc devoir réunir des conseils d'administration à partir de janvier 2020, sans ordre du jour! On demande donc aux hôpitaux de faire des choix sans connaître les règles de programmation de demain, et sans savoir sur quels objets celles-ci vont porter."Le directeur général de Santhea a rappelé que les hôpitaux wallons et bruxellois n'ont pas attendu Maggie De Block pour organiser les soins en réseaux cliniques. Et de citer, le réseau bruxellois Iris et ceux qui se sont développées au départ des Universités francophones." Il est essentiel de ne pas supprimer ce qui existe déjà et notamment des collaborations qui fonctionnent depuis parfois plus de 40 ans. L'idée de créer des réseaux basés essentiellement sur une notion de territoire géographique ne constitue pas en soi une garantie de qualité, d'efficience ou de pérennité ", a souligné Yves Smeets. Cette approche ne permet pas de maintenir ces collaborations existantes, de maintenir la liberté de choix du patient, de garantir les principes éthiques et philosophiques. En outre, " elle instaure une médecine à deux vitesses en permettant à ceux qui en ont les moyens de se faire soigner en dehors de leur zone de soins de résidence. "Santhea prône la concrétisation rapide de réseaux sur base des collaborations existantes plutôt que sur une base purement géographique, en prenant le risque de superposer plusieurs réseaux sur des zones territoriales déterminées. La fédération hospitalière des hôpitaux publics propose de créer des plates-formes de concertation provinciales dont l'avis serait requis pour l'octroi de programmations et qui coordonnerait l'action des réseaux sur son territoire, sans toutefois que celles-ci ne remplacent les hôpitaux.Devant les parlementaires, Yves Smeets (entre autres président du CHU Tivoli) a insisté sur la différence de finalité des hôpitaux publics/laïcs et des hôpitaux catholiques.Le directeur général de Santhea a également soulevé la difficulté d'attribuer aux hôpitaux une personnalité? juridique, durable et juridiquement formalisée. " Aujourd'hui, il n'existe pas à Bruxelles et en Wallonie de structure juridique permettant à des hôpitaux publics de s'associer entre eux ou avec des hôpitaux privés en respectant les garanties offertes aux structures publiques. "Yves Smeets a enfoncé le cou en expliquant que " si l'on envisage de créer des nouvelles structures de type asbl auxquelles participeraient des structures publiques, ceci devrait faire l'objet d'une autorisation légale, nécessitant des modifications législatives tant en Wallonie qu'à Bruxelles et régissant notamment la question des garanties qu'offriraient ces nouvelles structures au regard des obligations du secteur public. Pensons à la représentation démocratique au sein des instances et au respect des législations relatives aux minorités politiques, voire aux règles de transparence et de cumul, à la problématique du statut du personnel et de pension des agents nommés, à la prise en charge des déficits d'exploitation, au respect des règles de transparence, de neutralité et d'accessibilité des services publics... "Quid des accords de coopération entre le Fédéral et les entités fédérées pour mettre en oeuvre cette réforme, ainsi que les arrêtés d'exécution que doivent prendre les Communautés et Régions ?Yves Smeets constate qu'actuellement rien de concret n'est encore esquissé en la matière. " La perspective d'élections fédérales et régionales en mai 2019 rend la concrétisation de tels accords de coopération irréalisable pour le 1er janvier 2020. "Vincent Claes