Cher François,

J'ai toujours eu pour vous une certaine tendresse, nourrie par votre bonhomie naturelle, votre simplicité dans la tenue, le choix de votre minuscule voiture italienne escortée par de rutilantes berlines, une certaine modernité dans une institution à dépoussiérer. Vous écoutant dimanche, quand tous vous donnaient du "Saint Père", je voyais en vous un grand-père. Vous observant, j'ai été touché par cette image que vous donniez d'un vieux pape pétri de convictions, qui disiez ce que vous estimiez devoir nous dire. Je suis un vieux médecin maintenant, à mon tour de vous partager quelques modestes convictions inspirées par la prière de votre modèle François d'Assise, "Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix".

Aurais-je été pape, au terme d'un parcours d'église, j'aurais vraisemblablement comme vous proclamé que "là où est le doute, que je mette la foi". Je suis médecin, au terme d'une vie remplie de joies et de souffrances partagées, inspiré en permanence par "là où est le désespoir, que je mette l'espérance". Si la foi d'un pape se doit d'être forte, je n'en aurai connu dès mon plus jeune âge que des bribes, pareilles à ce pain qu'on distribue aux oiseaux. Quand il n'y avait plus que des miettes, j'étais ce rouge-gorge solitaire qui se nourrissait de "ce presque rien" qui pourtant éclaira mes choix.

C'est la vie qui est cruelle, pas la loi

Je suis fier d'être médecin dans un pays qui, bien avant d'autres, légiféra sur des sujets aussi difficiles que l'avortement et l'euthanasie, au terme de très longs échanges entre humains responsables pétris de convictions diverses, dans un profond respect réciproque. Les lois qui en résultèrent, non seulement garantissaient à chaque médecin une totale liberté de conscience et de refus, mais offraient aussi de précieuses balises pour éviter les aventures, les dérives, les décisions prises dans la solitude ou la clandestinité. Ce sont des lois qui ont profondément modifié ma pratique depuis 20 ans, me guident dans les choix difficiles et me protègent sur le plan juridique quand je pose des actes médicaux qui antérieurement étaient considérés par la loi comme des crimes. Je suis fier d'être médecin chrétien, formé et ayant enseigné à l'Université de Louvain, qui vous a accueilli ce week-end avec un bel enthousiasme. J'y ai appris qu'avant toute chose la priorité du médecin était d'avoir l'oreille et le coeur ouverts à toute détresse. Chaque souffrance est unique, que ce soit celle de la femme placée devant des choix impossibles en raison d'une grossesse non souhaitée qu'elle ne peut assumer, d'embryons porteurs de malformations létales ou issus de violences innommables. Ou, à l'autre bout de la vie, savoir ouvrir la cage à l'oiseau quand, au terme d'une longue maladie, l'enveloppe du corps devient insupportable à porter, de prendre soin jusqu'au bout de la souffrance, y compris en accordant la délivrance quand toutes les autres solutions sont devenues impossibles.

C'est la vie qui est cruelle, cher François, pas les lois, et j'apprécie d'avoir la possibilité dans mon pays de pouvoir répondre, quand c'est la demande, à toute forme de détresse sans connaître la crainte de me voir poursuivi comme si j'étais un sicaire. Comme vous, j'ai l'intime conviction que la vie est sacrée, don de Dieu, et que l'homme n'en est pas maître. Je ne crois néanmoins pas à la valeur rédemptrice de la souffrance physique ou morale à son stade ultime et ai la conviction que le devoir de réponse du médecin à certaines demandes d'aide exceptionnelles est aussi sacré que l'est la vie.

Je suis fier d'être chrétien dans une Église en cheminement, faite d'hommes et de femmes cultivant exactement les mêmes espérances sans prédétermination de rôle, ayant accès aux mêmes professions, aux mêmes responsabilités, aux mêmes grades académiques, aux mêmes fonctions politiques quels que soient leur genre, leur race, leur culture. L'oeuvre humaine étant par nature imparfaite, j'ai la conviction que les actuelles limitations d'accès aux responsabilités ecclésiales faites à nos soeurs, nos épouses, nos filles ne sont qu'une étape dans la vie de l'Église car rien n'arrête une revendication quand elle est juste. Il faut parfois se remémorer les mythes anciens, si riches d'enseignements, comme celui de Pandore. Lequel ouvrit la jarre laissée à sa garde par Zeus, contenant la maladie, la mort et de nombreux autres maux non spécifiés qui furent libérés dans le monde comme autant de papillons. Le dernier de tous, le plus essentiel, étant l'espérance qui permet de venir à bout de tous les autres. Puisse ce papillon d'espérance qui est la mienne se poser sur votre épaule, comme un modeste témoignage d'un vieux médecin à un vieux pape.

Cher François, J'ai toujours eu pour vous une certaine tendresse, nourrie par votre bonhomie naturelle, votre simplicité dans la tenue, le choix de votre minuscule voiture italienne escortée par de rutilantes berlines, une certaine modernité dans une institution à dépoussiérer. Vous écoutant dimanche, quand tous vous donnaient du "Saint Père", je voyais en vous un grand-père. Vous observant, j'ai été touché par cette image que vous donniez d'un vieux pape pétri de convictions, qui disiez ce que vous estimiez devoir nous dire. Je suis un vieux médecin maintenant, à mon tour de vous partager quelques modestes convictions inspirées par la prière de votre modèle François d'Assise, "Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix".Aurais-je été pape, au terme d'un parcours d'église, j'aurais vraisemblablement comme vous proclamé que "là où est le doute, que je mette la foi". Je suis médecin, au terme d'une vie remplie de joies et de souffrances partagées, inspiré en permanence par "là où est le désespoir, que je mette l'espérance". Si la foi d'un pape se doit d'être forte, je n'en aurai connu dès mon plus jeune âge que des bribes, pareilles à ce pain qu'on distribue aux oiseaux. Quand il n'y avait plus que des miettes, j'étais ce rouge-gorge solitaire qui se nourrissait de "ce presque rien" qui pourtant éclaira mes choix.Je suis fier d'être médecin dans un pays qui, bien avant d'autres, légiféra sur des sujets aussi difficiles que l'avortement et l'euthanasie, au terme de très longs échanges entre humains responsables pétris de convictions diverses, dans un profond respect réciproque. Les lois qui en résultèrent, non seulement garantissaient à chaque médecin une totale liberté de conscience et de refus, mais offraient aussi de précieuses balises pour éviter les aventures, les dérives, les décisions prises dans la solitude ou la clandestinité. Ce sont des lois qui ont profondément modifié ma pratique depuis 20 ans, me guident dans les choix difficiles et me protègent sur le plan juridique quand je pose des actes médicaux qui antérieurement étaient considérés par la loi comme des crimes. Je suis fier d'être médecin chrétien, formé et ayant enseigné à l'Université de Louvain, qui vous a accueilli ce week-end avec un bel enthousiasme. J'y ai appris qu'avant toute chose la priorité du médecin était d'avoir l'oreille et le coeur ouverts à toute détresse. Chaque souffrance est unique, que ce soit celle de la femme placée devant des choix impossibles en raison d'une grossesse non souhaitée qu'elle ne peut assumer, d'embryons porteurs de malformations létales ou issus de violences innommables. Ou, à l'autre bout de la vie, savoir ouvrir la cage à l'oiseau quand, au terme d'une longue maladie, l'enveloppe du corps devient insupportable à porter, de prendre soin jusqu'au bout de la souffrance, y compris en accordant la délivrance quand toutes les autres solutions sont devenues impossibles. C'est la vie qui est cruelle, cher François, pas les lois, et j'apprécie d'avoir la possibilité dans mon pays de pouvoir répondre, quand c'est la demande, à toute forme de détresse sans connaître la crainte de me voir poursuivi comme si j'étais un sicaire. Comme vous, j'ai l'intime conviction que la vie est sacrée, don de Dieu, et que l'homme n'en est pas maître. Je ne crois néanmoins pas à la valeur rédemptrice de la souffrance physique ou morale à son stade ultime et ai la conviction que le devoir de réponse du médecin à certaines demandes d'aide exceptionnelles est aussi sacré que l'est la vie.Je suis fier d'être chrétien dans une Église en cheminement, faite d'hommes et de femmes cultivant exactement les mêmes espérances sans prédétermination de rôle, ayant accès aux mêmes professions, aux mêmes responsabilités, aux mêmes grades académiques, aux mêmes fonctions politiques quels que soient leur genre, leur race, leur culture. L'oeuvre humaine étant par nature imparfaite, j'ai la conviction que les actuelles limitations d'accès aux responsabilités ecclésiales faites à nos soeurs, nos épouses, nos filles ne sont qu'une étape dans la vie de l'Église car rien n'arrête une revendication quand elle est juste. Il faut parfois se remémorer les mythes anciens, si riches d'enseignements, comme celui de Pandore. Lequel ouvrit la jarre laissée à sa garde par Zeus, contenant la maladie, la mort et de nombreux autres maux non spécifiés qui furent libérés dans le monde comme autant de papillons. Le dernier de tous, le plus essentiel, étant l'espérance qui permet de venir à bout de tous les autres. Puisse ce papillon d'espérance qui est la mienne se poser sur votre épaule, comme un modeste témoignage d'un vieux médecin à un vieux pape.