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" Bonjour, Nous nous appelons Paul Massion et Didier Ledoux, nous sommes deux médecins réanimateurs au CHU de Liège. Nous avons vécu la pandémie du Covid aux soins intensifs, en première ligne, depuis bientôt 2 ans.A la première vague du covid, les gens applaudissaient dans la rue. A la deuxième, les gens n'en pouvaient plus, et certains se sont retournés contre le corps soignant pourtant à genoux, jugé responsable des contraintes de plus en plus mal vécues, tant par les adultes que par nos jeunes, et nous les comprenons. A la troisième vague, nos infirmier(e)s ont commencé à craquer, les un(e)s après les autres. A réduire leur temps de travail, ou à démissionner. Quand vous devez faire six week-ends d'affilée, affronter jour et nuit la souffrance des gens, supprimer votre sport, que vous ne voyez plus votre propre conjoint, que vous devez remballer vos enfants car vous devez dormir un peu avant de repartir, nous les comprenons. Face à l'épuisement physique des équipes, on a aussi dû commencer à faire des choix thérapeutiques : Qui admettre aux soins intensifs ? Qui retourner sur le ventre ? Qui assister par nos machines de la dernière chance ? Sans parler des drames humains vécus au quotidien, en pleine face, dans le désintérêt général.A la quatrième vague, on apprend qu'on va remodeler les salaires des infirmier(e)s mais sans les valoriser de manière significative, alors que la formation est passée à 4 ans, et que dorénavant la revalorisation due à leur éventuelle année de spécialisation sera supprimée. Résultat ? Les écoles d'infirmières se vident déjà en première année. De moins en moins d'étudiants envisagent de faire la cinquième année de spécialisation à la fin, ni de travailler dans une unité classique d'hospitalisation. Lors de ces deux dernières années, nous avons tous pu constater le dévouement héroïque du corps infirmier, sans lequel nous ne serions jamais passés à travers cette crise. Il mérite toute notre reconnaissance. De notre point de vue de médecins, sans ces hommes et ces femmes, les hôpitaux s'écroulent. Il est urgent pour eux d'obtenir une vraie revalorisation salariale, d'augmenter les effectifs car la norme d'encadrement " une infirmière pour 3 patients " aux soins intensifs la plupart du temps n'est pas soutenable, et de reconnaître que oui, c'est un métier pénible, qui autorise une retraite anticipée. Chers citoyens, demandons-nous qui va encore nous soigner quand ce sera notre tour ? Si ce n'est pas déjà le cas de nos proches ? Réalisons-nous que derrière ces infirmier(e)s, il y a les patients, il y a nous-même ?Chers médecins, soyons tous plus que jamais solidaires du corps infirmier.Chers politiciens, nous vous demandons de faire ce que vous clamez haut et fort depuis le début, qu'il est urgent de tirer les leçons de cette crise, qu'il faut remettre les priorités sur les choses essentielles, comme l'enseignement et la santé. Concrètement, il est urgent de prendre trois mesures politiques fortes : adapter la norme d'encadrement aux soins intensifs à un infirmier pour deux patients en permanence ; revaloriser le salaire net de tous les infirmiers de l'ordre de 25% (alors qu'il est bien inférieur à celui d'autres métiers accessibles sans études supérieures) pour générer une vraie attractivité ; et reconnaitre la pénibilité de leur métier, permettant ainsi une pension anticipée et un maintien des infirmiers en fonction. Contrairement au message véhiculé par les médias, la manne budgétaire de 500 millions libérée par le ministère de la santé n'a permis aux hôpitaux que d'engager des aides-soignantes dans les étages, vu la pénurie des infirmiers, et d'appliquer le protocole IFIC (institut de classification des fonctions), lequel supprime les titres et qualités ! Il n'y a aucune aide concrète aux premiers concernés, ou alors dérisoire pour les plus chanceux d'entre eux. Sans geste fort, sans infirmiers revalorisés et mieux reconnus, c'est la pénurie exponentielle d'infirmiers. Et c'est alors tout notre système de santé qui risque de s'écrouler. C'est la qualité des soins qui va directement en pâtir. Et nous tomberons dans la médecine à deux vitesses, avec les meilleurs soins réservés aux riches, dans des cliniques privées, encore seules capables de s'arracher les derniers infirmiers diplômés. " Une nation ne doit pas être jugée selon la manière dont elle traite ses citoyens les plus éminents, mais ses citoyens les plus faibles ", disait Nelson Mandela. "Drs Paul Massion et Didier Ledoux