Le projet de loi 54 3441/001, 2018/2019 du 21 décembre 2018 relatif à la qualité de la pratique des soins de santé vient d'être distribué aux parlementaires début février 2019 avec l'espoir d'une entrée en vigueur en juillet 2021. Il semble trahir une tentation du ministère fédéral de la Santé de reprendre par la bande les pouvoirs attribués désormais par la constitution aux entités fédérées. Le prestataire pourrait en être la victime.
L'instrument de cette manoeuvre et sa victime, c'est le praticien des soins de santé. Le résultat en est relevé explicitement par le Conseil d'Etat dès son avis 64331/2 du 22/10/2018 : " il ressort du commentaire de l'article 15 que la volonté des auteurs de l'avant-projet est d'imposer aux professions de santé une responsabilité renforcée quant au cadre dans lequel il exerce ". Or, en vertu de la Constitution, ce cadre, en l'espèce l'organisation des structures de santé et leur qualité, sont de la compétence des Communautés et régions. Mais l'Art de guérir, soit l'exercice des professions de santé, reste de la compétence du pouvoir fédéral. L'idée est de rendre les prestataires de cet exercice de l'art de guérir responsables de la validité du cadre de leurs prestations sur lequel ils n'ont pas prise. Et toute violation de ses obligations ainsi décrétées rend le prestataire passible de sanctions majeures pouvant aller jusqu'à la radiation, ce qui le met à la merci du pouvoir central qui peut les prononcer.
L'autorité fédérale, sans inspecteurs légitimes mais ayant transformé chaque prestataire en espion malgré lui, reprend ainsi indirectement le contrôle des normes d'agrément, apanage des entités fédérées. Il l'accroit même puisque sa loi lui permet d'interdire aux prestataires d'effectuer leurs prestations et par là, de faire fonctionner l'hôpital. Bien entendu, les prestataires ainsi instrumentalisés n'ont pas le moindre droit de décision ni même d'amélioration relatifs à cet environnement, à part indirectement par l'avis (pas renforcé dans tous les cas) du Conseil médical.
Fameux exercice d'acrobatie juridique mais le cabinet De Block s'y est attelé sans complexe. C'est l'article 15 du projet dont le commentaire explicatif exigé par le conseil d'Etat, se trouve sous l'article 14 dans l'exposé des motifs.
Art 15. " Le professionnel de santé s'assure que l'encadrement nécessaire est présent lui permettant d'exécuter les soins avec un niveau de qualité élevé " (note de l'auteur : pas seulement le médecin, tout prestataire - notamment les infirmiers - quel que soit son statut ou sa qualification).
Le praticien, responsable du contrôle de tout l'hôpital, de la stérilisation au chauffage
Pour répondre à la perplexité du conseil d'Etat quant à la portée de ce texte, le cabinet s'est fendu d'un commentaire de trois pages (p 24 à 27 de l'exposé des motifs) dont ressortent plusieurs points. Les tribunaux jugeront de leur pertinence au regard de l'art 18 de la loi du 3/7/78 sur le travail et l'article 1384 du code civil.
D'abord, une clarification est apportée. Quand la loi parle d'encadrement, il vise tant les conditions logistiques, techniques, architecturales, hygiéniques des lieux de prestations, la stérilisation de la salle d'opération, les systèmes de chauffage, d'épuration de l'air, de la traçabilité et du reconditionnement du matériel après usage en vue de réutilisation, bref, tout ce qui est contrôlé par l'agrément de l'hôpital au niveau de la Région. Maggie de Block se hâte de préciser toutefois que cela ne donne pas le droit au prestataire de réclamer le dernier matériel, du moment qu'il dispose d'un équipement conforme à l'état de la science.
Le prestataire, kamikaze non volontaire
Que doit faire le praticien lorsqu'il constate une insuffisance puisqu'il n'a aucun pouvoir sur la question? Surtout ne pas prendre une initiative qui corrigerait le problème. Il doit signaler la défaillance, se concerter avec le gestionnaire et, le cas échéant, refuser d'accomplir la prestation (nota bene : sauf urgence ou état de nécessité évidemment, en vertu des principes généraux). Il le fera sans aucun moyen de pression mais, bien entendu à ses risques et périls, entre la faute que constituera légalement la non-dénonciation et le risque d'être licencié et, en tout cas de perdre ses honoraires, sauf s'il est salarié. C'est une mission kamikaze. D'autant qu'il sera délicat d'émettre une critique vis-à-vis de son hôpital au moment où l'intégration en réseaux est conçue pour faciliter la cannibalisation des hôpitaux plus faibles par les gros appétits.
Le commentaire précise que l'obligation du prestataire est une obligation de moyen. Cela va de soi puisqu'il n'a aucun, pouvoir de transformer l'environnement. Il devra par contre justifier avoir fait tous les efforts nécessaires pour relever les failles et améliorer les conditions de travail. La charge de la preuve de faute incombera au patient qui invoquerait la responsabilité du prestataire. Le conseil d'Etat a bien insisté sur les limites mises à l'intervention du praticien par la répartition des compétences ; Il ne peut, en aucun cas, critiquer des conditions d'infrastructure ou d'organisation non inhérentes à l'art de guérir, et, par exemple, des défaillances de secrétariat, de documentations, de l'informatique, de gestion des malades parce qu'elles ne sont pas de la compétence fédérale.
On s'étonne qu''il ne soit pas prévu que le malheureux puisse se retrancher derrière la décision d'agrément de la Région. On s'étonne aussi qu'il n'y ait pas de clause de protection pour garantir l'avenir de l'empêcheur de danser en rond. Il lui restera bien sûr à trouver une indemnisation dans les principes généraux de l'abus de droit sanctionnant les ruptures de contrats abusives. Mais le Don quichotte aura perdu son revenu et sera sans doute sur liste noire pour tout nouveau job, d'autant que le réseautage aura diminué le nombre d'employeurs. Un amendement interdisant le licenciement d'un prestataire ayant signalé un problème de qualité constituerait le minimum d'honnêteté vis-à-vis du prestataire. Madame Fonck du CDH a été désignée co-rapporteuse du projet de loi. La situation impossible des prestataires l'interpellera peut être.
L'instrument de cette manoeuvre et sa victime, c'est le praticien des soins de santé. Le résultat en est relevé explicitement par le Conseil d'Etat dès son avis 64331/2 du 22/10/2018 : " il ressort du commentaire de l'article 15 que la volonté des auteurs de l'avant-projet est d'imposer aux professions de santé une responsabilité renforcée quant au cadre dans lequel il exerce ". Or, en vertu de la Constitution, ce cadre, en l'espèce l'organisation des structures de santé et leur qualité, sont de la compétence des Communautés et régions. Mais l'Art de guérir, soit l'exercice des professions de santé, reste de la compétence du pouvoir fédéral. L'idée est de rendre les prestataires de cet exercice de l'art de guérir responsables de la validité du cadre de leurs prestations sur lequel ils n'ont pas prise. Et toute violation de ses obligations ainsi décrétées rend le prestataire passible de sanctions majeures pouvant aller jusqu'à la radiation, ce qui le met à la merci du pouvoir central qui peut les prononcer.L'autorité fédérale, sans inspecteurs légitimes mais ayant transformé chaque prestataire en espion malgré lui, reprend ainsi indirectement le contrôle des normes d'agrément, apanage des entités fédérées. Il l'accroit même puisque sa loi lui permet d'interdire aux prestataires d'effectuer leurs prestations et par là, de faire fonctionner l'hôpital. Bien entendu, les prestataires ainsi instrumentalisés n'ont pas le moindre droit de décision ni même d'amélioration relatifs à cet environnement, à part indirectement par l'avis (pas renforcé dans tous les cas) du Conseil médical.Fameux exercice d'acrobatie juridique mais le cabinet De Block s'y est attelé sans complexe. C'est l'article 15 du projet dont le commentaire explicatif exigé par le conseil d'Etat, se trouve sous l'article 14 dans l'exposé des motifs.Art 15. " Le professionnel de santé s'assure que l'encadrement nécessaire est présent lui permettant d'exécuter les soins avec un niveau de qualité élevé " (note de l'auteur : pas seulement le médecin, tout prestataire - notamment les infirmiers - quel que soit son statut ou sa qualification).Pour répondre à la perplexité du conseil d'Etat quant à la portée de ce texte, le cabinet s'est fendu d'un commentaire de trois pages (p 24 à 27 de l'exposé des motifs) dont ressortent plusieurs points. Les tribunaux jugeront de leur pertinence au regard de l'art 18 de la loi du 3/7/78 sur le travail et l'article 1384 du code civil.D'abord, une clarification est apportée. Quand la loi parle d'encadrement, il vise tant les conditions logistiques, techniques, architecturales, hygiéniques des lieux de prestations, la stérilisation de la salle d'opération, les systèmes de chauffage, d'épuration de l'air, de la traçabilité et du reconditionnement du matériel après usage en vue de réutilisation, bref, tout ce qui est contrôlé par l'agrément de l'hôpital au niveau de la Région. Maggie de Block se hâte de préciser toutefois que cela ne donne pas le droit au prestataire de réclamer le dernier matériel, du moment qu'il dispose d'un équipement conforme à l'état de la science.Que doit faire le praticien lorsqu'il constate une insuffisance puisqu'il n'a aucun pouvoir sur la question? Surtout ne pas prendre une initiative qui corrigerait le problème. Il doit signaler la défaillance, se concerter avec le gestionnaire et, le cas échéant, refuser d'accomplir la prestation (nota bene : sauf urgence ou état de nécessité évidemment, en vertu des principes généraux). Il le fera sans aucun moyen de pression mais, bien entendu à ses risques et périls, entre la faute que constituera légalement la non-dénonciation et le risque d'être licencié et, en tout cas de perdre ses honoraires, sauf s'il est salarié. C'est une mission kamikaze. D'autant qu'il sera délicat d'émettre une critique vis-à-vis de son hôpital au moment où l'intégration en réseaux est conçue pour faciliter la cannibalisation des hôpitaux plus faibles par les gros appétits.Le commentaire précise que l'obligation du prestataire est une obligation de moyen. Cela va de soi puisqu'il n'a aucun, pouvoir de transformer l'environnement. Il devra par contre justifier avoir fait tous les efforts nécessaires pour relever les failles et améliorer les conditions de travail. La charge de la preuve de faute incombera au patient qui invoquerait la responsabilité du prestataire. Le conseil d'Etat a bien insisté sur les limites mises à l'intervention du praticien par la répartition des compétences ; Il ne peut, en aucun cas, critiquer des conditions d'infrastructure ou d'organisation non inhérentes à l'art de guérir, et, par exemple, des défaillances de secrétariat, de documentations, de l'informatique, de gestion des malades parce qu'elles ne sont pas de la compétence fédérale.On s'étonne qu''il ne soit pas prévu que le malheureux puisse se retrancher derrière la décision d'agrément de la Région. On s'étonne aussi qu'il n'y ait pas de clause de protection pour garantir l'avenir de l'empêcheur de danser en rond. Il lui restera bien sûr à trouver une indemnisation dans les principes généraux de l'abus de droit sanctionnant les ruptures de contrats abusives. Mais le Don quichotte aura perdu son revenu et sera sans doute sur liste noire pour tout nouveau job, d'autant que le réseautage aura diminué le nombre d'employeurs. Un amendement interdisant le licenciement d'un prestataire ayant signalé un problème de qualité constituerait le minimum d'honnêteté vis-à-vis du prestataire. Madame Fonck du CDH a été désignée co-rapporteuse du projet de loi. La situation impossible des prestataires l'interpellera peut être.