I. Un statut labyrinthique à débroussailler avec un faux contrat d'emploi et un employeur qui ne l'est pas

Les candidats spécialistes ne sont pas contents et tout le monde les comprendra. Leur statut d'assistants corvéables à merci fait l'objet de discussions depuis des années. Des progrès ont été accomplis, notamment, par le règlement Colla en 1999 puis par la loi du 12 décembre 2010 sur base de la directive européenne 2003/88/CE, mais en laissant de telles échappatoires qu'on constate que les garanties minimales prévues ne sont même pas respectées. L'exemple type, c'est la durée du travail. Elle est limitée à 48 h/semaine, ce qui est déjà une dérogation par rapport aux autres travailleurs, mais en plus, il est possible de convenir un temps de travail de 60 heures de commun accord. Certains hôpitaux ont tourné la loi en faisant de cette faculté, légalement conditionnée à un accord express des parties résiliable en tout temps, la norme sous réserve d'opt-out, c'est-à-dire une déclaration expresse de désaccord. Cette inversion du système est une violation de la loi. On comprendra bien qu'il est plus difficile pour un assistant de sortir d'un contrat dont 60 h est le régime normal, que de refuser de faire des heures supplémentaires par rapport à un contrat légalement de 48 h. Les transgressions à la loi étant sanctionnées pénalement et administrativement, une plainte serait toujours possible pour débloquer la situation, plus efficacement qu'une grève d'une heure. On pourrait commencer par appliquer les lois et règlements existants ?

Contrat ou pas, la règle s'applique

Pour justifier ces anomalies, les gestionnaires se basent sur la qualification du contrat d'assistant, qui n'est pas un contrat de travail. Or, il faut relever en préalable que la directive européenne sur l'aménagement du travail vise les médecins sous contrat de travail, mais s'applique également expressément aux médecins en formation quel que soit leur statut, contrat de travail ou pas.

La Cour de cassation a effectivement décidé à plusieurs reprises que le candidat spécialiste ne travaillait pas dans les liens d'un contrat de travail mais dans ceux d'un contrat de formation. L'objet de l'accord n'est en effet pas de fournir un travail au profit de l'employeur et sous son autorité, objet du contrat de travail, mais la formation du prestataire. L'autorité du patron trouve sa raison d'être dans sa finalité qui est la formation. L'article 18 de la loi du 23/04/2014 modifiée en 2016, précise clairement que le candidat spécialiste participe aux activités du service de stage qui sont nécessaires à sa formation et dans la mesure de son niveau de formation.

Lors de la discussion chez la ministre de l'Emploi (Joëlle Milquet à l'époque) en vue de la transposition en droit belge de la directive 2003/88, il a été convenu que l'insertion de 4 h de cours obligatoires dans la durée légale de travail et non à côté en plus, était un élément essentiel pour préciser la qualification de contrat de formation sui generis par rapport à un contrat d'emploi.

Hôpital employeur

Comment se fait-il alors que l'on qualifie l'hôpital d'employeur ? L'hôpital paraît employeur parce qu'aucun médecin ne peut exercer dans un hôpital sans lui être lié par un contrat. Mais pas forcément un contrat de travail. Le droit belge a créé des contrats qui ressemblent à des contrats de travail par le lien de subordination mais n'en sont pas, dans la loi sur l'ONSS du 27 juin 1969. Celle-ci permet " d'étendre l'application d'un ou plusieurs régimes de sécurité sociale des salariés aux personnes qui, sans être liées par un contrat de travail, exécutent un travail selon des modalités similaires à celles d'un contrat de travail. Le roi désigne dans ce cas la personne qui sera considérée comme employeur". Elle sera responsable du paiement des cotisations sociales ; peu importe qui exerce vraiment l'autorité réelle. Et c'est la situation du candidat spécialiste.

En ce qui concerne l'assistant, désigner une autorité au-delà de ce champ d'application limité de l'ONSS n'est pas évident. Le cumul des compétences et obligations fédérales, communautaires, régionales et locales font de la formation du MACS une véritable usine à gaz. Plongé dans un enchevêtrement d'autorités, le MACS reste étudiant d'une Université qui continue à assurer sa formation théorique dans un cadre considéré comme un Master après Master. Une commission d'agrément approuve le plan de stage y compris les conditions de travail, recevra les carnets de stages, et les rapports d'activité, les approuvera ou décidera éventuellement de l'arrêt ou de la prolongation de la formation et donc du contrat. Le maître de stage, agréé par le ministre de la Santé sur avis du conseil supérieur des spécialistes, forme et supervise l'activité dans un service de stage de l'hôpital également agréé. Le chef du service où travaille le MACS à l'hôpital exerce ses prérogatives légales en vertu de la loi sur les hôpitaux, organise, dirige et surveille le travail selon la réglementation générale de l'hôpital ; pour mémoire ajoutons le maître de stage coordinateur pour coordonner l'ensemble du parcours du stagiaire.

Racheter des années d'études

En conséquence, le candidat spécialiste ne jouit pas de l'ensemble de la protection légale d'un contrat bien défini comme un contrat de travail. Il se réfère à celle prévue spécifiquement par le règlement de stage, par la loi spéciale sur l'aménagement du temps de travail du médecin en formation de 2010 dont nous avons parlé et par le règlement juridique adopté par l'hôpital où se poursuit la formation. Il ne bénéficie pas non plus de la sécurité sociale découlant du contrat d'emploi ; il ne peut se référer qu'aux seuls régimes découlant expressément de son contrat, le formateur économisant en particulier les cotisations pensions (7,5 % à charge du travailleur et 8,86% à charge de l'employeur) et du chômage (0,87% à charge du travailleur et 1,96% à payer par l'employeur). L'assistant peut ainsi travailler jusqu'à 6 ans sans acquérir une seule année de droit à la pension, sauf à racheter des années d'études quand il sera riche.

II. La condition préalable à un statut unique : désigner qui supportera son coût.

Sur le paiement de l'indemnité, ce n'est pas le quasi-employeur versant celle-ci qui la finance, sauf dans les hôpitaux universitaires. L'université y est l'employeur et le maître de stage son préposé agissant en son nom. Dans les autres hôpitaux de stage, c'est une autre histoire. L'hôpital est seulement un quasi-employeur désigné pour l'ONSS qui paie l'assistant, mais il se fait rembourser par l'équipe médicale ou par le patron de stage, payeur final. Celui-ci reçoit de son côté de l'Inami un petit subside mensuel de 705,98 euros par assistant depuis 2019, à peu près 15 à 10% du coût selon les années de stage et cela, après des années de réclamation contre la discrimination.

Maggie De Block a laissé une bombe à retardement en demandant à la commission paritaire un statut unique pour tous les assistants

En effet, l'hôpital universitaire se voit attribuer depuis toujours par le SPF Santé publique une indemnité par patron et par assistant dans son budget ; de son côté, le maître de stage du candidat généraliste est financé à 50% en remboursement de l'indemnité qu'il verse à son assistant. Par contre, l'hôpital de stage non universitaire et le maître de stage, seuls, ne recevaient rien, invités ainsi à exploiter le MACS pour financer son enseignement. L'enjeu réel des débats actuels sur les conditions de travail, s'étend en réalité à l'attribution d'un financement sérieux des stages en hôpitaux et la désignation de son bénéficiaire : le maître de stage qui doit consacrer son temps à superviser et apprendre réellement son métier à l'assistant ou l'hôpital comme le demande le banc des gestionnaires ou peut-être même, comme le demande le VASO l'association des candidats spécialistes flamands, un organisme indépendant à créer qui serait seul employeur de tous les MACS.

Statut unique

Maggie De Block a laissé une bombe à retardement en demandant à la commission paritaire Médecins hôpitaux de créer un statut unique pour tous les assistants par une convention collective. Le Covid-19 et les péripéties de la succession à la présidence de la Commission ont postposé les débats jusqu'à maintenant. Le SPF Santé publique et le SPF Emploi auraient considéré le contrat des MACS comme un contrat d'emploi, ce qui n'est qu'un avis sans portée juridique mais susceptible de servir de base à l'adoption formelle d'une disposition simplifiant la plupart des points conflictuels. Encore faut- il un accord sur ses conséquences financières.

La qualification du contrat peut apparaître comme la clef du statut, parce qu'elle entraîne ou au contraire exclut d'office l'application d'obligations légales différentes pour l'employeur et pour le stagiaire, et pas seulement quant aux conditions de travail ou les modes de résiliation. Elle aura aussi un impact sur les responsabilités respectives des actes des assistants, supportées par ceux-ci, par l'employeur ou par le maître de stage selon les cas. Le paiement du mois de salaire pendant le premier mois de maladie, le calcul des heures supplémentaires s'en retrouveraient également réglé automatiquement. Certes, mais quelle qualification ? et avec quel contenu ? Les discussions sont mal parties.

Le CHU de Liège a en son temps gagné un procès écartant des obligations propres au contrat d'emploi, application juridique stricte de l'interprétation de la Cour de cassation et des Cours du Travail selon laquelle le contrat de formation n'est pas un contrat de travail. Maintenant, les gestionnaires proposent de faire de cette interprétation la règle générale, valable dans tous les hôpitaux du pays mais en tirent des conséquences erronées. Sur le point des heures supplémentaires, il n'y a pas vraiment de doute, elles sont réglées par la loi spéciale de 2010. Il faut simplement appliquer la loi. Le tribunal du travail de Liège a d'ailleurs obligé en novembre 2019 le CHU à régulariser les paiements d'heures supplémentaires, cette question étant régie par une disposition spécifique propre aux médecins en formation, indépendante de la qualification du contrat. La paix passe sans doute par l'adoption d'un statut évitant toute interprétation. C'est le point à clarifier d'emblée.

III. Pourquoi la position unanime incompréhensible des gestionnaires

Pour initier la discussion sur un contrat unique, le banc des représentants des hôpitaux a présenté une position unifiée sur base d'une interprétation de la loi entraînant une régression de dix ans. Poussant le bouchon plus loin, peut-être pour se donner une marge de concession, les gestionnaires auraient proposé dans leur convention une clause illégale supprimant tout sursalaire pour les heures dépassant la durée légale du temps de travail, soit 48 h et n'en prévoyant qu'au-delà de 60 h. Cette proposition est incompréhensible puisque contrevenant non seulement à la loi mais aux directives européennes. Au-delà de 60 h, il ne peut y avoir que des heures supplémentaires exceptionnelles liées à la nécessité de faire face à des cas de force majeure. Il n'y aurait donc pratiquement plus d'heures supplémentaires du tout, ce qui est impensable. Compte tenu de la grande qualité des représentants des hôpitaux, cette position ne peut découler d'une ignorance de la loi. Elle ne peut s'interpréter que comme une réaction d'humeur face à des exigences estimées délirantes dans une sorte d'escalade de rêves.

Une question ne peut manquer de surgir. Même avec une responsabilité d'employeur nominal, le gestionnaire ne supporte pas le coût des candidats spécialistes puisqu'il est remboursé de leurs salaires par les médecins de l'hôpital. Alors, pourquoi ont-ils présenté ce projet amputant des salaires qu'ils ne supportent pas ? Ce n'est sûrement pas par souci des revenus des maîtres de stages, payeurs finaux.

La ponction sur honoraires ébranlée

On peut y voir deux réponses. D'abord, c'est que là où les médecins et maîtres de stage sont salariés, et d'abord dans les hôpitaux académiques, la totalité de leurs honoraires sont empochés par le gestionnaire pour financer les salaires. Toute augmentation de ces derniers écornera donc les honoraires encaissés par l'employeur. Par ailleurs, les réformes en vue pourraient ébranler le système de ponctions sur honoraires.

Le financement groupé des soins à basse variabilité, fondé sur un montant prospectif global par admission identique pour tous les hôpitaux sur base d'une médiane corrigée des honoraires correspondants, ne porte pas atteinte aux ponctions sur honoraires. Il pourrait cependant affecter les rentrées dans certains hôpitaux et avantager ceux qui n'ont pas d'assistants. Surtout, la perspective d'une scission entre partie de l'honoraire " pur " destinée aux médecins et partie frais dans la nomenclature actuellement à l'étude, suscite chez les gestionnaires l'appréhension d'une suppression des ponctions sur honoraires au profit des gestionnaires. Ceux-ci ont donc intérêt à garantir la couverture de leurs dépenses autrement que par les ponctions.

IV. La revendication des MACS face à la qualité de la formation

Sur la durée du travail, la convention collective apparaît comme une occasion de chercher un terrain d'entente pour mettre fin à la discrimination des médecins par rapport aux autres travailleurs et ramener la durée légale de travail à 37,5 heures comme celle des autres soignants. Le but de la limitation du temps de travail est la protection de la santé du travailleur. Le stress, les positions fatigantes debout, l'attention permanente, la maîtrise des gestes, le travail de nuit, le temps de travail exagéré et le manque de repos, la responsabilité sont tout aussi préjudiciables à la santé du médecin qu'à celle de l'infirmière. La discrimination n'est accompagnée ni de justification ni de repos compensatoires supplémentaires afin d'atteindre l'objectif de santé du travailleur visé par la loi.

L'activité du MACS n'est pas un emploi mais un apprentissage

Il y a juste un détail en ce qui concerne les MACS qui ne peut être perdu de vue dans la fixation du temps de prestations. L'activité du MACS n'est pas un emploi mais un apprentissage. Les 48 h du contrat de formation comprennent actuellement 4 heures de formation scientifiques. Alors on peut réduire à 38 h le temps de travail, mais en les complétant de 10 heures de formation, cours théoriques, séminaires, débriefing et supervision de travail de recherche parallèle. Sans enseignement, pas de MACS. L'arrivée massive des diplômés de la double cohorte a provoqué des diminutions des exigences, la multiplication des maîtres de stage et de postes de stages dans les services, entraînant une perte de qualité dénoncée par les intéressés mais cela ne peut durer.

" Un danger pour les patients "

Sur la nature du contrat, on n'est pas au clair : Le Cimacs réclame un contrat d'emploi mais son mémorandum propose d'insérer les mots : " Chaque heure de travail est considérée comme formative ". C'est contradictoire avec l'interview de Jérôme Lechien, alors président du Cimacs, selon lequel 37% des MACS ne reçoivent parfois ni formation ni supervision suffisante. D'après une enquête évoquée par la RTBF (20 mars 2019 à 17h17), 37% des MACS se considèrent comme un danger pour les patients. Certains racontent avoir dû s'instruire en regardant une vidéo.

Sur le plan des salaires, il va de soi que l'application de la loi sur les heures supplémentaires ne se discute pas. Restent les montants. Le Cimacs demande des augmentations de 20 à 100 % par comparaison aux tarifs actuels selon l'avancement du stages ,pour obtenir des rémunérations annuelles atteignant, à l'index actuel, jusqu'à 79 000 euros en 5ième année. Ce montant ne représenterait que le salaire de base pour seulement 40 heures de travail, à majorer des charges patronales, du double pécule de vacances, de suppléments pour pénibilité de nuit, d' heures supplémentaires ou de week-end à 150 ou 200 %, et les tickets repas pour mémoire, ce qui pourrait aboutir grosso modo à un coût annuel dépassant les 120 000 euros .

V. Qui va payer ?

Que cette demande soit raisonnable ou pas, justifiée ou pas compte tenu de ce qu'on apprend sur les stages, la question est : qui va payer ? C'est impayable par l'hôpital qui n'a pas les budgets nécessaires. Reste donc les honoraires du staff hospitalier. Les représentants de l'Absym et du Cartel seraient prêts à s'approcher de ces chiffres mais pour une base de 48 heures semaine et en contrat générique (sui generis), avec des suppléments moindres. On suppose qu'ils ont consulté leurs bases parce que cela paraîtrait difficilement payable par les maîtres de stage de certaines spécialités, s'ils avaient à rembourser l'hôpital de ces montants. Tant qu'on n'a pas tranché la question de l'intervention publique dans le coût de l'enseignement, ces augmentations risquent de tomber sur les médecins hospitaliers, qui chercheront forcément à produire plus pour récupérer cette dépense, sinon ce serait idiot de leur part de payer rien que pour former des concurrents. Un engagement n'est supportable qu'avec une intervention publique d'au moins 50 % de son coût, comme c'est le cas dans le système des généralistes qui a servi de base aux calculs de l'Absym.

VI. Un préalable : Pas d'augmentation sans une formation valable

Tout dépend maintenant de l'engagement du SPF Santé publique et de l'Inami à mettre l'argent sur la table. Le ministre Vandenbroucke a annoncé (RTBF, 29 avril 2021, 19 :42) qu'il avait prévu dix millions d'euros. Cela fait moins de 100 euros par mois par candidat spécialiste. On est loin du compte. Il a promis à la Chambre d'augmenter cette enveloppe. Reste à espérer une pluie de millions magiques après les réunions Zoom de la Commission paritaire du 5 et celle à venir du 19 mai.

Mais avant toute augmentation, un réexamen des services de stage s'impose absolument. L'interview courageuse du président du Cimacs, le Dr Jérôme Lechien, m'a terrifié. Courir le risque d'être réceptionné par un spécialiste autodidacte dans un cas sur trois est inacceptable. En tant que patient et contribuable, je crois être en droit de demander à toutes les parties concernées, ministres en tête, de lier la qualité de la formation à tout aménagement des contrats de MACS et des maîtres de stage.

I. Un statut labyrinthique à débroussailler avec un faux contrat d'emploi et un employeur qui ne l'est pasLes candidats spécialistes ne sont pas contents et tout le monde les comprendra. Leur statut d'assistants corvéables à merci fait l'objet de discussions depuis des années. Des progrès ont été accomplis, notamment, par le règlement Colla en 1999 puis par la loi du 12 décembre 2010 sur base de la directive européenne 2003/88/CE, mais en laissant de telles échappatoires qu'on constate que les garanties minimales prévues ne sont même pas respectées. L'exemple type, c'est la durée du travail. Elle est limitée à 48 h/semaine, ce qui est déjà une dérogation par rapport aux autres travailleurs, mais en plus, il est possible de convenir un temps de travail de 60 heures de commun accord. Certains hôpitaux ont tourné la loi en faisant de cette faculté, légalement conditionnée à un accord express des parties résiliable en tout temps, la norme sous réserve d'opt-out, c'est-à-dire une déclaration expresse de désaccord. Cette inversion du système est une violation de la loi. On comprendra bien qu'il est plus difficile pour un assistant de sortir d'un contrat dont 60 h est le régime normal, que de refuser de faire des heures supplémentaires par rapport à un contrat légalement de 48 h. Les transgressions à la loi étant sanctionnées pénalement et administrativement, une plainte serait toujours possible pour débloquer la situation, plus efficacement qu'une grève d'une heure. On pourrait commencer par appliquer les lois et règlements existants ?Pour justifier ces anomalies, les gestionnaires se basent sur la qualification du contrat d'assistant, qui n'est pas un contrat de travail. Or, il faut relever en préalable que la directive européenne sur l'aménagement du travail vise les médecins sous contrat de travail, mais s'applique également expressément aux médecins en formation quel que soit leur statut, contrat de travail ou pas.La Cour de cassation a effectivement décidé à plusieurs reprises que le candidat spécialiste ne travaillait pas dans les liens d'un contrat de travail mais dans ceux d'un contrat de formation. L'objet de l'accord n'est en effet pas de fournir un travail au profit de l'employeur et sous son autorité, objet du contrat de travail, mais la formation du prestataire. L'autorité du patron trouve sa raison d'être dans sa finalité qui est la formation. L'article 18 de la loi du 23/04/2014 modifiée en 2016, précise clairement que le candidat spécialiste participe aux activités du service de stage qui sont nécessaires à sa formation et dans la mesure de son niveau de formation.Lors de la discussion chez la ministre de l'Emploi (Joëlle Milquet à l'époque) en vue de la transposition en droit belge de la directive 2003/88, il a été convenu que l'insertion de 4 h de cours obligatoires dans la durée légale de travail et non à côté en plus, était un élément essentiel pour préciser la qualification de contrat de formation sui generis par rapport à un contrat d'emploi.Comment se fait-il alors que l'on qualifie l'hôpital d'employeur ? L'hôpital paraît employeur parce qu'aucun médecin ne peut exercer dans un hôpital sans lui être lié par un contrat. Mais pas forcément un contrat de travail. Le droit belge a créé des contrats qui ressemblent à des contrats de travail par le lien de subordination mais n'en sont pas, dans la loi sur l'ONSS du 27 juin 1969. Celle-ci permet " d'étendre l'application d'un ou plusieurs régimes de sécurité sociale des salariés aux personnes qui, sans être liées par un contrat de travail, exécutent un travail selon des modalités similaires à celles d'un contrat de travail. Le roi désigne dans ce cas la personne qui sera considérée comme employeur". Elle sera responsable du paiement des cotisations sociales ; peu importe qui exerce vraiment l'autorité réelle. Et c'est la situation du candidat spécialiste.En ce qui concerne l'assistant, désigner une autorité au-delà de ce champ d'application limité de l'ONSS n'est pas évident. Le cumul des compétences et obligations fédérales, communautaires, régionales et locales font de la formation du MACS une véritable usine à gaz. Plongé dans un enchevêtrement d'autorités, le MACS reste étudiant d'une Université qui continue à assurer sa formation théorique dans un cadre considéré comme un Master après Master. Une commission d'agrément approuve le plan de stage y compris les conditions de travail, recevra les carnets de stages, et les rapports d'activité, les approuvera ou décidera éventuellement de l'arrêt ou de la prolongation de la formation et donc du contrat. Le maître de stage, agréé par le ministre de la Santé sur avis du conseil supérieur des spécialistes, forme et supervise l'activité dans un service de stage de l'hôpital également agréé. Le chef du service où travaille le MACS à l'hôpital exerce ses prérogatives légales en vertu de la loi sur les hôpitaux, organise, dirige et surveille le travail selon la réglementation générale de l'hôpital ; pour mémoire ajoutons le maître de stage coordinateur pour coordonner l'ensemble du parcours du stagiaire.En conséquence, le candidat spécialiste ne jouit pas de l'ensemble de la protection légale d'un contrat bien défini comme un contrat de travail. Il se réfère à celle prévue spécifiquement par le règlement de stage, par la loi spéciale sur l'aménagement du temps de travail du médecin en formation de 2010 dont nous avons parlé et par le règlement juridique adopté par l'hôpital où se poursuit la formation. Il ne bénéficie pas non plus de la sécurité sociale découlant du contrat d'emploi ; il ne peut se référer qu'aux seuls régimes découlant expressément de son contrat, le formateur économisant en particulier les cotisations pensions (7,5 % à charge du travailleur et 8,86% à charge de l'employeur) et du chômage (0,87% à charge du travailleur et 1,96% à payer par l'employeur). L'assistant peut ainsi travailler jusqu'à 6 ans sans acquérir une seule année de droit à la pension, sauf à racheter des années d'études quand il sera riche.II. La condition préalable à un statut unique : désigner qui supportera son coût.Sur le paiement de l'indemnité, ce n'est pas le quasi-employeur versant celle-ci qui la finance, sauf dans les hôpitaux universitaires. L'université y est l'employeur et le maître de stage son préposé agissant en son nom. Dans les autres hôpitaux de stage, c'est une autre histoire. L'hôpital est seulement un quasi-employeur désigné pour l'ONSS qui paie l'assistant, mais il se fait rembourser par l'équipe médicale ou par le patron de stage, payeur final. Celui-ci reçoit de son côté de l'Inami un petit subside mensuel de 705,98 euros par assistant depuis 2019, à peu près 15 à 10% du coût selon les années de stage et cela, après des années de réclamation contre la discrimination.En effet, l'hôpital universitaire se voit attribuer depuis toujours par le SPF Santé publique une indemnité par patron et par assistant dans son budget ; de son côté, le maître de stage du candidat généraliste est financé à 50% en remboursement de l'indemnité qu'il verse à son assistant. Par contre, l'hôpital de stage non universitaire et le maître de stage, seuls, ne recevaient rien, invités ainsi à exploiter le MACS pour financer son enseignement. L'enjeu réel des débats actuels sur les conditions de travail, s'étend en réalité à l'attribution d'un financement sérieux des stages en hôpitaux et la désignation de son bénéficiaire : le maître de stage qui doit consacrer son temps à superviser et apprendre réellement son métier à l'assistant ou l'hôpital comme le demande le banc des gestionnaires ou peut-être même, comme le demande le VASO l'association des candidats spécialistes flamands, un organisme indépendant à créer qui serait seul employeur de tous les MACS. Maggie De Block a laissé une bombe à retardement en demandant à la commission paritaire Médecins hôpitaux de créer un statut unique pour tous les assistants par une convention collective. Le Covid-19 et les péripéties de la succession à la présidence de la Commission ont postposé les débats jusqu'à maintenant. Le SPF Santé publique et le SPF Emploi auraient considéré le contrat des MACS comme un contrat d'emploi, ce qui n'est qu'un avis sans portée juridique mais susceptible de servir de base à l'adoption formelle d'une disposition simplifiant la plupart des points conflictuels. Encore faut- il un accord sur ses conséquences financières. La qualification du contrat peut apparaître comme la clef du statut, parce qu'elle entraîne ou au contraire exclut d'office l'application d'obligations légales différentes pour l'employeur et pour le stagiaire, et pas seulement quant aux conditions de travail ou les modes de résiliation. Elle aura aussi un impact sur les responsabilités respectives des actes des assistants, supportées par ceux-ci, par l'employeur ou par le maître de stage selon les cas. Le paiement du mois de salaire pendant le premier mois de maladie, le calcul des heures supplémentaires s'en retrouveraient également réglé automatiquement. Certes, mais quelle qualification ? et avec quel contenu ? Les discussions sont mal parties. Le CHU de Liège a en son temps gagné un procès écartant des obligations propres au contrat d'emploi, application juridique stricte de l'interprétation de la Cour de cassation et des Cours du Travail selon laquelle le contrat de formation n'est pas un contrat de travail. Maintenant, les gestionnaires proposent de faire de cette interprétation la règle générale, valable dans tous les hôpitaux du pays mais en tirent des conséquences erronées. Sur le point des heures supplémentaires, il n'y a pas vraiment de doute, elles sont réglées par la loi spéciale de 2010. Il faut simplement appliquer la loi. Le tribunal du travail de Liège a d'ailleurs obligé en novembre 2019 le CHU à régulariser les paiements d'heures supplémentaires, cette question étant régie par une disposition spécifique propre aux médecins en formation, indépendante de la qualification du contrat. La paix passe sans doute par l'adoption d'un statut évitant toute interprétation. C'est le point à clarifier d'emblée. III. Pourquoi la position unanime incompréhensible des gestionnaires Pour initier la discussion sur un contrat unique, le banc des représentants des hôpitaux a présenté une position unifiée sur base d'une interprétation de la loi entraînant une régression de dix ans. Poussant le bouchon plus loin, peut-être pour se donner une marge de concession, les gestionnaires auraient proposé dans leur convention une clause illégale supprimant tout sursalaire pour les heures dépassant la durée légale du temps de travail, soit 48 h et n'en prévoyant qu'au-delà de 60 h. Cette proposition est incompréhensible puisque contrevenant non seulement à la loi mais aux directives européennes. Au-delà de 60 h, il ne peut y avoir que des heures supplémentaires exceptionnelles liées à la nécessité de faire face à des cas de force majeure. Il n'y aurait donc pratiquement plus d'heures supplémentaires du tout, ce qui est impensable. Compte tenu de la grande qualité des représentants des hôpitaux, cette position ne peut découler d'une ignorance de la loi. Elle ne peut s'interpréter que comme une réaction d'humeur face à des exigences estimées délirantes dans une sorte d'escalade de rêves.Une question ne peut manquer de surgir. Même avec une responsabilité d'employeur nominal, le gestionnaire ne supporte pas le coût des candidats spécialistes puisqu'il est remboursé de leurs salaires par les médecins de l'hôpital. Alors, pourquoi ont-ils présenté ce projet amputant des salaires qu'ils ne supportent pas ? Ce n'est sûrement pas par souci des revenus des maîtres de stages, payeurs finaux.On peut y voir deux réponses. D'abord, c'est que là où les médecins et maîtres de stage sont salariés, et d'abord dans les hôpitaux académiques, la totalité de leurs honoraires sont empochés par le gestionnaire pour financer les salaires. Toute augmentation de ces derniers écornera donc les honoraires encaissés par l'employeur. Par ailleurs, les réformes en vue pourraient ébranler le système de ponctions sur honoraires.Le financement groupé des soins à basse variabilité, fondé sur un montant prospectif global par admission identique pour tous les hôpitaux sur base d'une médiane corrigée des honoraires correspondants, ne porte pas atteinte aux ponctions sur honoraires. Il pourrait cependant affecter les rentrées dans certains hôpitaux et avantager ceux qui n'ont pas d'assistants. Surtout, la perspective d'une scission entre partie de l'honoraire " pur " destinée aux médecins et partie frais dans la nomenclature actuellement à l'étude, suscite chez les gestionnaires l'appréhension d'une suppression des ponctions sur honoraires au profit des gestionnaires. Ceux-ci ont donc intérêt à garantir la couverture de leurs dépenses autrement que par les ponctions. IV. La revendication des MACS face à la qualité de la formationSur la durée du travail, la convention collective apparaît comme une occasion de chercher un terrain d'entente pour mettre fin à la discrimination des médecins par rapport aux autres travailleurs et ramener la durée légale de travail à 37,5 heures comme celle des autres soignants. Le but de la limitation du temps de travail est la protection de la santé du travailleur. Le stress, les positions fatigantes debout, l'attention permanente, la maîtrise des gestes, le travail de nuit, le temps de travail exagéré et le manque de repos, la responsabilité sont tout aussi préjudiciables à la santé du médecin qu'à celle de l'infirmière. La discrimination n'est accompagnée ni de justification ni de repos compensatoires supplémentaires afin d'atteindre l'objectif de santé du travailleur visé par la loi.Il y a juste un détail en ce qui concerne les MACS qui ne peut être perdu de vue dans la fixation du temps de prestations. L'activité du MACS n'est pas un emploi mais un apprentissage. Les 48 h du contrat de formation comprennent actuellement 4 heures de formation scientifiques. Alors on peut réduire à 38 h le temps de travail, mais en les complétant de 10 heures de formation, cours théoriques, séminaires, débriefing et supervision de travail de recherche parallèle. Sans enseignement, pas de MACS. L'arrivée massive des diplômés de la double cohorte a provoqué des diminutions des exigences, la multiplication des maîtres de stage et de postes de stages dans les services, entraînant une perte de qualité dénoncée par les intéressés mais cela ne peut durer.Sur la nature du contrat, on n'est pas au clair : Le Cimacs réclame un contrat d'emploi mais son mémorandum propose d'insérer les mots : " Chaque heure de travail est considérée comme formative ". C'est contradictoire avec l'interview de Jérôme Lechien, alors président du Cimacs, selon lequel 37% des MACS ne reçoivent parfois ni formation ni supervision suffisante. D'après une enquête évoquée par la RTBF (20 mars 2019 à 17h17), 37% des MACS se considèrent comme un danger pour les patients. Certains racontent avoir dû s'instruire en regardant une vidéo.Sur le plan des salaires, il va de soi que l'application de la loi sur les heures supplémentaires ne se discute pas. Restent les montants. Le Cimacs demande des augmentations de 20 à 100 % par comparaison aux tarifs actuels selon l'avancement du stages ,pour obtenir des rémunérations annuelles atteignant, à l'index actuel, jusqu'à 79 000 euros en 5ième année. Ce montant ne représenterait que le salaire de base pour seulement 40 heures de travail, à majorer des charges patronales, du double pécule de vacances, de suppléments pour pénibilité de nuit, d' heures supplémentaires ou de week-end à 150 ou 200 %, et les tickets repas pour mémoire, ce qui pourrait aboutir grosso modo à un coût annuel dépassant les 120 000 euros .V. Qui va payer ?Que cette demande soit raisonnable ou pas, justifiée ou pas compte tenu de ce qu'on apprend sur les stages, la question est : qui va payer ? C'est impayable par l'hôpital qui n'a pas les budgets nécessaires. Reste donc les honoraires du staff hospitalier. Les représentants de l'Absym et du Cartel seraient prêts à s'approcher de ces chiffres mais pour une base de 48 heures semaine et en contrat générique (sui generis), avec des suppléments moindres. On suppose qu'ils ont consulté leurs bases parce que cela paraîtrait difficilement payable par les maîtres de stage de certaines spécialités, s'ils avaient à rembourser l'hôpital de ces montants. Tant qu'on n'a pas tranché la question de l'intervention publique dans le coût de l'enseignement, ces augmentations risquent de tomber sur les médecins hospitaliers, qui chercheront forcément à produire plus pour récupérer cette dépense, sinon ce serait idiot de leur part de payer rien que pour former des concurrents. Un engagement n'est supportable qu'avec une intervention publique d'au moins 50 % de son coût, comme c'est le cas dans le système des généralistes qui a servi de base aux calculs de l'Absym.VI. Un préalable : Pas d'augmentation sans une formation valableTout dépend maintenant de l'engagement du SPF Santé publique et de l'Inami à mettre l'argent sur la table. Le ministre Vandenbroucke a annoncé (RTBF, 29 avril 2021, 19 :42) qu'il avait prévu dix millions d'euros. Cela fait moins de 100 euros par mois par candidat spécialiste. On est loin du compte. Il a promis à la Chambre d'augmenter cette enveloppe. Reste à espérer une pluie de millions magiques après les réunions Zoom de la Commission paritaire du 5 et celle à venir du 19 mai.Mais avant toute augmentation, un réexamen des services de stage s'impose absolument. L'interview courageuse du président du Cimacs, le Dr Jérôme Lechien, m'a terrifié. Courir le risque d'être réceptionné par un spécialiste autodidacte dans un cas sur trois est inacceptable. En tant que patient et contribuable, je crois être en droit de demander à toutes les parties concernées, ministres en tête, de lier la qualité de la formation à tout aménagement des contrats de MACS et des maîtres de stage.