Combien de fois ne l'ai-je pas entendu dans la bouche de la ministre De Block ou de ses représentants, conjugué à presque tous les temps : je n'ai pas le choix, ne n'ai pas eu le choix, je n'avais pas le choix... ? Cette formule, précédant systématiquement l'annonce faite aux gestionnaires de l'assurance maladie, d'économies supplémentaires imposées au secteur.
...
La formule "je n'ai pas le choix" faisant écho à un dogme que, bien entendu, seuls les imbéciles ou les individus de mauvaise foi contestent : le contexte économique dicte sa loi et il n'y a qu'une seule voie pour faire face à la situation économique délicate : des économies tout de suite !Pendant plusieurs années, j'ai réagi à cette affirmation en répétant invariablement "madame la ministre, on a toujours le choix" quitte à être classé dans la catégorie des imbéciles ou dans celle des malhonnêtes.Je dois à la vérité de dire que ma réaction m'a parfois valu des protestations véhémentes mais que jamais, contrairement à certain de ses prédécesseurs que je ne citerai pas, la ministre ne m'a fermé la porte de son cabinet ni ne m'a considéré comme un opposant fanatique à rayer d'urgence de ses contacts. Quant à réellement être entendu... c'est une autre histoire! La phrase fétiche de madame De Block m'est revenue à l'esprit en suivant le conflit qui oppose actuellement le personnel et les gestionnaires du CHR de la Citadelle et en entendant les arguments des uns et des autres par rapport au bien fondé ou non des économies qui ont été décidées dont une partie importante touchera le personnel.Bien sûr, je ne renie pas les positions que j'ai prises depuis le début de la législature et je continue à faire partie de ceux qui affirment que les économies récurrentes imposées au secteur des hôpitaux auront un impact sur la masse salariale et sur le personnel. Je reste néanmoins dubitatif sur l'argumentation des gestionnaires qui, dans leur communication, suivent en quelque sorte la logique "pas le choix" de la Ministre : "les organisations syndicales doivent comprendre que nous n'avons pas le choix".Je réponds, comme je l'ai si souvent fait à la Ministre : "on a toujours le choix"; à commencer par celui d'écouter ou non les points de vue divergents du personnel.Pendant plus de trente ans, à tous les niveaux, j'ai négocié avec les représentants des travailleurs hospitaliers (y compris des médecins). D'abord en tant que membre de la direction d'un hôpital puis en tant que participant, au nom du secteur, à la concertation paritaire nationale ou régionale.J'y ai découvert l'énorme valeur ajoutée du dialogue et de la confrontation des points de vue. Malheureusement cette ouverture au point de vue des autres est encore trop souvent mal acceptée par certains gestionnaires trop persuadés du bien fondé de leurs choix ou par crainte que ce dialogue mette en évidence leurs mauvaises décisions ou leur manque de décision. La position de certains gestionnaires (heureusement une minorité mais j'en ai connus) consiste même parfois, de manière caricaturale, à répéter en boucle le mot "non" à toute proposition émanant d'une instance représentant les travailleurs ou les médecins et à exhiber comme un trophée la longueur de la période pendant laquelle ils ont "résisté". A contrario, il ne serait pas honnête de ma part de ne pas faire état de la tendance de certains représentants des travailleurs ou des médecins hospitaliers, à vouloir se substituer aux gestionnaires tout en n'endossant, bien évidemment, aucune responsabilité sur les conséquences des choix de gestion qu'ils imposent. Cette catégorie, également minoritaire, pratique régulièrement le langage du "n'y a qu'à". Il est évident qu'il s'agit également d'une dérive à éviter.En découvrant en ce début d'année , à travers les médias, le conflit qui oppose les gestionnaires d'une importante institution hospitalière avec les travailleurs, et en entendant les portes-parole des premiers affirmer qu'il n'y a aucune alternative à une réduction de la masse salariale, je me dit que l'argument est un peu court et il m'inspire une réaction similaire à celle opposée à madame De Block : "il y a toujours des alternatives". J'en suis intimement persuadé, même si ne suis pas en position de juger du fonds d'un dossier dont je suis désormais éloigné et dont je ne peux juger que la communication. "Il n'y a pas d'alternative" m'apparaît aussi peu crédible que les "je n'ai pas le choix" de la ministre des Affaires sociales.Une attitude constructive ne consisterait-elle pas en une invitation à la concertation, à une réflexion commune débouchant sur des alternatives voire une remise en cause de certaines décisions ou politiques de gestion.Les travailleurs (dont les médecins) d'un hôpital ne sont-ils pas, par ailleurs, en droit de réclamer des comptes à leur employeur, de leur demander ce qu'ils ont pris comme mesure concrète pour adapter leur institution de soins au contexte économique, scientifique ou sociologique ? Quelles alliances ont été conclues ? Quel redéploiement les gestionnaires comptent-ils mettre en oeuvre dans une logique d'entreprise plutôt que partisane ?Il serait évidemment sot de prétendre que les moyens, toujours en baisse octroyés au financement des hôpitaux suffiront à la fois à maintenir la masse salariale du secteur, la masse des honoraires et les investissements tout en garantissant la sécurité tarifaire au patient; mais il est tout aussi sot de prétendre que le modèle hospitalier actuel ne doit pas évoluer. Force est de reconnaître que les hôpitaux qui ont enclenché cette évolution passent globalement mieux au travers des contraintes budgétaires et que leur restructuration, concertée avec tous les travailleurs et médecins, est acceptée de tous et ne suscite aucun mouvement d'humeur de la part du personnel. Un managment efficace, proactif, ouvert au dialogue ne suscite en général aucune grogne du personnel. A contrario, les protestations virulentes du personnel sont autant de signaux envoyés au managment dont la seule attitude constructive sera de se remettre en question sur base des critiques qui lui sont adressées. Bien gérer est l'art de se remettre continuellement en question !