A l'invitation du 54e Cycle de perfectionnement en sciences hospitalières de l'UCL, les partis politiques ont présenté leurs visions pour le secteur de la santé, et particulièrement pour celui des hôpitaux. Le jdM publiera dans ces prochaines éditions les priorités des différents partis pour l'après 26 mai, jour des élections régionale, fédérale et européenne. Nous continuons ce décryptage des programmes avec Ecolo, représentée par Muriel Gerkens, ex députée fédérale et présidente de la Commission santé publique de la Chambre.
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D'emblée, Muriel Gerkens reconnaît que le volet santé du programme électoral présenté en 2014 par Ecolo n'était pas assez structuré. "Ce qui compte aujourd'hui, c'est le programme 2019! Pour moi, c'est impossible de parler de politique hospitalière sans resituer les hôpitaux dans des trajets de soins, dans une politique de santé globale et intégrée. Il faut recréer une hiérarchie dans l'organisation des soins en considérant que les patients doivent recourir de façon prioritaire aux prestataires de première ligne. "Dans son programme, Ecolo insiste sur l'organisation de territoires de santé. "Nous pensons que cette vision est nécessaire pour que les hôpitaux prennent en charge les patients qui doivent s'y rendre et que les acteurs de la première ligne puissent également rencontrer les besoins des patients extamuros. Il faut donc identifier les bassins de vie et de soins des habitants. Cela ne se résume pas à diviser les Belges en groupes de 400.000 habitants. Il faut se demander où vont les gens lorsqu'ils doivent se rendre à l'hôpital. Comment la mobilité s'organise-t-elle ? Quels besoins sont effectivement rencontrés ? A partir de cette analyse, on peut mettre en place une organisation des soins qui associe les acteurs de santé et les acteurs sociaux. "La représentante Ecolo souligne que son parti ne s'est pas retrouvé dans la réforme du secteur hospitalier menée par Maggie De Block. " La ministre de la Santé a demandé aux hôpitaux de s'organiser entre eux. Il n'y a pas vraiment eu beaucoup de concertation sur la manière de le faire. On se retrouve dans des régions, et je prends l'exemple de Liège d'où je viens, avec un réseau public (dont un hôpital universitaire) et un réseau associatif qui vont couvrir le même territoire. On ne s'est pas posé les questions de savoir, par exemple, " comment faire pour que l'hôpital chrétien n'envoie pas ses patients à l'UCL plutôt qu'au CHU de Liège ". La préoccupation n'est pas de fournir les meilleurs soins au meilleur moment."Ecolo soutient la suppression des suppléments hospitaliers et des mesures facilitant l'accès aux soins des patients aux structures hospitalières. " La manière dont le financement des hôpitaux est actuellement organisé fait que forcément les acteurs jouent avec le nombre d'actes. Le fait que les actes techniques sont mieux remboursés que les actes intellectuels, dans une logique où le financement de l'hôpital dépend en partie de la rétrocession, induit des dérives. " Ecolo propose de revoir ce mode de financement. "Il faut se demander de quoi un hôpital a réellement besoin en fonction de ses caractéristiques (de proximité ou de référence) en termes de technologie, d'infrastructures, de personnel administratif, de nursing, d'effectifs paramédicaux... Ces enveloppes peuvent être déterminées de manière pluriannuelle de façon à ce qu'elles soient garanties aux structures hospitalières sans qu'il y ait une rétrocession de la part des médecins. Il y a certainement une manière nettement plus efficiente de prévoir le financement des médecins en harmonisant les rémunérations. Il y a des écarts entre les spécialisations qui ne sont ni explicables, ni acceptables. Il n'est pas normal que des médecins, payés pour leurs actes intellectuels, doivent se battre avec le gestionnaire pour augmenter les effectifs de personnel infirmier et se retrouvent en concurrence avec un autre service de l'hôpital qui doit s'équiper d'une machine de dernière génération. Ces négociations au sein de l'hôpital ne servent pas l'intérêt des patients."Une réflexion sur le financement hospitalier et l'harmonisation des revenus permettrait, selon l'ancienne présidente de la Commission Santé de la Chambre, de réduire les pénuries dans certaines spécialisations et d'éviter que des spécialistes développent en dehors de l'hôpital des cabinets privés tout en travaillant à l'hôpital, en ayant d'un côté une pratique non-conventionnée sans file d'attente et de l'autre côté une pratique conventionnée avec file d'attente.Muriel Gerkens a rappelé à l'assistance qu'elle a fait partie des parlementaires qui se sont battus en 2006-2007 pour améliorer la rémunération et la charge de travail des assistants. "Plus récemment, avec mes collègues de GROEN, nous avons essayé de trouver un système permettant à ces médecins spécialistes en formation d'avoir des maîtres de stage qui puissent leur assurer un temps de formation suffisant. Un médecin en formation ne doit pas faire le travail à la place d'un médecin. Il faut assainir la relation entre le stagiaire et le maître de stage. Tout en sachant qu'un médecin en formation travaille beaucoup, plus que 38 heures par semaine. Il faut oser se dire que nous manquons de médecins spécialistes, en particulier dans les hôpitaux et qu'il faut revoir les quotas et le processus de formation des médecins et, plus particulièrement, des professionnels de la santé. "L'ex cheffe de groupe d'Ecolo à la Chambre ne comprend pas que la collaboration entre les différents acteurs de terrain n'ait pas pu être mieux encouragée ces cinq dernières années. "Nous avons organisé de nombreuses auditions de professionnels de la santé en Commission santé de la Chambre. Tous ont déclaré la même chose : " on ne nous a pas mis autour de la table pour discuter de manière bilatérale et encore moins évidemment de manière transversale. " Or, une politique hospitalière nécessite de la concertation. Pour les hôpitaux, se retrouver de temps en temps autour de la table avec la première ligne et les politiques qui ont les manettes en main est indispensable." https://uclouvain.be/fr/facultes/fsp/cycle-de-perfectionnement-en-sciences-hospitalieres.htmlVincent Claes