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En effet, l'information pourrait être précieuse de savoir qui a été malade et ne pourrait plus l'être, qui ne l'a pas été et risque de l'être, qui peut-on regrouper sans risque de contamination dans les mêmes locaux... Mais ce n'est pas si simple. " Au début de la crise Covid, nous avons été très sollicités pour permettre la mise en place de mesures de sécurité qui permettent aux gens de continuer à travailler, en respectant les mesures barrières. Ce n'a pas été sans difficultés. Et quand la plupart des entreprises se sont arrêtées parce qu'il n'était pas possible de poursuivre tout ou partie de l'activité en respectant ces règles, nous nous sommes attelés d'emblée à élaborer un guide du redémarrage, étant sûrs que les entreprises ne redémarreraient pas " comme avant ". Nos conseillers en prévention sont allés plus encore que d'habitude sur le terrain, afin de conseiller quelles mesures mettre en place ", explique Gretel Schrijvers, directrice générale de Mensura. " Aujourd'hui, nous sommes face à une forte demande des entreprises pour pouvoir offrir le test aux employés, essentiellement pour rassurer le personnel lors de la reprise du travail. Mais nous leur déconseillons fermement ce geste, en leur expliquant qu'il faut garder une approche scientifique de la pandémie et que les tests PCR ne sont pas faits pour tester la population entière, mais uniquement les personnes qui présentent des symptômes. Que faire notamment d'efficace avec une technologie qui affiche 30% de faux négatifs, au risque de dire à ces patients qu'ils ne sont pas porteurs alors qu'ils le sont et peuvent contaminer leurs proches en relâchant, ne fût-ce qu'un peu, les gestes barrières de protection ? "De plus, insiste Gretel Schrijvers, que faire avec les employés convaincus de porter le virus ? Ils doivent être confinés durant deux semaines au domicile, ils vont développer une crainte d'être écartés, sanctionnés, licenciés. Même si ces craintes sont infondées (et le sont-elles ? ), c'est une mauvaise idée. " Souvent, les directions ont été frappées par l'efficacité de l'action dans les maisons de repos et de soins, où les tests ont permis de retirer du service les professionnels infectés et de séparer les résidents en deux catégories, afin de freiner l'infection. Mais nous leur expliquons que ce n'est pas du tout comparable, notamment en taux d'infection, de risque relatif et de sédentarité des résidents. "Mais n'y aurait-il pas moyen de gérer mieux l'entreprise avec les résultats des tests sanguins, qui permettent de distinguer ceux qui ont créé des anticorps, des tests précisément libérés ce 29 mai ? La patronne de Mensura repousse cette idée : " L'Organisation mondiale de la santé dit clairement qu'il n'y a actuellement aucune preuve que les personnes qui se sont remises du Covid-19 et qui ont des anticorps sont prémunies contre une seconde infection. Et nous ne savons pas quel niveau de protection et combien de temps l'immunité durera. Nous menons actuellement, en collaboration avec un hôpital, des tests pour déterminer combien de temps cette immunité dure. Tant qu'on n'aura pas acquis de certitudes en la matière, généraliser des tests sanguins est inutile, voire contre-performants en donnant l'illusion à certains d'être protégés du virus ". Sur le terrain, la pression est forte : certains laboratoires essaient de placer leur produit avec insistance. Pour déterminer une politique de tests rationnelle, Mensura, un des leaders du marché avec 55.000 entreprises clientes, a mis au point une analyse de risque spécifique qui identifie les contacts à haut risque. Basé essentiellement sur le nombre de personnes présentes dans les locaux, le temps passé, le port ou non de matériel de protection, l'indice peut déterminer qui affiche un haut risque ou un risque modéré. " Il est logique de ne tester que ces contacts à haut risque. Tester une population avec peu de personnes infectées réduit la précision des tests et peut conduire à un faux sentiment de sécurité ".De plus, insiste Schrijvers, il n'y a aucun cadre légal qui permette à l'entreprise de pratiquer ces tests. L'employé peut parfaitement décliner la proposition. Pourtant, lors d'épidémies de grippe, des entreprises proposent de vacciner gratuitement leur personnel. Même au-delà des groupes à risques déterminés par le Conseil supérieur de la santé. " Il s'agit là de prévention, ce qui est d'une nature tout à fait différente d'un test qui détermine si vous avez ou non été touché par un virus. La conservation de la donnée doit d'ailleurs être assurée par Sciensano dans le cadre du tracing en cours. Les tests inutiles et non contrôlés contribuent à la stigmatisation entourant la contamination. Cette stigmatisation a à son tour un effet négatif sur le contact tracing et la volonté de se soumettre à un test. Le test reste un processus volontaire et la coopération des employés est donc cruciale. Le contact tracing traditionnel par le gouvernement montre que la peur et la stigmatisation qui entourent le coronavirus ont des conséquences désastreuses dans le processus de suivi. Nous ne devons pas faire la même erreur. "