Les Médecins sans vacances consacrent leurs congés à faire du volontariat dans des hôpitaux africains. Le Dr Dries Tant, de retour d'une mission à Ruhengeri (Rwanda), nous explique le travail de cette ONG.
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Médecins sans vacances (MSV) bâtit des collaborations durables avec les hôpitaux et les centres de soins de cinq pays africains (Bénin, Burkina Faso, Burundi, République Démocratique du Congo, Rwanda) qui souhaitent offrir à leurs patients les meilleurs soins possibles, et ce malgré des conditions souvent difficiles. L'ONG leur apporte son soutien de diverses manières.Par exemple, en envoyant des équipes multidisciplinaires de volontaires (médicaux, paramédicaux, techniciens) qui, durant leur séjour, partagent leurs savoirs et expériences avec leurs homologues africains. Mais aussi en apportant un soutien pratique via des formation " sur le tas " en salle d'opération ou au chevet du patient. Les volontaires travaillent en étroite collaboration avec les acteurs locaux, et l'échange de connaissances prend en considération le contexte local, dans la perspective de relations sur le long terme.MSV a vu le jour en 1981, lorsque les Drs Frans De Weer et Johan Mattelaer partirent pour la première fois au Cameroun en tant qu'équipe de soutien médical. Lors de cette première mission, les deux médecins avaient été accueillis par des banderoles annonçant " Bienvenus les Médecins sans vacances ". Le nom était trouvé. De Weer et Mattelaer sont ensuite revenus chaque année, emmenant avec eux des coreligionnaires venus renforcer leur équipe. S'ensuivit en 1991, la fondation officielle de l'asbl. Les équipes de volontaires continuèrent à s'étoffer, et les missions à se multiplier. Six ans plus tard, l'asbl était reconnue comme ONG et un collaborateur coordinateur permanent était recruté. En 1999, un nouveau jalon fut posé, Médecins sans vacances recevant alors l'agrément " programme " (ce qui permet l'élaboration d'un programme pluriannuel). Une croissance vertigineuse du nombre de missions suivit... Aujourd'hui, l'organisation compte 15 collaborateurs administratifs et 45 volontaires.Début 2016, le Ministère de la Coopération au développement a confirmé la reconnaissance de Médecins sans vacances pour les dix années à venir.Le jdM : Quelle est la différence entre Médecin sans vacances et une ONG comme Médecins sans frontières ?Dr Dries Tant : MSV travaille avec des médecins, infirmiers et techniciens qui partent en mission en tant que volontaires. MSV ne travaille pas dans des zones de crise mais toujours à la demande d'hôpitaux africains partenaires. Nous élaborons une collaboration à long terme avec eux, afin de renforcer leurs capacités. Les volontaires effectuent des missions de 2 à 3 semaines au cours desquelles les objectifs fixés sont mis en pratique. L'accent est mis à chaque fois sur l'échange de connaissances.Quel parcours vous a amené dans cette organisation ?En terminant ma spécialisation en médecine tropicale, j'avais déjà une femme et un enfant. La perspective de partir pour de longues missions ne m'intéressait donc pas. Mais je me suis engagé sur le long terme, et suis encore actif aujourd'hui. J'essaie d'effectuer une à deux missions par an.Vous assurez principalement la formation de la population locale.L'objectif est en effet de former les personnes afin qu'elles puissent ensuite utiliser les connaissances acquises de manière autonome. Cela n'a pas de sens de venir avec du matériel de pointe et d'opérer quelques patients. Nos homologues locaux doivent pouvoir assurer des interventions efficaces, ils n'ont pas besoin du point de vue condescendant de médecins occidentaux. Cette réciprocité est agréable, chacun apprend beaucoup de l'autre. Moi-même, j'apprends beaucoup des locaux. Mon travail làbas m'a appris à être plus calme, moins stressé. Auparavant, les gens là-bas ne faisaient pas d'infarctus, ils étaient moins stressés et avaient une alimentation plus saine. On apprend à relativiser. Les gens en Afrique sont résignés, car ils savent que la situation n'est pas parfaite. La mort est partout.Travaillez-vous souvent dans des conditions difficiles ?On ne dispose pas de la même technologie ni du même matériel qu'en Belgique, mais les médecins rwandais ont de bonnes connaissances médicales de base. En Afrique, on prend conscience du gaspillage qui s'opère en médecine occidentale. On fait immédiatement un scan, par exemple. Là-bas, on se montre plus économe. La famille doit payer pour toute intervention, et n'a pas souvent l'argent. On est donc obligé de penser à être économe en mission, médicalement parlant.Avez-vous le sentiment que vous avez pu sauver des vies, alors que tout était perdu ?J'ai sauvé un enfant de la malaria cérébrale. C'est un sentiment fantastique. Mais pour un enfant sauvé, on doit en abandonner tant d'autres.Comment réagissez-vous face aux différences culturelles ?Avec respect. Il faut quelquefois se défaire de notre approche médicale occidentale. On ne pratique pas de transplantation en Afrique. En Belgique, on tente de garder les personnes en vie pour pouvoir les transplanter. Il faut donc disposer d'un donneur. En Afrique, le respect pour les morts empêche d'opérer des manipulations sur des cadavres. En tant que médecin, il s'agit de penser en termes culturels plutôt que purement médicaux.